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PATROUILLES MIXTES AU NORD-MALI : Mirage ou réalité ?  


 

Le comité de suivi des accords de paix d’Alger a proposé, à l’ouverture  de sa cinquième session le mercredi dernier, des patrouilles mixtes  regroupant les groupes armés du nord (CMA et Plateforme), l’armée malienne et les soldats de la Minusma, afin de lutter contre l’insécurité qui ne cesse de grandir partout au Mali, et particulièrement dans la partie septentrionale du pays. Ces patrouilles conjointes, les premières du genre depuis le déclenchement de la crise malienne en 2012, sont en soi une bonne initiative et une étape cruciale dans la mise en place d’un climat de confiance et de franche collaboration entre les frères ennemis. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les artisans de la paix ont été bien inspirés d’imaginer ce scénario qui mettra côte à côte des groupes armés signataires de l’accord de paix d’Alger qui, au lieu de se tirer dessus comme ils en ont l’habitude, vont orienter leurs canons vers des ennemis communs, en l’occurrence les islamistes qui ont refusé d’intégrer le processus de pacification du Mali. Pour que ces frères maliens qui se haïssent mutuellement  organisent des patrouilles communes, il  leur faudra d’abord se parler et décider ensemble des axes à emprunter, ainsi que des moyens et des hommes à mobiliser pour enrayer la pieuvre islamiste qui n’en finit pas d’étendre ses tentacules sur tout le territoire malien. Ce scénario, qui ressemble a priori à de la science-fiction, est, quoiqu’on dise, possible, quand on sait que dans cette partie du pays, les acteurs sont capables de versatilité et de changement d’alliance les plus surréalistes et même les plus incongrues, en fonction le plus souvent de  leurs propres  intérêts. Cette perspective est d’autant plus envisageable que les deux groupes armés les plus actifs et les plus représentatifs dans ce nord malien compliqué, que sont la CMA et la Plateforme, ont entrepris, il y a quelques semaines, des négociations par le truchement des chefs de tribus touaregs. Afin de mettre un terme aux affrontements meurtriers entre les différentes communautés de la zone. Si les Touaregs Imghad et leurs frères Ifoghas qui se sont combattus principalement pour des questions de leadership acceptent enfin et sincèrement de fumer le calumet de la paix, on peut espérer que le bout du tunnel sinueux dans lequel se sont engouffrées les parties maliennes et la communauté internationale, ne soit plus très loin.

La solution du problème du Mali viendra du désarmement des cœurs et des esprits

A ces facteurs favorables au front commun contre le péril djihadiste, on pourrait ajouter les difficultés de la vie quotidienne et l’usure de la guerre et des combats, après quatre années de mobilisation et d’alerte maximale dans les différents camps. Il reste à espérer que ces patrouilles annoncées soient le prélude à un retour progressif de l’armée et de la souveraineté malienne sur toute l’étendue du territoire, avec Kidal et sa région en ligne de mire. Mais le chemin pour y parvenir risque d’être long et semé d’embûches, d’autant que la solution du problème sécuritaire du Mali et pas seulement du Nord, ne viendra pas du dépôt des armes ni de la formation d’alliances de circonstance, mais plutôt du désarmement des cœurs et des esprits, qui n’a pas encore eu lieu, malgré les professions de foi et  les propos diplomatiquement corrects de certains leaders auxquels eux-mêmes ne croient pas. Comment faire accepter en effet la présence de soldats maliens dans une patrouille, fût-elle mixte, à Kidal ou à Tessalit, quand les « illusionnistes » de la CMA ont passé le temps à rassurer les populations desdites villes que l’indépendance de l’Azawad est non négociable ? Et quels arguments avanceront les autorités de Bamako devant les populations de Mopti ou de Bankass pour justifier une présence voyante des hommes de la CMA dans leur région, eux qui sont à l’origine de la partition du Mali et auraient fait entrer les djihadistes au Nord et maintenant au Centre du pays ? Quels seront les rapports entre patrouilleurs eux-mêmes, particulièrement entre les soldats maliens qui sont encore sous le choc et le traumatisme du massacre de leurs frères d’armes à Aguelhok au début de la guerre, par les hommes du MNLA ou leurs alliés ? Et que se passerait-il entre les combattants de la Plateforme et ceux de la CMA, qui se regarderont en chiens de faïence pour s’être crêpé les chignons il y a seulement quelques semaines à Anefis ? Certes, au milieu de tous ces hommes armés qui n’hésiteront pas à se canarder à la moindre occasion, il y aura, si le scénario venait à être réalisé, la MINUSMA qui sera là plus pour s’interposer entre partenaires de circonstances que pour participer à la traque des terroristes. Mais la paix, disait Félix Houphouët Boigny, ce n’est pas un mot, c’est plutôt un comportement. Et le comportement des hommes qui seront appelés à participer aux futures patrouilles conjointes, doit être surveillé de près, afin que des ressentiments mal dissimulés ou mal maîtrisés d’un groupe ne transforment ces nouvelles esquisses de solutions à la crise malienne en mirage, comme cela a souvent été malheureusement le cas.

Hamadou GADIAGA


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