« PLUS RIEN NE SERA COMME AVANT » Un slogan en trompe-l’œil
Je fais le constat que depuis la chute du régime de Blaise Compaoré, il y a un slogan qui est sur toutes les lèvres : « Plus rien ne sera comme avant ». On le chante presqu’à longueur de journée et même de nuit. Les citoyens comme les officiels ne peuvent pas prononcer deux phrases sans prononcer ce slogan. Cela traduit toute la soif de changement auquel aspirent bien des Burkinabè. Les richesses étaient concentrées entre les mains d’une minorité qui passait le temps à narguer les autres. Donc, je comprends pourquoi les Burkinabè souhaitent qu’après le départ de Blaise Compaoré, plus rien ne soit comme avant. C’est ceci donc qui explique cela. Mais moi je voudrais poser les questions suivantes à mes compatriotes. Qu’entendent-ils par plus rien ne sera comme avant ? Que les choses changeront positivement ? Ou bien qu’elles iront de mal en pis ? Certains me traiteront de véritable fou parce que, pour eux, le changement ici souhaité ne va que dans le sens de l’amélioration de la gouvernance politique et pourquoi pas, des conditions de vie des populations. Ils ont raison. Mais moi, je fais le triste constat que rien, depuis le départ de Blaise Compaoré, n’a véritablement changé dans ce pays. Le seul changement palpable porte sur les nominations à la pelle aux allures de purges, auxquelles l’on assiste à l’issue de chaque Conseil des ministres (s’il n’est pas perturbé par le RSP), comme ce fut le cas sous la Révolution d’août 1983, avec Thomas Sankara. En dehors de ça, je ne vois plus rien de concret. Pourtant, les autorités de la transition ont pris des engagements vis-à-vis du peuple. Peut-être suis-je trop impatient. En tout cas, j’attends de voir. Je me rappelle que lors de son discours d’investiture, le président du Faso, Michel Kafando, avait promis de faciliter l’identification des restes du capitaine Thomas Sankara, assassiné en 1987. Des jours voire des mois se sont écoulés sans que l’on ne voie aucune action concrète sur le terrain. Je le dis d’autant plus que la famille du défunt capitaine avait récemment adressé une correspondance à l’exécutif, lui signifiant qu’elle était toujours dans l’attente. Et ce n’est pas tout.
Si l’on n’y prend garde, les choses iront de mal en pis
Le gouvernement avait manifesté sa volonté de recadrer les prix du loyer à Ouagadougou, afin de permettre à chaque Burkinabè de s’octroyer un logement décent. Là aussi, on ne voit toujours rien sur le terrain. Très récemment, c’est le directeur général du Trésor et de la Comptabilité publique qui, lors de la passation des charges, avait solennellement déclaré que la dette intérieure serait intégralement payée. Peut-être le décaissement a-t-il déjà commencé, mais ce qui me choque, c’est qu’aucun délai n’a été fixé afin d’alléger les procédures que je sais lourdes. Peu avant, c’est le Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, qui, lors de la commémoration du 13 décembre dernier, avait déclaré devant une foule compacte en liesse, que le gouvernement procèderait à la nationalisation de certaines entreprises dont la SOCOGIB. Des mois passent, mais Zida ne dit plus rien. Et le chapelet des promesses faites au peuple est tellement long qu’il serait difficile de les égrener exhaustivement, au risque d’en perdre haleine. Tout cela m’amène à me demander si le slogan « plus rien ne sera comme avant » n’est pas un slogan creux. Y a quoi dedans même ? Et c’est cette forme d’attentisme pour ne pas dire de laxisme, qui justifie le retour sur scène des anciens caciques de l’ex-parti sur fond d’arrogance. A peine sortis du bois, ceux qui rasaient encore les murs, il y a seulement quelques mois, feignent d’oublier leur responsabilité dans ce qui est arrivé les 30 et 31 octobre derniers. Tout cela, au nez et à la barbe des autorités de la transition. C’est pourquoi je disais que si l’on n’y prend garde, les choses iront de mal en pis. Mais, en vérité, je sais d’où vient le péché originel de notre insurrection populaire. En effet, contrairement à d’autres pays, aucun des anciens caciques n’a été inquiété ni même assigné à résidence surveillée depuis la chute de leur mentor, d’où les comportements auxquels on assiste aujourd’hui. Que voulez-vous ? On a aussi confié la gestion de la transition à des gens qui ont sécurisé le départ de Blaise avec ses mallettes d’argent. Il ne peut donc pas en être autrement. C’est ça qui est la vérité ! Et c’est ça qui me fait dire que « plus rien ne sera comme avant » est un slogan en trompe-l’œil.
« Le Fou »
SAMBIGA
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Voilà pouquoi je dis que l’emergence que prônait l’ancien régime ne se limite qu’au clan Blaise Compaore et tout est fait pour preserver cette emergence privée.
22 février 2015