PREPARATION DE LA FETE DE NOEL: La morosité économique se fait sentir
Noël, comme la définissent les chrétiens, est la commémoration de la naissance de Jésus Christ. Et cette commémoration de la naissance de Jésus est célébrée dans le monde entier. A Ouagadougou, la capitale du Burkina, les fidèles catholiques s’activent pour accueillir l’enfant Jésus dans la joie et l’allégresse. Mais, s’il y en a qui, parfois, se frottent les mains à l’occasion des fêtes, il y en a aussi dont les affaires tournent souvent en ralenti. A la veille de cette fête de la nativité de l’enfant Jésus, nous sommes allés à la rencontre des fidèles catholiques, des commerçants ainsi que des enfants, pour savoir comment se prépare la fête.
Ouagadougou, le 20 décembre 2018. Il est 8h et comme chaque année à l’approche des fêtes de fin d’année, la circulation dans cette ville est dense. Mais après quelques luttes, nous avons pu nous frayer un passage et nous voilà devant la Cathédrale de l’Immaculée Conception. Du coup, le constat saute à l’œil, un lieu de commerce par excellence de crèches préfabriquées, de guirlandes et de sapins de Noël. Avec l’harmattan qui sévissait en cette journée pas du tout ensoleillée, vêtus de tenues délavées et froissées, d’autres ayant les mains et les pieds fendillés, la peau et les lèvres assez sèches, des marchands tentent de séduire les passants avec leurs œuvres. Chacun veut vendre tous ses objets le plus vite possible à tel point qu’il en venait souvent à harceler les passants. « Que voulez-vous messieurs ? Regardez les jolis sapins que j’ai ici, ce n’est pas cher. Vous-en voulez ?», nous lancent des vendeurs dans la cacophonie. Avec le sourire aux lèvres, nous déclinons notre identité avant de commencer le travail. « Cela fait 15 ans que je suis dans la fabrication et la commercialisation des crèches de Noël. Le mois de décembre est une période pendant laquelle nous faisons de bons chiffres d’affaires, mais le marché de cette année est loin d’être satisfaisant si bien que l’on se demande si les catholiques vont fêter », nous confie Brice Ilboudo, vendeur de crèches sur un ton morose. Hormis la vente de sapins qui est une activité périodique, Brice dit mener d’autres activités rémunératrices. Il nous fait savoir aussi qu’il est chrétien et que la fête de Noël est un grand jour qui symbolise pour lui la naissance du Sauveur qui vient délivrer les chrétiens. Salif, aussi vendeur de crèches préfabriquées, n’est pas Chrétien mais est dans la vente des crèches artificielles depuis les années 90. « C’est un métier que j’ai appris auprès de mon grand frère et aujourd’hui encore, je suis dedans », nous a-t-il dit. A la question de savoir ce que la fête de Noël représente pour lui, il confie en souriant : « c’est une période pendant laquelle je me fais beaucoup d’argent. Je ne suis pas chrétien, mais selon les dires de certains chrétiens catholiques, la crèche de Noël est la maison de Jésus ». Salif, la mine froissée, nous fait comprendre que le marché de crèches, cette année, est très morose à cause des multitudes points de vente et de vendeurs. « Au début, nous étions les seuls à vendre des crèches et les affaires marchaient bien. Maintenant, comme les gens ont vu qu’il y a de l’argent à se faire, tout le monde est devenu vendeur de crèches et cela fait que les affaires ne marchent plus comme avant », raconte-t-il, avant de poursuivre que même si la qualité parfois n’y est pas chez certains vendeurs, l’essentiel pour eux, c’est de se faire des sous. Une autre raison de la mévente pour Salif, est la concurrence avec ceux-là qui construisent les crèches devant leurs cours.
A l’approche de la fête de Noël, s’il y a aussi une marchandise qui se vend facilement, c’est bien le pagne de Noël. Du moins, c’est ce que Paul David Ouédraogo, un jeune étudiant venu aider sa grand-mère à vendre ses pagnes de Noël devant la Cathédrale, nous fait croire pendant notre visite devant la Cathédrale de Ouagadougou. « Les affaires vont très bien et les pagnes s’achètent comme de petits pains. Les pagnes que nous avions stockés au départ sont finis depuis le 10 décembre dernier, et ceux-ci sont de nouveaux pagnes que nous avons commandés. Nos bénéfices pourraient s’élever à plus de 200 000 F CFA d’ici la fin de la vente», a-t-il dit. Selon Thérèse Ouédraogo, vendeuse d’objets de piété, l’engouement est à noter car les objets s’achètent bien. Dans les caves et autres lieux de vente de boissons et de charcuteries, les choses bougent car acheteurs et vendeurs discutent les prix pour la préparation de la fête. Paul Simporé, gérant de cave à vin, explique que l’engouement n’est pas au rendez-vous, mais il espère que les clients se feront remarquer peut-être le 24 décembre. Même son de cloche chez Abdoul Razack, vendeur de poulets, qui pointe du doigt la « galère » d’être la cause de leur mévente. « Il n’y a pas d’argent dans pays-là ; donc, il n’y a pas marché. Les poulets sont entassés et il n’y a pas de clients», a-t-il déploré. Si certains enfants souhaitent que leurs parents leur offrent des crèches préfabriquées, Abdoul Razack Minoungou et ses camarades, dans le quartier Zone 1, s’apprêtent à faire les derniers réglages sur leurs crèches pour attendre l’arrivée du petit Jésus. A l’Eglise Saint Camille où nous avons fait un tour dans la journée du 23 décembre, les tout-petits sont dans l’attente de leurs cadeaux de la part du « Père Noël ». Jean-Firmin Ouédraogo, âgé de 12 ans, dit attendre impatiemment la venue de Papa Noël le 25 décembre, car ses parents lui avaient dit que s’il restait sage, Papa Noël lui apporterait un vélo. « J’ai été très sage et en plus, j’ai eu une très bonne moyenne à l’école. Il ne reste plus que Papa Noël tienne sa promesse », nous a-t-il fait savoir. Franck Alain Nana, lui, n’en sait rien car cette année, il n’a pas été des plus sages. Il nous confesse avoir fait quelques bêtises et qu’à plusieurs reprises, ses parents lui ont dit qu’il n’aurait pas de cadeaux cette année. Pour Yolande, une Française résidant depuis quelque temps à Ouagadougou, la fête de Noël promet d’être belle à Ouagadougou, étant donné que la ville est bien décorée pour l’occasion. « Une autre chose que j’apprécie ici à Ouagadougou, c’est la solidarité et l’esprit de partage qu’il y a entre les personnes âgées et les plus jeunes en cette période de Noël. En France, ce n’est pas le cas et c’est dommage », a-t-elle remarqué.
Frédéric TIANHOUN (Collaborateur)
ABBE DONATIEN SALEGRE, à propos de la célébration de Noël
« Ce n’est ni une manifestation festive quelconque, ni… »
Les catholiques du monde entier célèbrent demain, 25 décembre, la fête de Noël. Encore appelée fête de la nativité, Noël est une commémoration qui revêt plusieurs sens chez le chrétien catholique. Comment le chrétien catholique doit-il se comporter ce jour, quelles sont les grâces que ce dernier reçoit le jour de la célébration ? Ce sont autant de questions qui trouvent leurs réponses dans cette interview que nous a accordée le curé de la paroisse saint Jean de Dialgaye de l’Archidiocèse de Koupéla, Abbé Donatien Salégré.
Le Pays: Quelle définition peut-on donner à Noël ?
Abbé Donatien: Noël est la célébration de l’anniversaire de la naissance de Jésus, le Verbe de Dieu fait chair pour sauver les Hommes. C’est la fête de l’incarnation du fils de Dieu que les chrétiens célèbrent le 25 décembre, jour de commémoration de la venue de Dieu dans notre monde.
Pourquoi est-elle célébrée chaque 25 décembre de l’année?
La date du 25 décembre qui a été retenue pour la célébration de Noël, est pleine de symbolisme et de signification. Si aujourd’hui nous célébrons la naissance de notre soleil levant, le soleil de Justice (Ml 3,20), d’autres personnes célébraient autrefois, avant le rayonnement du Christianisme, la fête du «Dieu Soleil », dieu adoré par les païens à Rome sous l’empereur Aurélien. Le choix de cette date se justifie donc par la volonté de remplacer le culte païen par le culte religieux catholique, une opération qui se produisit dans l’Eglise depuis le IVe siècle, avec la conversion de l’empereur Constantin.
Quelle est sa particularité?
La particularité de cette fête est qu’au lieu d’être païenne, elle est une fête fortement et spécifiquement chrétienne. C’est la célébration de l’Incarnation de Dieu et non un culte païen au Dieu Soleil.
D’aucuns disent que c’est une fête des enfants. Que répondez-vous ?
Avant tout, le constat laisse dire que c’est une fête des enfants. Et selon notre avis, la fête de Noël, sans être exclusivement réservée aux enfants, les met effectivement en honneur et à juste raison, car Dieu, de sa condition divine, s’est fait Homme en naissant de Marie. En communion avec l’Enfant-Dieu, on peut alors comprendre que cette solennité soit très manifeste pour les enfants. Mais il faut surtout comprendre que cette fête dédiée aux enfants, relève d’une tradition et d’une expression culturelle qui se manifeste de plusieurs manières en fonction du pays ou du continent où l’on se trouve.
Comment un chrétien doit-il se comporter le jour de la fête de Noël ?
Si la fête de Noël est effectivement la célébration de la naissance du sauveur, si elle est effectivement un jour de fête et de joie, il va sans dire que le chrétien, à la différence des autres personnes, doit manifester sa joie d’accueillir Dieu dans notre humanité. Il doit se comporter en homme plein de joie en participant aux différentes célébrations eucharistiques et en évitant d’en faire une fête profane dont la vraie signification pourrait lui échapper.
Quelles sont les grâces auxquelles un chrétien catholique peut s’attendre en ce jour ?
En cette fête de l’Incarnation, un chrétien peut s’attendre à des grâces dépendant de sa préparation intérieure et spirituelle. Il y a d’abord la paix que le Sauveur naissant apporte à tout homme, car il est le Prince de Paix (Cf. Is 9,6). Ensuite, l’on pourrait s’attendre aussi à la grâce de l’humilité car le Fils de Dieu, de sa condition, s’est fait petit en devenant Homme. En nous inspirant du fiat de Marie (Cf. Lc 1, 38), nous pouvons penser à la grâce de la disponibilité pour faire la volonté de Dieu dans notre vie. Il y a également la grâce, de la maternité pour les couples sans enfant, car Marie qui connaît la joie de l’enfantement, se souvient des femmes qui n’ont pas d’enfant. Il y a bien sûr la grâce de la joie car la naissance d’un enfant attendu est source de joie, encore plus la venue du Fils de Dieu.
Comment est célébrée cette fête dans votre diocèse, plus précisément dans votre paroisse ?
Dans notre archidiocèse de Koupéla, sur le plan spirituel, la fête de Noël se vit habituellement dans toutes les paroisses avec beaucoup de joie et de ferveur aux célébrations eucharistiques de la nuit (24 décembre) et du jour (25 décembre). Sur le plan social, c’est une occasion de rencontres familiales, de grandes festivités et de partage avec les plus démunis. Les enfants ont une place de choix dans le vécu spirituel et social de Noël. Dans notre paroisse saint Jean de Dialgaye qui est semi-rurale, la solennité de Noël est bien festive également. Il y a la messe de la nuit au centre de la paroisse et dans l’une ou l’autre succursale où la chapelle est bien éclairée, solennelle. C’est vraiment l’une des grandes fêtes, la plus marquée en enthousiasme, et cela se traduit par la très bonne ambiance dans les familles, les quartiers et les villages, ambiance agrémentée et soutenue par des mets spéciaux et des boissons spécifiques
Le père Noël est-il réel ? Pourquoi l’appellation de père Noël ?
Le Père Noël, personnage folklorique et emblématique de la fête de Noël, aurait pour origine saint Nicolas de Myre (actuelle Turquie). On retrouve dans sa représentation, toute la symbolique de saint Nicolas: barbe blanche, manteau rouge. Le Père Noël voyage dans un traineau tiré par des rennes. Saint Nicolas voyageait sur le dos d’un âne. Le voyage du Père Noël a pour dessein la distribution surprise de cadeaux aux enfants des localités par où il passe. Il semblerait que sa maison et la manufacture des jouets qu’il distribue, seraient cachées dans la glace et la neige du pôle Nord. Son envahissante popularité a connu la protestation des catholiques, la nuit du 24 au 25 décembre étant à l’origine celle de l’Enfant-Dieu, Jésus. Quoi qu’il en soit, l’arrivée du Père Noël reste toujours magique pour tous et symbolise notre attachement à notre famille et à nos proches. La réalité du Père Noël se vit bien sous d’autres cieux, mais dans notre contexte socio-culturel burkinabè, cette réalité du Père Noël semble méconnue. L’appellation «Père Noël» ou
« Papa Noël » est beaucoup plus reconnue en Europe et en Amérique du Nord. Elle varie selon certains pays.
Avez-vous un message particulier à l’endroit des chrétiens ?
A tous les chrétiens qui célèbrent la fête de la naissance du Sauveur, nous souhaitons de faire effectivement l’expérience du salut. Noël n’est ni une manifestation festive quelconque, ni une célébration culturelle vide de sens spirituel. A l’approche de Noël, les magasins sont visités, les cadeaux des enfants s’achètent bien, les rencontres familiales pointent à l’horizon mais disons-nous que cette solennité, loin d’être folklorique ou culturelle, est un évènement de salut pour les croyants. La fête de l’Incarnation est une aubaine pour réaliser l’Amour de Dieu pour les hommes. Que la célébration de la naissance du Sauveur apporte Paix et Joie dans nos cœurs, dans nos familles, dans notre pays et dans le monde. A tous et à chacun, Joyeux Noël !
Valérie TIANHOUN