HomeA la unePRESIDENTIELLE TOGOLAISE : Que peut encore la CEDEAO ?

PRESIDENTIELLE TOGOLAISE : Que peut encore la CEDEAO ?


A la veille de l’élection présidentielle prévue pour le 15 avril prochain, l’atmosphère politique reste tendue au Togo. Et pour cause. Après avoir échoué à obtenir les réformes constitutionnelles pour lesquelles elle se bat depuis fort longtemps, notamment la limitation des mandats présidentiels et la révision du mode de scrutin (désormais à un seul tour), l’opposition togolaise qui en avait fait son cheval de bataille, a dû se résoudre à avaler la pilule amère de son échec dans cette bataille stratégique. En effet, dans un environnement où le tripatouillage des constitutions est de plus en plus décrié sur le continent, Faure Gnassingbé n’a pas manqué l’occasion de paraître beau joueur en disant qu’il ne toucherait pas à la constitution de son pays.

Le président togolais est resté sourd aux récriminations de l’opposition

En réalité,  le président togolais a voulu se montrer plus malin,  sachant que la loi fondamentale de son pays avait été taillée par son défunt père à la mesure de la famille Gnassingbé. Aussi, se disait-il que pour une fois qu’un président n’allait pas modifier, on ne pourrait pas lui en vouloir pour cela. C’est donc logiquement qu’il est resté sourd aux récriminations de l’opposition et n’a pas cédé d’un iota sur la question, mettant cette dernière dans un dilemme profond quant à sa participation à la présidentielle à venir.  Surtout que lui-même sera de la partie, au grand dam de ses adversaires qui n’ont aucune possibilité constitutionnelle de le récuser. Cette situation a contribué à alourdir l’atmosphère sociopolitique au Togo, à la veille de l’élection présidentielle, obligeant le président en exercice de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO), le Ghanéen John Dramani Mahama, à faire le déplacement de Lomé, le mardi 24 mars dernier, pour calmer les esprits.

Mais que peut encore la CEDEAO dans le contexte togolais ?, est-on tenté de se demander. La question est d’autant plus importante que tout porte à croire que le vœu secret de l’opposition togolaise était d’écarter Faure Gnassingbé de la course au fauteuil présidentiel, après ses deux mandats consécutifs à la tête du pays. A défaut, elle espérait au moins  arracher la limitation des mandats présidentiels non contenue dans la loi fondamentale, et peut être obtenir la révision du mode de scrutin.  La révolution burkinabè d’octobre dernier avait, un temps, donné l’espoir qu’elle obtiendrait gain de cause, par la pression de la rue. Mais au finish, c’est l’échec total sur toute la ligne.  Faure est non seulement sur la ligne de départ sans que l’opposition n’y puisse rien, mais aussi il n’a rien concédé. L’on comprend alors l’amertume et la frustration de cette dernière, surtout que dans le contexte togolais, la transparence des élections a toujours été sujette à caution. Et c’est sur ce point précis que les esprits sont en train de s’échauffer.

Car, ceux comme Jean-Pierre Fabre du « Combat pour l’alternance politique » en 2015 (CAP 2015), Aimé Gogué de « l’Alliance pour la démocratie et le développement intégral » (ADDI), Tchassona Traoré Mohamed du « Mouvement citoyen pour la démocratie » (MCD) et Gerry Taama du « Nouvel engagement togolais » (NET), qui ont décidé de disputer le fauteuil présidentiel au président sortant, n’ont d’autres mots à la bouche que de demander la transparence et l’équité comme conditions pour l’acceptation du scrutin. Et ils savent de quoi ils parlent. Car, par le passé, l’on a déjà vu des soldats s’emparer d’urnes et prendre la poudre d’escampette, eux qui sont censés assurer la sécurité et veiller au bon déroulement du scrutin. Sous cet angle, ces élections sont potentiellement porteuses de danger. C’est pourquoi l’on pourrait voir le déplacement du président en exercice de la CEDEAO au Togo, comme un acte d’anticipation pour tenter de sauver la situation dans ce pays. A l’issue de son séjour où il a rencontré tous les candidats pour écouter leurs préoccupations, et la Commission électorale nationale indépendante, l’homme fort d’Accra a proposé, au nom de l’institution sous-régionale qu’il préside, le report d’une dizaine de jours du scrutin pour permettre de réunir toutes les conditions d’acceptation de l’élection, notamment à travers le toilettage du fichier électoral.

L’élection est pliée d’avance pour le président sortant

Même si l’on peut reprocher à la CEDEAO d’intervenir un peu tardivement, l’initiative n’en demeure pas moins louable, car cette action aurait même dû être menée en concertation avec l’Union africaine qui devrait s’attacher à ce que sa charte de la démocratie soit une réalité. A ce titre l’institution panafricaine devrait avoir plus voix au chapitre, à un moment où l’Afrique est de plus en plus confrontée à la question de l’alternance et de sa sœur siamoise la mal- gouvernance au sommet des Etats. Si fait que du fait de l’éveil des consciences et de l’intérêt de plus en plus grandissant des populations  pour le choix de leurs dirigeants, les élections sont souvent l’objet de vives contestations qui virent malheureusement quelquefois au drame, lorsque les conditions de transparence ne sont pas réunies. Et le cas togolais est symptomatique de ces pays africains en mutation et en quête de démocratie véritable, car ayant longtemps été sous la férule de dirigeants qui ont taillé des constitutions à leur seule mesure, pour leur seuls intérêts et ceux de leurs proches.

La question qui se pose maintenant est de savoir si la CEDEAO sera entendue par les autorités de Lomé, et surtout si dix jours suffiront à aplanir toutes les difficultés. En tous cas, Faure aurait tout à gagner à jouer la transparence, en accédant à la requête de l’institution sous-régionale. Cela ne pourrait qu’ajouter du crédit à sa probable victoire. Car, l’on ne voit pas comment, dans de telles conditions,  il pourrait ne pas être réélu. Surtout, face à des adversaires qui, en temps normal déjà, auraient du mal à lui tenir tête, et qui, a fortiori se payent le luxe d’aller en rangs dispersés.

En tout état de cause, bien plus que la transparence du scrutin, c’est l’inertie de l’opposition togolaise et surtout son incapacité à s’entendre qui seront les causes principales de son échec. N’en déplaise aux autres candidats, cette élection est pliée d’avance pour le président sortant, surtout dans un scrutin à un tour. S’ils avaient écouté l’ex premier ministre Agbeyomé Kodjo, qui avait appelé à une candidature unique contre Faure, peut-être qu’il y aurait matière à suspense. Mais, là, tout porte à croire que les jeux sont faits, et que sans coup férir, la victoire de Faure est garantie, avant même que la compétition ne commence.

 

« Le Pays »

 


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