HomeA la unePROCES DE MANIFESTANTS AU GABON : Quand Ali Bongo veut casser le thermomètre

PROCES DE MANIFESTANTS AU GABON : Quand Ali Bongo veut casser le thermomètre


Une centaine de Gabonais sont devant la Justice pour répondre de faits qui leur sont reprochés, suite à la manifestation publique de l’opposition politique le 20 décembre dernier, pour exiger le départ du président Ali Bongo Ondimba du pouvoir. En rappel, des heurts entre les forces de l’ordre et les manifestants avaient éclaté et occasionné un mort dans les rangs des protestataires. Ce procès, il faut le dire, est une occasion pour le régime Bongo fils, de refroidir les ardeurs des contestataires. En sévissant contre les personnes interpellées, le pouvoir gabonais entend semer la peur dans les rangs de l’opposition et dissuader tous ceux qui seraient tentés de poursuivre les contestations. Bien entendu, aucun des ténors de l’opposition n’a été arrêté. Mais ce procès est celui des leaders de l’opposition par croquants interposés.

La liberté d’expression et de manifestation doit être garantie aux populations

Du reste, les personnes interpellées étaient descendues dans la rue, en réponse à l’appel de l’opposition à manifester. C’est dire combien l’opposition ne devrait pas commettre l’erreur de ne pas être suffisamment active au cours de ce procès. Elle devra trouver, la stratégie de mobilisation adéquate, sonner le rassemblement de ses troupes, de sorte que ceux qui sont face aux juges  n’aient aucun doute sur son soutien. Elle devra de ce fait et dans le cadre de la légalité, développer de nombreuses initiatives pour obtenir la relaxe de ces manifestants. Les leaders de l’opposition eux-mêmes, dans ce combat, ne doivent pas craindre de braver les intimidations, voire l’embastillement. Leur acceptation des risques liés à cette lutte, leur capacité à faire face à leurs responsabilités en dépit des risques de brimades qu’ils encourent de la part du pouvoir, leur aptitude à ne pas se débiner quand s’abattra la répression pour autant qu’ils soient convaincus de la justesse de leur cause et de la noblesse de leur combat, est plus que nécessaire. C’est sa forte détermination qui offrira à cette opposition toute la respectabilité dont elle a besoin, et qui suscitera l’engouement des populations à ses côtés.

Ali Bongo, lui, est visiblement déterminé à casser le thermomètre. Le pouvoir gabonais aurait pu tout simplement se contenter, comme ce fut d’ailleurs le cas avec le régime de Blaise Compaoré jusqu’à la date fatidique du 30 octobre 2014, d’encadrer la manifestation des opposants pour éviter et, au pire des cas, limiter les débordements. Car, la liberté d’expression et de manifestation doit être garantie aux populations dans toute démocratie qui se respecte. Même la désobéissance civile est consacrée par les Constitutions dignes de ce nom. Vouloir empêcher les populations de manifester leur ras-le-bol d’un système   s’apparente aujourd’hui à un combat d’arrière-garde, voire à une lutte contre des moulins à vent.

Les peuples n’entendent plus se laisser berner

Des exemples comme l’insurrection burkinabè vont très probablement faire tache d’huile en Afrique. N’en déplaise aux dirigeants qui se croient irremplaçables. Car, dans le cas du Gabon comme du Togo, l’irritation des peuples de voir la même famille accrochée au pouvoir depuis une cinquantaine d’années, est plus que justifiée et compréhensible. Surtout que Ali Bongo, tout comme Faure Gnassingbé, a succédé à son père dans des conditions, on ne peut plus, douteuses.

On dira que Ali Bongo a amélioré certains aspects de la gouvernance de son père. Certes, il a pris de bonnes décisions comme celle qui a consisté à améliorer les revenus des couches les plus défavorisées, en relevant le niveau du Salaire minimum garanti (SMIG) dans le pays. Mais cela est   bien peu, face à la soif de changement du peuple gabonais, conscient que le pays est une République et non une monarchie. Il veut certainement voir autre chose que le règne sans partage de la seule et même famille depuis des décennies. Du reste, ce qui est en jeu dans ce combat du peuple gabonais, comme c’est le cas de ceux de la République démocratique du Congo et du Togo, dépasse les simples mesures sociales.

Le problème n’est pas tant le boire et le manger que l’aspiration du peuple gabonais à en finir avec la dynastie Bongo.

En tout cas, Ali Bongo, tout comme les autres chefs d’Etat contestés, qui n’hésitent pas à faire usage de la force, ont intérêt à ne pas perdre de vue le fait que comme le dit l’adage, « ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fera baisser la fièvre ». Les peuples n’entendent plus se laisser berner et faire. Ils s’attendent à ce  que la gouvernance  se fasse dans le respect des standards démocratiques. Les démocraties maquillées sont vomies, et tout porte à croire que ce phénomène n’est pas seulement un effet de mode, mais une aspiration réelle   des populations. On peut, de ce fait, parier que les satrapes en tout genre auront de plus en plus le sommeil difficile. Seraient donc bien inspirés, les dirigeants qui n’attendront pas qu’il soit tard pour respecter cette aspiration des peuples à plus de démocratie. Seul un tel réalisme sera de nature à les prémunir contre   l’humiliation et   l’exil forcé.

« Le Pays »


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