HomeA la unePROCES DE LA TENTATIVE D’ATTAQUE DE LA MACA : La défense préconise le renvoi du dossier au Tribunal civil

PROCES DE LA TENTATIVE D’ATTAQUE DE LA MACA : La défense préconise le renvoi du dossier au Tribunal civil


Le procès du caporal Madi Ouédraogo et autres soldats inculpés pour association de malfaiteurs et détention illégale d’armes à feu et de munitions de guerre  a repris le 5 janvier 2017, au Tribunal militaire de Ouagadougou.  Dans leurs plaidoiries, les avocats de la défense ont jugé le  Tribunal militaire incompétent pour juger ce dossier, au regard des dispositions du Code de la justice militaire. Demandant la nullité de la procédure pour violation de la Constitution, ils ont  souhaité que  le dossier de leurs clients soit   renvoyé au tribunal civil.

 

Le procès du caporal Madi Ouédraogo et de ses 29 autres compagnons a bel et bien repris le 5 janvier dernier, au Tribunal militaire de Ouagadougou.  Suspendu le 21 décembre 2016 suite à un déport des avocats de la défense qui réclamaient deux semaines afin de  mieux examiner le dossier de leurs clients,   le procès s’est ouvert en présence de ces mêmes avocats commis d’office. A l’entame du procès, le parquet a momentanément suspendu l’audience pour apprécier la reconduction desdits avocats commis d’office par le bâtonnier de l’Ordre des avocats.  A la reprise, le parquet a d’abord procédé à la  vérification de la présence effective des soldats et de leurs avocats respectifs avant de décliner les charges qui sont retenues à leur encontre. Le caporal Madi Ouédraogo et   ses co-accusés sont donc poursuivis pour association de malfaiteurs et détention illégale d’armes à feu et de munitions de guerre.  La parole est ainsi donnée à la défense. Et c’est Me Jacques Soré, l’un des avocats commis d’office, qui ouvre le bal des plaidoiries. Celui-ci s’est appesanti sur l’incompétence du Tribunal militaire à  juger le dossier des accusés. Pour Me Soré, le Tribunal militaire doit se  déclarer incompétent et transférer le dossier au Tribunal civil pour la simple raison que les infractions commises par leurs clients n’ont aucun rattachement avec cette juridiction. Pour étayer ses propos, Me Soré  a pris l’exemple très pratique, a-t-il dit, du dossier de l’insurrection populaire où des militaires sont poursuivis pour coups et blessures. A son avis, ce dossier est saisi par le Tribunal de grande instance de Ouagadougou (TGI), parce que les infractions commises sont des délits de droits communs. Pour lui, le simple fait d’être  militaire ne suffit pas pour conférer le dossier au Tribunal militaire.  Et Me Christophe Birba, avocat commis d’office, d’ajouter que  cela est possible si les infractions de droit commun sont commises dans un établissement militaire.   Ce qui n’est pas le cas dans le dossier de leurs clients en ce sens que  l’instruction a révélé que les infractions ont été  commises au domicile de Madi Ouédraogo qui n’est pas un établissement militaire.

 

La défense dénonce une violation de la Constitution

 

Toujours dans leur plaidoirie, les avocats de la défense ont demandé la  nullité de l’ordre de poursuite de leurs clients car, pour eux, cet acte viole  la Constitution de 1991. Laquelle Constitution en son article  101 répartit les domaines d’intervention de l’Assemblée nationale et du gouvernement. Selon les avocats, pour le cas du dossier de leurs clients, c’est le Chef d’état-major général des armées d’alors, Pingrenoma Zagré,  qui a signé l’ordre de poursuite  sur le fondement d’un décret. Pour eux, cet acte n’émane pas de l’Assemblée nationale comme le prévoit  l’article 101  de la Constitution  mais du gouvernement puisqu’en ce temps, c’est le président du Faso, Michel Kafando, par ailleurs ministre de la Défense qui avait pris ce décret. Au regard de l’inconstitutionnalité de l’ordre de poursuite signé par le Chef d’état-major général des armées, la défense a donc demandé au tribunal de considérer   inexistant ce décret. « Ce décret est inexistant parce qu’il intervient dans une matière qui est reversée exclusivement par la Constitution à l’Assemblée nationale (AN) et dans une République, pareil cafouillage ne peut pas exister », a justifié  Me Christophe Birba. 

 

La constitutionnalité de l’article 3 du code de justice militaire  au cœur du débat

 

Qu’à cela ne tienne, il se pose ici un problème de constitutionnalité de l’article 3 du Code de justice militaire.  Lequel Code  a ouvert la possibilité au Chef d’état-major général des armées de signer l’ordre de poursuite, selon le commissaire du gouvernement,  Alioun Zanré. Mais, les avocats de la défense ont versé au dossier, des décisions du Conseil constitutionnel de France qui stipulent que  « la loi elle-même à qui la Constitution a donné la possibilité  de légiférer ne peut pas abandonner la matière   et confier ladite matière au gouvernement pour éviter des règles », a souligné Me Birba. Pour les avocats de la défense, si le Tribunal militaire n’est pas « courageux » de reconnaître  l’anti-constitutionnalité  du décret, qu’il interroge le Conseil constitutionnel du Burkina qui va en statuer.  Somme toute, ils sont convaincus  que  si le tribunal militaire n’accepte pas son incompétence, celui-ci doit observer la nullité de l’ordre de poursuite de leurs clients. Dans le cas contraire, ils disent ne pas être disposés à soulever le problème de fond. Pour sa part, le commissaire du gouvernement, Alioun Zanré, a balayé du revers de  la main les exceptions soulevées par les avocats de la défense. A l’en croire, l’article 3 du Code de justice militaire  stipule que le ministre de la Défense peut déléguer ses pouvoirs à des autorités par  décret.  Il y a donc un décret qui autorise   le  Chef d’état-major général des armées à  signer l’ordre de poursuite. « Dura lex  sed lex (NDLR : la loi est dure, mais c’est la loi) », a-t-il soutenu.  Relevant les compétences du Tribunal militaire, le commissaire du gouvernement, Alioun Zanré,  a laissé entendre que le législateur a été clair : « Le  Tribunal militaire est compétent pour juger les militaires qui commettent des infractions militaires ou de droit commun ». Pour lui, le but de l’association des malfaiteurs étaient de porter atteinte à la sûreté de l’Etat, aux institutions de la République. Ce qui est réprimé  au sens de l’article 115 du Code pénal et l’article 42 soutient  que le Tribunal militaire est compétent pour statuer sur    les infractions portant atteinte à la sûreté de l’Etat, foi du commissaire du gouvernement, Alioun Zanré. C’est à la suite de ces débats houleux que le procès a été suspendu pour  reprendre dans l’après-midi. La reprise est intervenue en fin de soirée et après quelques minutes, le procès a été de nouveau suspendu pour être repris ce matin.

 

Mamouda TANKOANO

 

 


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