HomeA la unePROCES EN DIFFAMATION : Lookmann Sawadogo relaxé

PROCES EN DIFFAMATION : Lookmann Sawadogo relaxé


Le Tribunal de grande instance (TGI) de Ouagadougou s’est prononcé sur l’affaire Lookmann Sawadogo, Directeur de publication du journal « Le Soir », le 10 août 2017. Le Tribunal a estimé que les faits de diffamation qui étaient reprochés à Lookmann Sawadogo ne sont pas avérés, dans la mesure où il y a un doute sur les faits. Compte tenu du fait que « le doute profite à l’accusé », le journaliste incriminé a été purement et simplement relaxé.

Le journaliste Lookmann Sawadogo, poursuivi pour diffamation, sort indemne de la procédure intentée contre lui par des magistrats. Aucune charge n’a été retenue contre lui. Ainsi en a décidé le Tribunal de grande instance (TGI) de Ouagadougou, le 10 août 2017. Selon les explications de l’une des avocats de l’incriminé, Anna Ouattara/Sory, « le Tribunal a estimé que les faits de diffamation qui étaient reprochés à Lookmann Sawadogo ne sont pas avérés, dans la mesure où il y a un doute. Pour cette raison, il a décidé de le relaxer purement, en estimant qu’il y a un doute quant aux allégations de la partie poursuivante et les a condamnés aux dépens ». De l’avis de l’avocat, « les écrits du journaliste n’avaient rien de diffamatoires et ne constituaient pas une infraction au sens de la loi ». Même si le verdict du Tribunal satisfait Anna Ouattara/Sory, elle a regretté le fait que son client n’ait pas été jugé sur la base de délit de presse au Burkina. « Nous sommes un peu déçue parce que nous avons voulu que le Tribunal se prononce sur le fait qu’il était poursuivi sur la base d’une loi qui ne lui était pas applicable. En tant que journaliste, il est justiciable devant les juridictions de la loi CNT 2015. Or, la procédure a été initiée sur la base du Code pénal et nous, nous avons soulevé cette exception en disant que la loi utilisée dans la situation est la mauvaise loi parce que notre client, en sa qualité de journaliste, devait être jugé sur la base de la loi CNT 2015. Malheureusement, le Tribunal a rejeté toutes nos exceptions et nous prenons acte », a-t-elle déploré.
Ils étaient nombreux, les confrères qui sont venus soutenir le journaliste Lookmann Sawadogo. Parmi eux, Guezouma Sanogo, président de l’Association des journalistes du Burkina (AJB). Pour ce dernier, c’est un sentiment de satisfaction, quand un journaliste échappe à une condamnation. «Le verdict rendu est la seule vérité qui vaille. Tout ce qui a été fait comme agitations, tout ce qui a été tenu comme propos relève de l’histoire. Nous continuons de suivre, car il peut y avoir d’autres rebondissements. Et nous espérons que chacun va tirer leçon de ce qui s’est passé», a-t-il lancé.
Tout compte fait, le Tribunal a précisé que la partie plaignante a la possibilité de faire appel dans un délai de deux semaines.
Pour rappel, Lookmann Sawadogo était poursuivi par 6 magistrats de la Commission d’enquête du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour avoir publié sur la page Facebook du journal Le Soir une information sur une plainte d’une justiciable contre un des membres de ladite Commission. A l’audience du 27 juillet dernier, le substitut du procureur du Faso avait requis 12 mois de prison avec sursis et 300 000 F CFA d’amende.

Issa SIGUIRE

 

Ils ont dit

Lookmann Sawadogo

« C’est une satisfaction légitime, mais ce n’est pas la joie parce que la partie plaignante a la possibilité de faire appel »

« C’est un sentiment de satisfaction, pas de joie parce que les autres parties peuvent toujours faire appel. Satisfaction parce que le verdict du Tribunal reflète ce qu’on attend de la Justice au Burkina. On craignait le corporatisme et ce procès était pour moi une cabale contre ma personne. Le fait que le Tribunal est allé dans ce sens-là, c’est une satisfaction parce que cela restaure dans notre esprit, une Justice qui se veut réellement indépendante et qui se fait pour être indépendante. C’est vraiment un élément de satisfaction parce qu’on craignait, avec beaucoup de raisons, que la liberté de la presse et la liberté d’expression soient en train d’être assassinées au Burkina à travers ce procès-là. De ce point de vue, c’est une satisfaction, du fait qu’il y avait une jurisprudence qu’on a voulu créer pour museler non seulement les journalistes, mais aussi les cyber-activistes. La question des réseaux, des médias en ligne aujourd’hui, se pose avec acuité et c’est une jurisprudence qui aurait pu amener tout un chacun parmi les journalistes ou les citoyens, à se faire emprisonner. Satisfaction parce que le délit de presse n’est pas pénalisable au Burkina, et n’est pas remis en cause parce que j’ai été jugé sur la base du Code pénal. Ce qui est extrêmement grave pour le Burkina Faso, parce que le statut de journaliste n’est pas à géométrie variable. On est journaliste tant qu’on produit des œuvres qui donnent de l’information, peu importe le support, tant qu’on n’est pas dans le délit de droit commun. C’est une satisfaction légitime, mais ce n’est pas la joie parce que la partie plaignante a la possibilité de faire appel. »

 

Issaka Lingani, Directeur de publication du journal l’Opinion

« Le Tribunal s’est assumé et il est à féliciter »

« Un sentiment de joie parce que le Tribunal a estimé que l’infraction n’était pas constituée. Ce qui est une bonne chose. Mais en même temps, il y a un peu de scepticisme parce que la défense a évoqué le fait que le confrère est attaqué sur la base d’une loi qui n’était pas appropriée. Lorsqu’un journaliste écrit, la seule loi qui lui est applicable, c’est le Code sur la liberté de la presse, la loi CNT 2015. Malheureusement, ça n’a pas été le cas. C’est déjà une avancée très importante que le Tribunal reconnaisse que l’infraction n’était pas constituée. On avait des craintes parce que les adversaires étaient de très hauts magistrats. Ils sont même les patrons de ceux qui ont jugé. C’est dire que la Justice peut être indépendante au Burkina, si le juge accepte de s’assumer. Le Tribunal s’est assumé et il est à féliciter. Le Tribunal a montré un exemple à suivre. »

Rassemblés par Issa SIGUIRE

 

 

 


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