HomeA la unePROCES DU PUTSCH MANQUE : « Je ne reconnais pas les faits », dixit Lamoussa Badoum

PROCES DU PUTSCH MANQUE : « Je ne reconnais pas les faits », dixit Lamoussa Badoum


Le procès du putsch manqué se poursuit à la salle des Banquets de Ouaga 2000. A la suite du lieutenant Bouraïma Zagré, le sergent Lamoussa Badoum est passé à la barre le 28 août 2018 pour donner sa version des faits.

 

Le mardi 28 septembre 2018, dans la matinée, le sergent Lamoussa Badoum est à la barre pour donner sa version des faits. Il est accusé de « complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtres,  coups et blessures volontaires,   dégradation et destruction volontaires de biens ».  Après la lecture des chefs d’accusations, l’accusé lance : « Je ne reconnais pas les faits ». Il détaille alors son calendrier durant  les évènements. Mais avant, il rend grâce à Dieu « parce qu’il lui a donné l’occasion de s’exprimer devant le Tribunal militaire ». A la suite de cette action de grâce,  le sergent Lamoussa Badoum, né en 1985, marié et père de deux enfants, dit qu’il était de garde du 15 au 16 septembre 2018. Il affirme que le 15 septembre, il était effectivement de garde, une garde qui devait durer 48 heures. « Le 16 septembre, le major Badiel m’a appelé pour me demander si je ne sais pas arrêter un émetteur », raconte le sergent qui fait comprendre qu’il a répondu par la négative. C’est ainsi qu’il lui a été dit d’accompagner le sergent Pagbelguem  à Gounghin et à Kamboinsin, pour arrêter des émetteurs. Le sergent Pagbelguem et lui ont été alors conduits  par le soldat de première classe Timbila. Aux dires du sergent, quand ils sont arrivés à Gounghin, les policiers qui y étaient ont dit que le bâtiment était en chantier et qu’il n’y avait pas d’émission. Ils sont quand même entrés pour vérifier, et effectivement il n’y avait pas d’émission. Ils ont alors mis le cap sur Kamboinsin où ils sont allés transmettre le message du major Badiel qui dit de stopper les émetteurs compte tenu de la situation. Sans contester, les techniciens ont stoppé les émetteurs. Mais pendant qu’ils étaient sur le chemin du retour, ils ont reçu un appel du major Badiel leur disant de se rendre à la radio OMEGA. Ils s’y sont rendus. Et ils ont été conduits dans le studio par un civil. Là-bas, ils ont trouvé  des journalistes à qui ils ont demandé de stopper l’émission. Ensuite, ils ont rencontré le Directeur général de la radio à qui ils ont transmis fidèlement le message du major Badiel. Le message est passé parce que les techniciens ont arrêté les émetteurs avant que les soldats ne quittent les lieux. Mais quand lui, Badoum, était toujours dans les locaux de la radio, d’en bas, il a entendu le sergent Pagbelguem lui dire de venir pour qu’ils s’en aillent. C’est alors qu’il est descendu et a vu deux motos en flammes. « J’ai été choqué et j’ai demandé au sergent Pagbelguem qui a mis le feu aux motos. Celui-ci m’a dit que ce n’était pas lui et ça pourrait être le civil qui était en réalité un militaire puisqu’il avait une carte militaire ». Le 17 septembre, le sergent Badoum dit qu’on est  venu le chercher pour le conduire à l’ARCEP, sur instruction du capitaine Dao. Ils y ont trouvé des policiers qui leur ont signifié que le Directeur général n’était pas  encore arrivé. Ils ont attendu et entre-temps, le colonel Mahamadi Deka est arrivé. Celui-ci a demandé au Directeur général, qui a fini par arriver lui aussi, si l’ARCEP était l’attributaire de la fréquence 108.0. Mais le Directeur général a répondu par la négative. Le colonel Deka a demandé que l’on localise la radio pour arrêter l’émetteur. Selon les dires du sergent Badoum, après moult rendez-vous manqués avec le technicien Yao, celui-là même qui devait aider à arrêter l’émetteur, tout finit par rentrer dans l’ordre. Le technicien Yao a été amené à l’ARCEP par la diligence du chef Bouda, mais celui-ci a dit qu’il ne pouvait pas mettre en marche l’appareil qui devait servir à localiser la fréquence. Bon gré, mal gré, le technicien Yao finit par monter convenablement l’appareil qui devait localiser la fréquence.  C’est alors que la fréquence a été localisée à l’Ouest, précisément dans les locaux de Savane FM. Le sergent Badoum et le chef Bouda s’y sont rendus, ont ouvert le local qui contenait le matériel qui émettait, l’ont débranché et l’ont emporté. Mais auparavant, ils ont été rejoints par le sergent-chef Koussoubé et d’autres éléments. Quand ils ont débranché et emporté le matériel dans le bureau du colonel Deka à l’Etat-major, le sergent-chef Koussoubé et sa suite a aussi emporté du matériel. A la fin de la mission, le sergent Badoum est allé déposer le Directeur général de l’ARCEP chez lui. A son tour, il a été déposé par le chef Bouda à son poste de garde situé entre le palais et la présidence. A la fin du récit du sergent Lamoussa Badoum, le président du Tribunal suspend l’audience pour la pause déjeuner. Mais auparavant, dans la matinée, le lieutenant Bouraïma Zagré, avant la fin de son audition, a exprimé « sa compassion profonde à toutes les familles affectées et affligées,  souhaité que les âmes des défunts continuent de reposer en paix et prompt rétablissement aux blessés ». Le sergent Lamoussa Badoum était toujours à la barre dans l’après-midi du  28 août 2018. Le fait marquant est la suspension de l’audience à cause d’une erreur technique.  En effet, le parquet militaire a trouvé curieux que  les dires de    l’accusé à la barre, soient différents du  contenu du Procès-verbal (PV) de  son interrogatoire au fond.     Cet incident a permis à l’avocat de l’accusé de se rendre compte que le PV que détenait le parquet militaire était identique à celui de la Chambre de première instance du Tribunal militaire de Ouagadougou, mais différent de celui de la partie civile. Après les observations de   Me Stéphane Ouédraogo, le président de la Chambre de première instance du Tribunal militaire de Ouagadougou, Seidou Ouédraogo, a suspendu l’audience pour quelques instants. Après vérification, le parquet a reconnu cette différence et demandé à ce que la question en rapport avec cette partie du PV soit retirée.  Mais l’avocat de la défense n’a pas voulu que les choses se passent ainsi. Pour lui, l’affaire n’est pas aussi simple que cela. Par conséquent, elle ne peut pas être réglée de cette manière.  Pour ce faire, il a invité le parquet  à  mettre à sa disposition la partie qui manque à son dossier afin d’ en faire usage en temps opportun. Ce que le parquet a refusé tout en l’invitant à  formuler  une exception s’il le souhaitait. « Je ne formule rien », a répondu Me Stepahne Ouédraogo.  Comme solution, le président de la Chambre de première instance du Tribunal militaire de Ouagadougou, Seidou Ouédraogo, a accédé à la requête de Me Stéphane Ouédraogo et a  suspendu l’audience du sergent Lamoussa Badoum pour une durée de 24 heures. Après cette suspension, Amidou Pagbelguem a été appelé à la barre. Né le 23 mai 1985 à Solenzo, célibataire et père de 3 enfants, le sergent Amidou Pagbelguem est accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtres, coups et blessures volontaires et dégradation volontaire aggravée de biens.  Mais l’intéressé ne reconnaît pas les faits et plaide non couple puisqu’il dit avoir exécuté des ordres militaires.  En effet, se souvient-il, le 16 septembre 2015, après avoir suivi le journal télévisé de BF1, il a reçu un appel téléphonique du sergent Nikiéma. Ce dernier lui avait dit que ça n’allait pas au camp.  « Je serai au   rassemblement au camp ce soir. Si j’arrive, je te tiendrai informé », avait-il répondu à son interlocuteur au bout du fil. C’est ainsi qu’il s’est rendu au camp Naaba Koom II, précisément au service des  Transmissions. Comme il n’y avait pas grand-chose à faire ce jour-là, le sergent a décidé de regagner son domicile en passant par le palais afin de sortir par l’entrée principale. Au niveau du poste intermédiaire, un soldat lui a intimé l’ordre de ne pas communiquer en ces lieux parce qu’il avait son téléphone collé à l’oreille.  Comme le quartier était consigné, il s’est résolu à rester au camp.  Aux environs de 19h, le major Badiel l’a appelé pour lui confier une mission :  cette mission consistait à aller à Gounghin pour arrêter l’émetteur.  L’équipe chargée d’exécuter la mission était composée de trois personnes. Il s’agit du  sergent Lamoussa Badoum, Amidou Pagbelguem et le conducteur.  Une fois sur le lieu indiqué, l’équipe a trouvé deux policiers qui lui ont fait savoir qu’il n’y avait plus de matériel d’émission parce que le bâtiment était en cours de réfection. Ils ont donc rendu compte au major Badiel qui leur a dit d’aller à Kamboinsin pour le faire. Sans tarder, ils  ont alors pris la direction du centre émetteur  de Kamboinsin où  ils ont trouvé deux militaires.  Fort heureusement, ces derniers n’ont pas résisté lorsqu’ils ont été informés. Ils se sont exécutés. Sur le chemin du retour, le major Badiel les a encore appelés au téléphone pour leur dire d’aller à la radio Omega pour tout arrêter.  Et l’équipe est repartie pour une nouvelle mission. Une fois sur les lieux, le sergent Amidou Pagbelguem et son binôme ont vu un civil  devant la porte.  C’est ce dernier qui a d’ailleurs  conduit l’équipe jusqu’au studio qui se trouvait au 3e étage  et a commencé à tout débrancher.  Quelques instants après, il est descendu sans crier gare. C’est à ce moment que le sergent a   voulu en savoir davantage sur ce civil étrange. « Qui es-tu ? », a demandé Amidou Pagbelguem lorsqu’il l’a rattrapé à l’étage inférieur. Sans dire mot, il lui a présenté une carte militaire en ajoutant qu’il avait été envoyé par le Général.  Le temps d’aller appeler son coéquipier, Lamoussa Badoum qui avait retrouvé son oncle qui n’était personne d’autre que le directeur de la radio Omega au moment des faits, celui qui avait servi plus ou moins de guide avait disparu, laissant derrière lui des motos en flammes. C’est ainsi que deux militaires se sont mis à sa recherche, mais c’était déjà trop tard. Après quelques tours sans suite, ils ont, eux aussi, décidé de rejoindre la base.

Françoise DEMBELE et Issa SIGUIRE  

 

 


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