HomeLe fait du jourPROCES DU PUTSCH MANQUE : Des avocats se déportent, le dossier renvoyé au 25 mai prochain

PROCES DU PUTSCH MANQUE : Des avocats se déportent, le dossier renvoyé au 25 mai prochain


 

Après une vingtaine de jours de suspension, le procès du putsch manqué de septembre 2015  a repris le 9 mai 2018 au tribunal militaire délocalisé dans la salle des banquets de Ouaga 2 000. Mais, aussitôt repris, le procès à été renvoyé au 25 mai prochain, à la demande des six avocats commis d’office. Au cours de cette même audience, le président du tribunal a annoncé la volonté de Me Paul Kéré  et la SCPA Somé et Associés, de se déporter. Du coup, Gilbert Diendéré et sept autres accusés, soit huit au total, se retrouvent sans avocats. Le renvoi permettra aux  avocats commis d’office, de mieux s’imprégner du dossier et au Bâtonnier de trouver de nouveaux avocats commis d’office à  huit accusés dont les avocats se sont déportés à travers une correspondance transmise  le mardi 8 mai dernier.

 

 En venant à l’audience du 9 mai, ils étaient nombreux à parier sur un probable renvoi. Et ce fut effectivement le cas. Dans une salle dégarnie d’auditeurs, le procès a été renvoyé au 25 mai 2018. En effet, à peine l’audience ouverte, les six avocats commis d’office pour la défense de certains accusés, ont exprimé la nécessité de disposer de plus de temps pour préparer au mieux la défense de leurs clients, puisqu’ils ont reçu, pour la plupart d’entre eux, les dossiers des prévenus quelques jours  seulement avant la réouverture du procès.  Rappelons qu’ils sont six à avoir ainsi été commis d’office le 11 avril dernier, par le Bâtonnier. Ainsi, pour mieux prendre connaissance des pièces de la procédure, Me Badini et cinq autres avocats commis d’office ont demandé un délai allant de 20 à 30 jours pour prendre connaissance du dossier de leurs clients, afin de mener à bien leur défense. Ainsi dit, le parquet et les avocats de la partie civile n’y ont pas trouvé d’objection.  C’est ainsi qu’à la demande du juge,  le parquet militaire a  renvoyé le procès au 25 mai prochain. Les avocats commis d’office ont donc 16 jours pour préparer la défense de leurs clients. Par ailleurs, au cours de l’audience du 9 mai dernier, des avocats ont encore abandonné leurs clients. Au nombre de ces avocats, il y a Me Paul Kéré, conseil du général Gilbert Diendéré et d’autres accusés. A travers une correspondance envoyée au tribunal, Me Paul Kéré dit s’être déporté pour convenances personnelles. Outre Paul Kéré,  la SCPA Somé et Associés s’est aussi déportée pour convenances personnelles.  Conséquence de ces deux déports : huit  accusés se retrouvent sans avocats. Il s’agit du Général Diendéré, présumé auteur du coup d’Etat manqué, de Baguian Abdoul Karim dit Lota, l’Adjudant Ouékouri Kossè, le Sergent-chef Koussoubé Roger Joachim Damagma, le Sergent-chef Zerbo Laoko Mohamed, Guelwaré Minata, Fatoumata Diendéré et Traoré Abdoul Karim. Le déport de ces avocats est, pour les avocats de la partie civile, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. En effet, Me  Guy Hervé Kam estime que « les avocats de la défense abusent de ce droit ». S’appuyant sur l’article 40 du règlement UEMOA régissant la profession d’avocat, Me Kam a déclaré que l’avocat qui veut se déporter, doit faire la preuve qu’il a pris le soin d’informer ses clients dans des délais raisonnables avant de le faire.

« Nous partirons si nous voulons partir »

 

Toute chose qui a amené Me Dieudonné Bonkoungou, avocat de la Défense, à s’expliquer : « Les déports ne se font pas sur un coup de tête. Ils peuvent intervenir en cours de procédure. Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’on se déporte ». A l’en croire, les règles de droit les plus élémentaires doivent être respectées et « ce n’est pas parce que nos clients sont accusés qu’ils sont dénués de tout droit », a-t-il ajouté.  Tout comme lui, Me Antoinette Ouédraogo a trouvé que le texte a été mal interprété par Me Guy Hervé Kam.  Pour elle, cette façon de voir les choses est une injure à la profession d’avocat. « Nous sommes là parce que nous avons accepté une mission. Nous partirons si nous voulons partir. Nous n’avons de compte à rendre à personne. Chacun jouera sa partition en fonction de la musique qui sera proposée. Que la partie civile nous épargne de ses analyses tendant à nous diaboliser », a-t-elle clamé. Vu l’évolution de la situation, le Parquet militaire a dit craindre un « enlisement du procès, puisque c’est ce qui est recherché par certains acteurs ».  Au cours de l’audience du 9 mai, vu que le procès a été renvoyé, des accusés ont demandé des libertés provisoires. Et Baguian Abdoul Karim dit Lota et Fayçal Nanema qui avaient été reconduits  à la Maison d’arrêt et de correction (MACA) suite  à leur absence à  l’audience du 31 mars dernier, ont été appelés à la barre pour argumenter leur demande de liberté provisoire. Expliquant les raisons de son absence, Fayçal  Nanema dira qu’il a pris des médicaments que lui avait prescrits son médecin traitant. Malheureusement,  a-t-il poursuivi, il s’est endormi et ce n’est qu’à 11h qu’il s’est réveillé ce jour-là. Ayant appris qu’il était recherché par la Gendarmerie, il a essayé d’entrer en contact avec la Justice militaire pour savoir où il devait se rendre pour répondre à la convocation. Chose qu’il n’a pas pu faire, puisqu’il a appelé  au téléphone pendant cinq jours sans avoir de réponse. Des propos  que le procureur militaire, Alioun Zanré, va confirmer plus tard. Quant à  Baguian Abdoul Karim dit Lota, il a indiqué que c’est son avocat, Paul Kéré, qui lui avait dit que le procès allait être renvoyé. C’est pour cela qu’il n’avait pas trouvé l’intérêt d’aller à l’audience du 31 mars dernier. En plus de ces  deux demandes de liberté provisoire,  la demande d’autorisation de quitter le territoire burkinabè introduite par   Adama Ouédraogo dit Damiss, a aussi été examinée.  Il a donc  a  été appelé à la barre pour fournir plus d’arguments. Il a affirmé à la barre que la demande d’autorisation de quitter le territoire national répond à un impératif de rencontrer son médecin traitant. Pour rappel, Adama Ouédraogo dit Damiss souffre d’un asthme sévère.  Après cet argumentaire, le juge a suspendu l’audience aux environs de 13h, pour statuer. Ce n’est qu’à 14h que l’audience a repris. Et par un jugement avant-dire droit, le tribunal a rejeté les demandes de liberté provisoire de Baguian  Abdoul Karim et Fayçal Nanéma. Pour ce qui est de l’autorisation de quitter le territoire national de Adama Ouédraogo dit Damiss, le tribunal s’est déclaré incompétent. C’est donc après cet acte que le tribunal a suspendu l’audience qui reprendra le 25 mai prochain à 9h.

 

Issa SIGUIRE et Françoise DEMBELE

 

Serges Bayala, blessé du coup d’Etat manqué

 

« Nous sommes sidérés par la manière dont les avocats de la défense malmènent les textes »

 Mon point de vue sur ce procès, est que nous sommes bien partis pour qu’il n’y ait pas de procès contre le putsch et les putschistes du 15 septembre 2016. Pour la énième fois, en tant que blessé du coup d’Etat, nous sommes sidérés de voir la manière dont les avocats de la défense malmènent les textes tout en abusant de leur statut pour contredire le désir intense du peuple burkinabè d’avoir droit à la justice. L’allure que prend le procès, malgré les différents reports, souffre d’honnêteté professionnelle d’avec la fonction d’avocat des parties de la défense. S’il est vrai que la déportation, dans un dossier, est un droit essentiel dont jouit tout avocat, il reste que ce noble principe ne doit pas faire l’objet de surenchère et d’instrumentalisation à des fins politico-amicales dont abusent présentement les avocats de la défense. La cadence des déportations force à la conclusion sans appel qu’il s’agit là, même pour les moins avertis, d’une stratégie malpropre entreprise à des fins clientélistes pour prolonger au mieux le procès, avec en toile de mire un désir de chantage pour soustraire, avec l’usure du temps, leurs clients du marteau de la justice. Lesquels clients d’ailleurs ont réclamé à se rompre les cordes vocales, la tenue du présent procès.  Maintenant qu’il est enclenché, les mêmes reviennent dire leur surprise par rapport à la rapidité avec laquelle on veut faire le procès. Finalement, que veulent-ils? L’impunité pour l’éternité, à n’en pas douter. Il appartient aussi à l’Etat, à travers le ministère public, de soustraire les victimes et le peuple burkinabè des humeurs et de la gymnastique judiciaire des bourreaux d’hier. Il s’agit là, pour l’Etat, de se vêtir de sa tunique de l’autorité de l’Etat pour faire avancer le dossier dans les règles de l’Etat de droit. La France que nous plagions avec abus, ne saurait traiter des putschistes qui ont confessé leur crime de la sorte, encore moins le furieux Trump. Erdogan de la Turquie a su trouver les moyens de résoudre la question de son coup d’Etat et d’orienter l’essentiel des forces du peuple turc vers l’avenir.Nous proposons que pour assouplir le sentiment d’injustice dans les cœurs des parents des martyrs  et des blessés traînant encore des balles, fraîchement opérés depuis hier et ceux portant des séquelles à vie, l’Etat burkinabè prenne sur lui la mesure de déchoir tous les impliqués dans ce crime d’Etat de leurs différents titres et grades.La loi ne doit pas être un instrument au service du bourreau pour malmener et achever sa victime.

 

Propos recueillis par Issa Siguiré

 

 

 

 


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