HomeA la unePROCES DU PUTSCH MANQUE : Deux avocats de la défense jettent l’éponge

PROCES DU PUTSCH MANQUE : Deux avocats de la défense jettent l’éponge


 

Rejet des listes des témoins, désertion de la salle d’audience par les avocats de la défense, déportation d’avocats,  lecture de l’arrêté de renvoi, rejet de demande de liberté provisoire sont les faits majeurs qui ont marqué les derniers jours de l’audience du procès du putsch manqué de 2015. Nous revenons sur ces différents épisodes qui ont eu lieu les 30 et 31 mars 2018, avant que le président du tribunal ne procède à la suspension de l’audience qui reprendra le 6 avril prochain, toujours à la salle des Banquets de Ouaga 2000.

D’abord, la journée du 30 mars 2018. Il est 09h 05 quand le président du tribunal, Seydou Ouédraogo, annonce la reprise de l’audience. La veille, la question de la citation des témoins s’était posée et là-dessus, il devait trancher. Sont retenus, la liste fournie par le parquet militaire et celle produite par les conseils des accusés Nobila Sawadogo et Médard Boué, comportant 6 noms. Le point commun de ces listes, c’est que le parquet militaire, tout comme les conseils des accusés, ont tous cité leurs témoins à comparaître. Mais pour le reste de la défense, les listes des témoins produites, sont rejetées par le tribunal au motif que selon ce dont dispose la loi, c’est à l’accusé qui souhaite faire entendre un témoin, de le citer. Chose que certains avocats de la défense, notamment ceux de Gilbert Diendéré et de Djibrill Bassolé, n’avaient pas faite, estimant qu’ils avaient transmis leurs listes au ministère public et qu’il appartenait à ce dernier de procéder aux citations de leurs témoins. Dans le même temps, le président du tribunal fait savoir que l’expert cité par le parquet militaire, Inoussa Sanfo, est lui aussi retenu, avant de demander au greffe de le conduire, avec l’ensemble des témoins retenus, dans la salle qui leur est réservée. Cette étape passée, la défense demande à prendre la parole. Par la voix de Me Bonkoungou, elle demande une suspension d’audience pour se concerter. Après quelques minutes de tractations, le président accède à la requête et l’audience est suspendue pour 30 minutes. Il était 09h 22. A la reprise, soit à 10h, c’est toujours Me Bonkoungou qui tient le micro. Après concertation, annonce-t-il, les avocats de la défense prennent acte de la décision du président du tribunal de rejeter la liste des témoins de leurs clients. « Nous prenons acte de la lecture que vous faites de l’article 105 », lance-t-il avant de porter, à l’attention du tribunal, que même les témoins qui ont comparu volontairement n’ont pas été retenus (Ndlr : Les trois Généraux, Ali Traoré, Ibrahim Traoré et Brice Bayala, cités par Gilbert Diendéré). Mais qu’à cela ne tienne, poursuit-il, après concertation, la défense souhaite une suspension de deux mois afin de citer ses témoins. A cette préoccupation, l’avis du parquet militaire est clair. Pour le procureur militaire, sur la question, le tribunal a déjà tranché. Aussi, citant les dispositions de l’article 118, le procureur militaire fait noter que le président peut, à tout moment, faire apporter toute pièce qui lui paraît utile à la manifestation de la vérité et décerner des mandats de comparution ou d’amener, contre toute personne dont l’audition lui semble nécessaire. « Nous n’occultons pas l’intérêt que la défense a à citer des témoins, mais on peut le faire selon les dispositions de l’article 118 et 120. Deux mois de suspension pour faire des notifications, à notre sens, se sera difficilement acceptable en droit », fini par requérir le parquet. Maintenant, la parole est donnée à la partie civile pour sa plaidoirie sur la demande de la défense. Mais, elle aussi, demande une suspension de 15 minutes afin de se concerter. Les 15 minutes passées, l’audience est reprise. Me Farama qui parle au nom de la partie civile, indique d’abord que la partie civile reste favorable à ce que toute personne dont le témoignage pourrait permettre la manifestation de la vérité, puisse être entendue. « Cependant, nous voulons que cette audience se tienne dans le strict respect de la loi », précise-t-il également. Pour elle donc, la question sur la citation des témoins a été débattue et là-dessus, chacune des parties s’est prononcée et une décision a été donnée par le président. Si, finit par trancher Me Farama, l’une des parties estime que cette décision ne lui est pas favorable, elle peut utiliser les voix de recours qu’offre la loi. « Aucune base légale n’est motivée par cette demande. Donc, nous nous opposons », a conclu la partie civile. Il est 10h43 et Seydou Ouédraogo annonce une nouvelle suspension pour délibérer sur la question. L’audience est reprise 50 minutes plus tard. « Sur la demande de renvoi de 2 mois, le tribunal n’y a pas accédé », tranche Seydou Ouédraogo. Et de motiver cette décision par le fait que sur la question les débats ont eu lieu, chacune des parties a opiné et une décision a été rendue. Entendons par là que l’audience peut se poursuivre. Mais, la défense, à cet instant précis, renchérit ! « Dans ces conditions, nous ne pouvons pas assister nos clients. Nous sommes désolés, car c’est à notre corps défendant », déclare Me Bonkoungou. Dans le même temps, plusieurs avocats de la défense font leurs valises. Peu à peu, la salle se vide des avocats de la défense. Dans la foulée, visiblement remonté, un homme cri « Oh oh, allez-y ! ». Il s’agit d’un parent de l’une des victimes qui s’avère également être le président de l’association des victimes du putsch manqué. Très vite, il est repéré et le président ordonne son expulsion de la salle. De retour à l’audience, le constat est là. La majorité de la défense a claqué la porte. Sont restés sur place, 5 avocats de la défense, à savoir Me Halidou Ouédraogo, Me Issaka Zampaligré, Me Mamadou Sombié, Me Mahamadi Sawadogo et Me Rokia Ouattara. Constatant cela, Seydou Ouédraogo décide de poursuivre l’audience. Le cas des accusés non comparants, 9 au total, est d’abord traité. Entre autres, Déka Mahamadi, Yacouba Kinda, Fatoumata Diendéré/Diallo. Après l’appel nominatif de ces 9 accusés, le président fait remarquer que leurs avocats ont quitté la salle. Se basant sur les dispositions de la loi, il prend une ordonnance les invitant à comparaître dans un délai de 10 jours. Passé cela, ils seront jugés par défaut. Sur ce, Seydou Ouédraogo ordonne une autre suspension d’audience de 01h30 minutes. Il est alors 12h03.Aux environs de 13h, le tribunal reprend du service dans une salle quasiment vide.  Les avocats de la défense ayant aussi déserté la salle dans la matinée. Il est prévu la lecture de l’arrêt de renvoi. Avant toute chose, un accusé demande à prendre la parole. Le président accède à la demande et un micro lui est remis. Ledit prévenu se nomme Herman Yaméogo. Il commence : « Nous souhaitons être assistés par nos conseils pour la lecture de l’arrêt de renvoi ». Par rapport à cette requête, le procureur militaire estime qu’ils « ont quitté la salle et qu’ils ne se sont pas déportés ». « Même s’ils ne se sont pas déportés, le fait est qu’ils ne sont pas là pour nous défendre », réplique le prévenu Herman Yaméogo qui est aussi un avocat. Et à travers son intervention, il donne l’air d’être le porte-parole des accusés. Et au procureur de préciser qu’un accusé ne peut parler au nom des autres accusés. Pour mettre fin à ce débat, le Président du tribunal estime que du moment où les avocats ne se sont pas déportés, et qu’ils sont simplement sortis de la salle, la lecture de l’arrêt de renvoi peut se faire sans problème, du moment où selon le parquet, « ce n’est qu’une mesure administrative ». Après ces tiraillements, la lecture de l’arrêt de renvoi du 29 décembre 2017 peut commencer. Et c’est le greffe qui s’en charge.

Me Issaka Zampaligré et Me Halidou Ouédraogo se déportent

De 13h à 17h, les éléments du parquet se relaient pour lire la pile de documents étalée sur la table. Pour raison de sécurité, le président du tribunal, Seydou Ouédraogo, suspend l’audience qui reprendra le lendemain, samedi 31 mars 2018. Avant toute chose, le président du Tribunal, Seydou Ouédraogo, fait comprendre qu’après la lecture de l’arrêt de renvoi, des demandes de liberté provisoire seront examinées.  Durant des heures, le tribunal, le public, les avocats de la partie civile et certains avocats de la défense écoutent religieusement la suite de l’arrêt de renvoi. Une lecture qui prendra fin aux environs de 10h. Mais avant, pendant la lecture de l’arrêt de renvoi, le président du tribunal suspend momentanément la lecture et interpelle  Issaka Zampaligré qui se trouve dans le box des avocats de la défense, « sans la tenue appropriée ».  Celui-ci s’en excuse et précise qu’il est seulement de passage pour déposer un courrier. A la fin de la lecture de l’arrêt de renvoi, le juge porte à la connaissance de l’auditoire ledit courrier. Contre toute attente, Me Issaka Zampaligré, conseil de Me Mamadou Traoré, prévenu, met fin à sa mission « en accord avec son client ». Il n’est pas le seul à se déporter. Me Halidou Ouédraogo a fait parvenir un courrier au président du Tribunal militaire. Ce dernier se déporte aussi pour « vues divergentes » avec son client, après des échanges. Après la lecture de ces deux dossiers, débute l’examen des demandes de liberté provisoire. Le premier à venir défendre son dossier, est Mohamed Laoko Zerbo. Il demande la liberté provisoire pour s’acquitter d’un devoir familial. Relativement à cette demande, le parquet estime qu’elle n’a pas d’intérêt et il estime qu’à l’étape actuelle, « c’est inopportun ». La seconde personne appelée à défendre son dossier est Roger Koussoubé dit « le Touareg ». Il dit demander la liberté provisoire pour raison de famille. La même raison a aussi été évoquée par Aminata Guelwara. Le parquet ne voit pas l’opportunité de telles demandes, d’autant « qu’il n y a pas d’éléments suffisants pour garantir la présence des intéressés en justice ». Quant à Abdou Compaoré, il explique sa situation. « J’étais en liberté provisoire et je suis allé en mission au Mali ». A son retour, il est conduit directement en prison. Pour le procureur militaire, le fait qu’il soit conduit en prison répond à l’exécution de l’ordonnance de prise de corps de l’arrêt du 29 décembre 2017. Mais compte tenu de certaines explications données par le prévenu, le tribunal a prévu de donner suite à la requête après « vérifications complémentaires ». Pour ce qui est des demandes de Mohamed Laoko Zerbo, Roger Koussoubé, Aminata Guelwara, le tribunal a rejeté la demande de liberté provisoire comme étant mal fondée. C’est suite à cela que l’audience sera suspension. Le retour au prétoire est fixé au 6 avril 2018, avec l’interrogatoire des accusés.

Adama SIGUE et Françoise DEMBELE

 

 Zoom sur des chefs d’accusation

  • Attentat à la sureté de l’Etat
  • Complicité d’attentat à la sureté de l’Etat
  • Actes et complicité d’actes de terrorisme
  • Association de malfaiteurs
  • Enlèvement et séquestration
  • Dégradation volontaire aggravée de biens
  • Complicité de dégradation aggravée de biens
  • Détournement de deniers publics
  • Incitation à commettre des actes contraires au règlement et à la justice
  • Détention illégale d’armes à feu
  • Trahison
  • Complicité de trahison
  • Recel de deniers publics
  • Violence et voies de fait sur autrui
  • Actes de vandalisme et complicité d’actes de vandalisme
  • Désertion à l’étranger en temps de paix
  • Pillage
  • Incitation à la commission d’infraction
  • Coups et blessures volontaires
  • Complicité de coups et blessures volontaires

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