HomeA la unePROCES DE SIMONE GBAGBO ET COMPAGNIE : La catharsis aura-t-elle lieu ?

PROCES DE SIMONE GBAGBO ET COMPAGNIE : La catharsis aura-t-elle lieu ?


Sauf rebondissement de dernière minute, le procès de Simone Gbagbo aura enfin lieu en Côte d’Ivoire. En effet, selon l’un de ses avocats, le début du procès est prévu dans une semaine, soit le mercredi 22 octobre prochain. Ce jour-là, Simone Gbagbo et   à peu près quatre vingt autres prévenus, tous des personnalités proches de l’ex-président Laurent Gbagbo, seront devant la Cour d’assises d’Abidjan pour répondre de leurs actes lors de la crise post-électorale de 2010-2011.

 

Tout porte à croire que les autorités d’Abidjan veulent couper l’herbe sous les pieds de Fatou Bensouda, pour ne pas accéder à sa requête

 

Si l’on peut se réjouir que ce procès puisse enfin s’ouvrir, après bientôt trois ans que les prévenus attendent, l’on ne peut s’empêcher de penser que les appels du pied sans cesse répétés de la CPI pour que les autorités ivoiriennes  leur livre Simone Gbagbo, ont eu pour effet d’accélérer la procédure au niveau d’Abidjan qui ne veut pas envoyer l’ex-première dame rejoindre son époux dans les geôles de la Haye. Au-delà des considérations politiques et sexistes, un transfèrement de Simone pourrait apparaître, d’un certain point de vue, comme de l’acharnement contre une famille, étant donné que Michel Gbagbo, le fils, est lui aussi dans le collimateur de la Justice ivoirienne.

Par conséquent, tout porte à croire que les autorités d’Abidjan veulent couper l’herbe sous les pieds de Fatou Bensouda, pour ne pas accéder à sa requête. Aussi mettent-elles tout  en œuvre pour rassurer la CPI qu’elles peuvent juger l’ex-première dame au pays. Par ailleurs, extrader un troisième partisan de Gbagbo, de surcroît une femme, devant cette Cour, sans que l’on ait vu pour le moment le moindre menu fretin du camp Ouattara inquiété, pourrait non seulement être choquant pour beaucoup d’Africains, mais aussi contribuer à mettre davantage mal à aise les  autorités d’Abidjan qui se défendent de mener une justice des vainqueurs dénoncée par plusieurs voix. D’autant plus que les partisans du président Ouattara ont dû marcher sur des cadavres pour déloger Gbagbo du palais présidentiel transformé pour l’occasion en forteresse. Dans ces conditions, la CPI elle-même pourrait être soupçonnée de parti pris et de rouler pour un camp, toute chose qui pourrait contribuer à lui enlever toute crédibilité quant à sa capacité et sa volonté de rendre une justice équitable et impartiale.

Malgré tout, l’on se demande si ce procès en Côte d’Ivoire pourrait arrêter ou éteindre la procédure de la CPI. Rien n’est moins sûr, surtout au regard des chefs d’accusations qui sont certainement loin de satisfaire cette Cour. Pendant que la CPI veut entendre Simone Gbagbo pour répondre des accusations de crimes contre l’humanité, les autorités ivoiriennes, pour l’instant, brandissent l’atteinte à la sûreté de l’Etat.

 

Ce procès est un véritable défi pour les autorités ivoiriennes

 

Ce chef d’accusation, à première vue, peut du reste paraître réducteur, ce qui pourrait amener à s’interroger sur le sort qui sera réservé à la question des escadrons de la mort dont Simone Gbagbo serait soupçonnée d’être le mentor.  Quid alors des nombreuses victimes des exactions de ces derniers ? La question de la sûreté de l’Etat vise-t-elle à ne rendre justice qu’à l’Etat ivoirien ? Et les victimes et leurs familles ?

Dans tous les cas, ce procès est un véritable défi pour les autorités ivoiriennes. Comment en effet tenir un procès équitable dans un contexte où elles sont soupçonnées de pratiquer une justice à deux vitesses ? Là est toute la question et c’est en cela que l’on se demande si, au bout du compte, la grande catharsis aura lieu en Côte d’Ivoire. Car, le risque est grand que certaines rancœurs soient exacerbées à l’issue d’un procès dont certains pensent qu’il sera bâclé. Et vu le grand nombre des prévenus, l’on se demande combien de temps ce procès durera. C’est en cela que le défi est grand, car ce jugement doit être un jugement de l’histoire, pour l’histoire. Il doit être mené de façon sereine et impartiale, afin qu’au finish, les coupables soient  connus et les innocents relaxés. Si la Justice ivoirienne y parvient, ce sera un pas de géant vers la réconciliation. Dans le cas contraire, un fiasco contribuerait à creuser davantage le fossé et à accentuer les rancœurs et la fracture sociale au sein de la population ivoirienne. Dans ces conditions, ne vaudrait-il pas mieux refiler la patate chaude à la CPI, quitte à travailler à y amener aussi de grosses légumes de l’autre camp ? L’histoire nous le dira.

Outélé KEITA


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