HomeA la unePROCESSUS DE DDR EN RCA : L’échec n’est pas permis

PROCESSUS DE DDR EN RCA : L’échec n’est pas permis


Depuis la chute de François Bozizé, la RCA a été livrée aux humeurs des groupes armés. Les plus emblématiques d’entre eux sont les célèbres anti-balaka qui entretiennent des accointances avec le président déchu et la SELEKA de Michel Djotodia. Avec l’élection de Faustin Archange Touadéra à la tête du pays, les choses se sont quelque peu apaisées, mais  force est de reconnaître que le chemin de la normalisation totale du pays est encore long. Et pour cause. Des ilots de violence entretenus par des groupes armés, qui rechignent à intégrer la République, subsistent encore.  C’est dans ce contexte que la RCA, avec l’aide de ses partenaires, redémarre aujourd’hui 20 avril le programme DDR (désarmement, démobilisation, réinsertion). Pour la première fois en effet, les représentants des 14 groupes armés que compte le pays, de la société civile, des Nations unies, des partenaires et des autorités se retrouveront à la présidence pour échanger sur la mise en route du programme DDR. A cet effet, un comité consultatif de suivi chargé de le piloter a été mis en place. Le malheureux peuple centrafricain, qui n’a jamais connu véritablement un temps de répit depuis pratiquement l’indépendance du pays en 1960, fonde beaucoup d’espoirs sur cette initiative pour espérer enfin sortir la tête de l’eau.

La balle est désormais dans le camp des Centrafricains

De ce point de vue, l’on peut dire que le lancement du DDR représente une occasion de sortie  définitive de crise à ne pas gâcher. En tout cas, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’échec n’est pas permis. Car, la Banque mondiale semble avoir pris toute la mesure des enjeux que draîne le programme. En effet, l’institution de Bretton Woods a accepté volontiers de l’accompagner à hauteur de 30 millions de dollars sur un budget de 45 millions. Le reste est pris en charge par le gouvernement et la MUNISCA (Mission des Nations unies de soutien à la Centrafrique). L’on peut se réjouir déjà du fait que  le budget ait été bouclé. L’on peut également se satisfaire que la Centrafrique, dans toute sa diversité, se retrouve pour traiter de la question. Le seul bémol, c’est qu’un des groupes armés qui s’illustrent toujours dans les violences, entravant encore la marche du pays vers la paix, le FPRC (Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique) pour ne pas le nommer, a déjà fait étalage de sa mauvaise volonté à participer au DDR, en indiquant n’être présent au comité consultatif qu’en simple observateur. Cela dit, la balle est désormais dans le camp des Centrafricains. La communauté internationale, notamment la Banque mondiale, a déjà joué sa partition en s’engageant à aider au retour d’environ 5000 ex-combattants à la vie civile. De manière spécifique, il s’agit de financer les activités destinées à l’ex-combattant lui même, notamment des formations qui vont lui permettre de réapprendre un métier ou de retrouver des bases pour sa réinsertion dans la vie civile. La banque va également financer des activités pour les communautés d’accueil. Enfin, le financement du pilotage de tout le programme sera assuré par la même institution. La contribution de l’institution de Bretton Woods, comme on le voit, est énorme. Mais, encore faut-il que les principaux concernés eux-mêmes, c’est-à-dire les Centrafricains, acceptent de se frotter le ventre après que les autres ont pris la résolution de leur frotter le dos. Ce qui n’est pas gagné d’avance au regard des considérations suivantes.

Le désarmement seul ne suffit pas pour recoudre le tissu social

Premièrement, l’on peut noter une prolifération exponentielle des groupes armés. 14 est leur nombre. Et ils totalisent 5000 ex-combattants. A l’analyse, l’on peut avoir l’impression que cette inflation des chiffres cache mal l’envie des uns et des autres de profiter de la manne de la Banque mondiale.  Deuxièmement, les ennemis de la paix sont encore nombreux en RCA. Sont de cette catégorie, tous ceux qui ont profité du chaos dans lequel le pays se  trouve pour faire main basse sur ses énormes richesses, notamment le diamant. Tous ces saprophytes ne peuvent prospérer que si la RCA marche sur la tête. Pour éviter de s’attirer la foudre de la communauté internationale, ils se présenteront à la table du comité consultatif de suivi, mais seulement ils le feront en véritables Pharisiens, c’est-à-dire en hypocrites. Car, toute idée de désarmement et de démobilisation s’apparente pour eux à la mort des affaires juteuses. Pendant que physiquement, ils sont présents à Bangui pour parler de DDR, leurs esprits seront dans les riches gisements de pierres précieuses dont le pays regorge. La troisième et dernière considération qui peut conduire à être sceptique quant à la mise en œuvre réussie du processus de DDR, est liée à l’ampleur de la fracture que connaît le pays depuis que les hommes politiques, en panne visiblement de vision pour tirer la RCA vers le haut, ont choisi, en toute conscience, d’instrumentaliser l’ethnie et la religion pour parvenir à leurs fins. Cette posture a fortement desservi le pays. Le sentiment d’appartenir à une même communauté de destins a, de ce fait, pris un énorme coup si bien qu’aujourd’hui, c’est d’abord l’appartenance à une tribu ou encore à une religion qui est exaltée. De ce point de vue, le désarmement seul, au sens propre du terme, ne suffit pas pour recoudre le tissu social. Il faut en plus le désarmement moral. Le premier est plus facile à réaliser que le deuxième. A cet effort national pour soigner le mal centrafricain, il ne faut pas oublier d’associer tous les pays voisins. Le Tchad par exemple, qui a toujours fait et défait les différents régimes qui se sont succédé à la tête de la RCA, peut et doit peser de tout son poids pour donner une chance à la paix dans ce pays. Il doit d’autant plus le faire qu’au cas où la RCA rechuterait dans ses travers, la probabilité que cela débouche sur un génocide est très forte. Toutes les bonnes volontés qui peuvent aider à la paix dans ce pays sont prévenues.

« Le Pays »


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