HomeA la unePROLONGATION DE LA DUREE DE LA TRANSITION

PROLONGATION DE LA DUREE DE LA TRANSITION


Goodluck Jonathan, le médiateur mandaté de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) au Mali,  séjourne de nouveau sur les rives du Djoliba. A quelques jours de l’ouverture du sommet de l’organisation sous-régionale prévu pour le 9 janvier prochain, sur les récents développements de la situation politique au Mali, l’on ne peine pas à imaginer ce qui fait courir l’ex-chef d’Etat nigérian. Même si officiellement, on le dit porteur d’un message du président en exercice de la CEDEAO, le chef de l’Etat ghanéen Nana Akufo-Ado, l’on sait que l’émissaire de la communauté sous-régionale est à la manœuvre pour prendre le pouls réel de la cité et en faire un compte- rendu fidèle à ses mandataires, maintenant que la junte militaire a abattu clairement ses cartes : elle veut prolonger son bail au pouvoir, de 5 ans. C’est donc une mission de la plus haute importance pour la CEDEAO car non seulement cette mission doit fournir aux chefs d’Etat les infos les plus actualisées de la météo politique malienne afin de les éclairer dans les décisions à prendre, mais aussi elle permet à l’organisation communautaire d’ôter tout argument à ceux qui seraient tentés de l’accuser d’avoir sanctionné d’éventuels coupables sans les avoir écoutés.

 

Le pari d’un durcissement des sanctions contre Bamako, n’est pas gagné d’avance

 

Mais au-delà même de la question malienne qui fait monter le thermomètre politique dans l’espace communautaire, c’est l’avenir de la CEDEAO même qui est en jeu. En effet, de quel crédit pourrait-elle encore bénéficier auprès des peuples de la sous-région et de communauté internationale, si après avoir bandé les muscles face aux boys de Kati, elle devrait se dégonfler  comme un ballon de baudruche ? Une telle attitude ne saurait être interprétée autrement qu’une prime d’encouragement aux coups d’Etat en Afrique et comme des signaux verts pour les juntes militaires en Guinée, au Tchad et au Soudan, qui scrutent scrupuleusement l’horizon au-dessus du Djoliba. Mais l’on sait que le pari d’un durcissement des sanctions contre Bamako, n’est pas gagné d’avance car non seulement Assimi Goïta a su ruser avec le peuple malien pour arracher un semblant de légitimité pour son projet à travers les conclusions des récentes assises nationales, mais aussi parce que l’organisation sous-régionale est très attentive aux souffrances des populations maliennes déjà sous asphyxie des groupes armés. Cette inquiétude est d’autant plus fondée que les chefs d’Etat de la sous-région ne présentent pas la même fermeté vis-à-vis des putschistes maliens et que la CEDEAO elle-même n’est pas exempte de toute critique face à l’imbroglio socio-politique actuel au Mali : elle est accusée d’avoir fermé les yeux sur la mauvaise gouvernance d’Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) et d’avoir ainsi échoué à prévenir la crise politique actuelle. Mais il y a fort à parier que cette fois-ci, les atermoiements de Nana Akufo-Ado et de ses pairs de la sous-région, s’estomperont pour faire place au seul langage que comprennent les bidasses : l’argument de la force.

 

La CEDEAO tient un argument en béton pour mettre en doute la prétendue volonté populaire issue des assises nationales

 

C’est, en tout cas, cette orientation que semble leur donner la communauté internationale avec la suspension annoncée par l’administration Biden, du Mali du programme de préférences commerciales de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA). Mais alors que les nuages s’amoncèlent au-dessus de Bamako, les échos du front annoncent des accrochages mortels entre les groupes armés et les éléments du groupe russe Wagner. A priori, c’est une bonne nouvelle car les terroristes ont eu, de la part des combattants russes qui n’ont pas volé leur réputation,  la réponse qu’ils méritaient. L’on annonce, en effet,  dans les rangs des insurgés contre l’autorité de Bamako, de nombreux morts. Mais cet accrochage mortel soulève tout de même des interrogations : Wagner est-il déjà présent au Mali ? Si oui, pourquoi les autorités maliennes se complaisent-elles dans le déni ? Ce déni fait-il partie d’une stratégie de guerre ou résulte-t-il d’une volonté d’agir dans le noir pour ne pas effaroucher les partenaires occidentaux qui ne voient pas d’un bon œil le déploiement des mercenaires russes au Sahel ? Faute de réponses claires à toutes ces questions, l’on ne peut que se limiter au constat que la junte militaire malienne excelle dans le difficile jeu de cache-cache dans un pays de désert et de savane, qu’elle livre aux populations. Et ce refus de transparence achève de  convaincre des louvoiements d’Assimi Goïta qui ne recule devant aucun subterfuge pour assouvir ses desseins pouvoiristes.  Mais comme le disait Abraham Lincoln : « on peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps ». Des partis politiques et pas des moindres ainsi que certaines forces de la société civile ont compris le jeu et se démarquent du théâtre d’ombres que leur servent les hommes en treillis. C’est, en tout cas, la substance que l’on peut tirer du communiqué du cadre d’échange des partis et regroupements politiques pour une transition réussie au Mali, qui dit avoir appris avec stupeur la proposition de chronogramme transmise  par les autorités de la Transition à la CEDEAO et appellent, par conséquent, « les démocrates et patriotes à se tenir debout afin de barrer la route à la restauration et à toutes les velléités de remise en cause des acquis démocratiques de mars 1991 ». La CEDEAO tient là un argument en béton pour mettre en doute la prétendue volonté populaire issue des assises nationales de la refondation et éviter le piège de la légitimité dont semble se prévaloir Assimi Goïta.

 

« Le Pays »

 

 


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