PUTSCH MANQUE L’adjudant Dibloni Gbondiaté pointe un doigt accusateur sur la sécurité rapprochée du chef de l’Etat
Les auditions se sont poursuivies le 27 et le 28 juillet 2018 avec les sergents Yahaya Guiré et Salif Kouldiati, ainsi que l’adjudant-chef Dibloni Gbondiaté à la barre pour répondre des faits reprochés à chacun dans l’avènement du putsch manqué. Au terme de ces auditions, le président du tribunal, Seidou Ouédraogo, a suspendu le procès du putsch manqué qui reprendra le 16 août prochain.
Le 27 juillet 2018, l’audition du sergent Yahaya Guiré, chef de parc automobile s’est poursuivie devant le tribunal militaire devant lequel il comparaît pour les chefs d’inculpation de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, complicité de coups et blessures volontaires. Invariablement, l’accusé a confié que c’est l’adjudant Dibloni Gbondiaté qui l’a commis à la mission d’aller dépanner un engin en panne au camp Guillaume, non loin de la Place de la Nation, quand bien même la situation était trouble. Accompagné du soldat Abdou Compaoré ce jour, il ressort qu’au cours de cette sortie, Abdou a fait des tirs en l’air avec son arme alors que le sergent lui avait dit de ne pas tirer. Lors de son interrogatoire de première comparution, une vidéo leur a été présentée, le sergent et le soldat Compaoré, où apparaissent les deux et un enfant qui gisait dans son sang. Un enfant qui aurait été tué par les tirs du soldat Abdou Compaoré. Ce que nie le sergent Guiré. Pourquoi sortir en ville alors que la situation était trouble, lui demande le parquet militaire ? Pour Me Orokia Ouattara, conseil de l’accusé, cette question doit être posée à la hiérarchie militaire qui a envoyé son client en mission de dépannage en ville. Et de s’interroger sur ce qui est réellement reproché à son client. Elle a demandé au parquet militaire de dire, preuves à l’appui, les faits et actes matériels posés par le sergent Guiré, comment a-t-il apporté de l’aide au Général Diendéré, au major Badiel et à l’adjudant Nion comme aide matérielle, morale et financière dans l’attentat à la sûreté de l’Etat. Me Jacques Soré, conseil du soldat Abdou Zouré, tout comme Me Orokia Ouattara, disent n’avoir jamais vu la vidéo dont il est question et attendent toujours qu’on la leur montre pour les besoins d’informations. Me Soré ne comprend pas pourquoi poursuivre le sergent Guiré et le soldat Compaoré pour meurtre alors qu’ils n’ont pas tiré sur quelqu’un. Selon l’avocat, le parquet convoque l’article 67 du code pénal pour les tenir responsables de la mort de l’enfant sans en apporter les preuves. Il allègue que des témoins avaient indiqué que ce sont des militaires qui étaient dans un pick-up qui ont tiré sur l’enfant et l’ont atteint au cou, contrairement aux déclarations du parquet. Le conseil de l’adjudant Dibloni, Me Isaac N’Dorimana, veut comprendre comment et où le sergent a pu rencontrer l’adjudant qui n’a pas été à la Place de la Nation, selon l’avocat. Où avez-vous vu l’adjudant avec un véhicule et une moto, lui demande-t-il donc ? Entre l’Etat-major général des Armées et la Caisse de solidarité à côté, lui répond le sergent Guiré. Etiez-vous en bons termes avant, pendant et après les évènements du putsch manqué, ajoute-t-il ? Oui, on n’a pas de problèmes, on était dans la même compagnie, lui répond le sergent. L’avocat indique que l’adjudant-chef Dibloni était au SIAO, alors que le sergent dit l’avoir vu vers la Place de la Nation. Peut-il être au SIAO et à la Place de la Nation, s’il n’a pas le don d’ubiquité, s’interroge l’avocat ? Le sergent Guiré confie que l’adjudant-chef Dibloni est son petit frère et son chef et il ne va pas mentir sur lui. Me N’Dorimana rappelle que, dans les déclarations de l’adjudant-chef Dibloni au cours de l’instruction, le sergent Guiré a confié que c’est sur ordre de l’adjudant-chef que lui et le soldat Compaoré sont allés en ville pour se retrouver dans les problèmes ; qu’ils ne vont pas tomber seuls et qu’il n’est pas normal que Dibloni soit libre. De ce fait, l’avocat estime que la dénonciation de l’adjudant-chef Dibloni par le sergent Guiré est l’objet d’une vengeance certaine, en l’absence de preuves. Me Dieudonné Bonkoungou, un avocat de la défense, a demandé au parquet de ne pas instrumentaliser les douleurs des uns pour charger les autres, d’éviter de surfer sur la douleur des gens. Il faut rechercher la vérité, dit-il, et non rattacher les faits à des circonstances qui ne doivent pas l’être, dans le but d’obtenir un soulagement social. Et de mentionner qu’on peut passer à côté de la vérité puisqu’il n’y a pas eu de confrontation entre le sergent Guiré et l’adjudant-chef Dibloni. Me Alexandre Sandouidi, un autre avocat de la défense, estime tout simplement que le procès devient intéressant du côté du parquet qui veut, selon lui, décrire les circonstances de chaque mort en la rattachant à des cironstances de temps, de lieu. Ce qui était attendu depuis longtemps, soutient-il. Il estime que le sergent Guiré a raison de douter de la vidéo sur la base de laquelle on leur impute la responsabilité de la mort de l’enfant, puisqu’il s’agit, selon lui, de 2 vidéos d’une incohérence flagrante. On peut donc, à son avis, douter de ce qu’il y a eu mort, dans la mesure où le sergent Guiré dit que les tirs du soldat Compaoré étaient en l’air alors que le blessé dont on parle dans la vidéo est mort plus tard. L’avocat veut comprendre alors pourquoi, pour une mission de dépannage en ville le sergent Guiré et le soldat Compaoré ont porté leurs armes ? Parce que des jeunes à qui le sergent avait refusé les clés du parc pourraient lui en vouloir, dit le sergent Guiré. Il a indiqué en réponse aux questions de l’avocat qu’il a fait l’objet de menace du caporal Abdoul Nafiou Napon bien avant les évènements du putsch manqué et après ces évènements. L’avocat, comme un peu perplexe, confie qu’on n’arrive pas à suivre un fil d’Ariane de la déposition du sergent, du fait des incohérences dans les déclarations. Pour lui, certaines déclarations contenues dans les procès-verbaux d’interrogatoire ne sont pas ce que les inculpés ont dit ou sont des déclarations faites selon ce qu’ils ont entendu dire. Il indique que l’opinion du prévenu est assise sur des déclarations qu’il ne connaît pas et qu’il met en cause, ce qui est illogique, à son avis.
«Procès d’intention au sergent Guiré , … revirement à 90° »
L’accusé ne reconnaît pas les faits de meurtre, coups et blessures volontaires qu’on lui reproche. Le parquet a souligné qu’en matière pénale, tous les moyens et les preuves sont recevables, avant d’inviter les uns et les autres à mieux étudier le dossier en cours. Il indique que le sergent Guiré était guidé par la vérité et constate qu’il a fait un revirement à 90°. De l’avis du parquet, il a précédemment fait la genèse des faits tel qu’il les a vécus et tente à ce jour un revirement qui ne va pas le servir. Guidé alors par la peur ou l’inimitié, le parquet dit ne pas apprécier. Il demande à l’accusé quand est-ce que Abdoul Nafion Nébié l’a menacé ? A l’enlèvement des véhicules, dit-il. Ce qui, selon le parquet, correspond à la période de désarmement de l’ex-RSP. Le parquet relève que la seconde menace de Abdoul Nafion Nébié à l’endroit du sergent a lieu pendant le désarmement des éléments du RSP. Il confie à l’endroit de l’accusé ne pas comprendre que Dibloni l’appelle pour un dépannage en ville sans qu’il ne lui dise d’appeler le chef de garage qui est son supérieur hiérarchique, à savoir l’adjudant-chef Idani. Pour le sergent, l’adjudant-chef Idani lui faisait confiance. Pour le parquet, le sergent et le soldat Compaoré ont participé au coup d’Etat manqué. Le conseil de l’accusé estime que l’on assiste à un acharnement sur son client. Au lieu que le parquet montre comment le sergent a fait pour tuer des personnes, assister le Général Diendéré, il le questionne sur la normalité de la situation, sans apporter des indices clairs qui prouvent qu’il a commis un meurtre, blessé des gens ou attenté à la sûreté de l’Etat. Le seul début de réponse que le parquet a donné aux questions de l’avocate, selon ses mots, c’est lorsqu’il demande à l’accusé si son dépannage n’a pas contribué à conforter le putsch. Pour elle, on a fait un procès d’intention à son client. Il n’y a rien, il faut parler puisque le procès est suivi. Et d’ajouter qu’il n’y a pas une seule question dont la réponse n’est pas dans le procès-verbal d’interrogatoire et dont la réponse s’écarte véritablement de ce qui est écrit. Aussi longtemps que les accusés comparaîtront, ils rectifieront ce qui n’est pas leurs propos, dit l’avocate. Cela, d’autant plus que, pour elle, les procès-verbaux ont été rédigés par des gens. Si ce qui est écrit n’est pas ce qui a été dit, c’est du droit de l’accusé de se défendre, relève-t-elle. Lorsqu’elle s’apprête à poser des questions d’éclaircissement au prévenu, le président du tribunal suspend l’audience aux environs de 12h 30 pour reprendre autour de 14h. Le vendredi soir, à la reprise de l’audience, l’interrogatoire du sergent Yahaya Guiré est presqu’à la fin. L’accusé, qui, affirme avoir été appelé par l’Adjudant-Chef Dibloni Gbondiaté pour secourir des éléments du RSP motorisés, en difficulté avec leur engin, confie à la barre qu’il ne savait pas que aller réparer une moto pouvait l’amener devant le tribunal militaire. Du reste, avant de rejoindre le banc des accusés, le sergent Yahaya Guiré présente ses condoléances aux familles des victimes et souhaite prompt rétablissement aux blessés. Il ajoute ensuite : « Depuis que je suis né, je n’ai jamais frappé quelqu’un et je ne peux pas faire ces genres de choses ». Après ces mots, il rejoint sa place et c’est l’adjudant-chef Dibloni Gbondiaté que le président du tribunal appelle à la barre. Il est marié, père de quatre (4) enfants dont deux militaires. Il a été décoré de la médaille commémorative agrafe Soudan et de la médaille militaire. L’adjudant-chef Dibloni Gbondiaté, élément du GUI (Groupement des unités d’intervention), est à la barre pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre sur 13 personnes, coups et blessures volontaires sur une quarantaine de personnes. L’adjudant dit ne pas reconnaître les faits. A la barre, il déroule son calendrier. « J’étais le sous-officier de semaine du 11 au 18 septembre 2015 ». Mais dans sa narration des faits, il s’arrête et demande au président du tribunal militaire, s’il peut poser des questions au parquet. Celui-ci ne lui répond pas par la négative mais dit ceci : « On commence par vous d’abord ». Alors l’adjudant-chef poursuit sa narration des faits avec beaucoup d’entrain : « Le mercredi 16 septembre, j’étais de semaine et dans la plupart des garnisons, les mercredis, c’est le jour de sport. J’ai fait le rassemblement à 5h45mn et j’ai quitté le camp vers 7h 30mn pour me rendre dans mon non-loti à Zongo. Vers 17h, un technicien de Savane FM m’a appelé pour savoir ce qui se passe chez nous. Je me suis mis en tenue léopard pour aller à la Présidence. Il faisait un peu sombre. Arrivé au poste de garde, le caporal de semaine m’a dit que « nos voisins ont arrêté les gars ». C’est ainsi que l’adjudant-chef cherche à comprendre ce qui se passe. C’est dans cette incertitude qu’il reçoit l’ordre du lieutenant de faire le point des éléments. « J’ai fait le point et beaucoup manquait à l’appel et je lui ai dit que j’ai vu des jeunes vers Palace hôtel. Il m’a dit d’aller voir et de les ramener. J’ai dit que comme il fait nuit, je ne peux pas. C’est le 17 matin, j’ai fait le point et plus de 400 soldats étaient présents. Et le chef de corps a dit de grouiller maintenir les hommes sur place. Après le remplacement, il a été dit que personne ne bouge sans permission ».
« (..) Dites-leur de rentrer au camp, le bilan est alarmant, on dénombre de nombreux morts »
Mais moi je voulais mettre ma famille qui logeait au camp Naba-Koom à l’abri. J’ai donc appelé un ami pour qu’il me trouve une maison en ville afin que je puisse loger ma famille en attendant. Et après je suis allé vers l’espace aéré de la BCEAO, non loin de Palace hôtel où j’ai vu de jeunes soldats qui étaient arrêtés. Je leur ai demandé ce qu’ils faisaient là et ils m’ont dit que c’est un sergent qui les a amenés là et leur a dit que c’est une corvée. Il y avait des éléments du GUI (Groupement des unités d’intervention) et des éléments du GUS (Groupement des unités spéciales). J’ai dit aux éléments du GUI que je ne veux pas les devancer au camp. Alors, ils se sont suivis en file indienne pour rentrer au camp. Je n’ai pas rendu compte au lieutenant et j’ai feinté pour aller croiser celui qui devait aller me montrer la maison qui devait abriter ma famille. Je suis revenu au camp et j’ai dit à ma famille d’aller se réfugier dans la maison que j’ai trouvée. Je suis revenu au camp vers 11h20. On a pris le repas et on est resté sur place. J’ai fait le rassemblement vers 17h et j’ai fait le compte. Le nombre était monté un peu. Et c’est au cours de ce rassemblement que le commandant Aziz Korogo a dit : « ceux qui ont des éléments en ville, dites-leur de rentrer au camp, le bilan est alarmant, on dénombre de nombreux morts ». J’ai eu la chair de poule ». Et à l’adjudant-chef Dibloni Gbondiaté d’affirmer : « je suis un lobi et chez nous aucune mort n’est naturelle ». Après cette parenthèse, il poursuit : « Et c’est après que l’arrivée des chefs d’Etat envoyés par la CEDEAO a été annoncée et il faut assurer leur sécurité. Mais je ne sais pas quelle compagnie était de jour mais c’est le travail du GUI mais il y avait des absents. Le 18, j’ai fait le point et j’ai rassemblé 20 soldats pour le jalonnement et j’ai réparti les hommes sur l’itinéraire carrefour BF1-Aéroport en passant par rond-point de la Patte-d’oie ». L’adjudant dit que compte tenu des véhicules disponibles au parc, il ne pouvait pas embarquer tous les hommes. C’est alors qu’il m’a dit qu’il va embarquer le reliquat. L’adjudant poursuit : « c’est quand j’étais dans la mission aéroport que j’ai reçu un appel de ma femme qui m’a dit que depuis je ne suis pas venu voir comment ils sont installés dans la nouvelle maison. J’ai donc demandé la moto d’un ami et je suis allé m’enquérir des nouvelles de ma famille. Arrivé ma femme m’informe que la cour voisine est celle de Smockey. C’est alors qu’elle a proposé d’aller se réfugier chez le grand-frère qui est à Pissy. Après la mission aéroport, on a démonté pour repartir au camp. J’étais avec des jeunes qui étaient armés. En route nous avons rencontré des manifestants mais ils n’étaient pas hostiles. Nous n’avons pas été agressés parce que nous n’étions pas menaçants ». La relation des faits selon le sous-officier Dibloni ne s’écarte pas des déclarations contenues dans le PV, fait remarquer le parquet militaire. Et au parquet militaire de demander si parmi les 20 (vingt) éléments retenus pour le jalonnement il y a un seul élément sur le banc des accusés. « Non », répond l’adjudant-chef. Question du parquet militaire : « Qu’avez-vous à dire par rapport aux allégations, de Siriki Ouattara, Abdou Compaoré et Yahaya Guiré, qui font ressortir que vous étiez à la Place de la Nation et que vous commandiez des hommes ? » Réponse de l’adjudant-chef Dibloni Gbondiaté : «La raison est simple. A la MACA (Maison d’arrêt et de correction des Armées), on m’a rapporté que c’est parce que je les ai appelés qu’ils se sont retrouvés dans les problèmes et il n’y a pas de raisons que je sois en liberté ». Le parquet : « nos voisins ont arrêté les gars, qu’est-ce que cela veut dire ? » L’adjudant-chef Dibloni : « nos voisins, c’est le GUS et les gars, ce sont les autorités de la Transition ». Le parquet : « Pourquoi le GUS avait plus d’intérêt à agir que le GUI ? » L’adjudant-chef Dibloni : « ça me dépasse ». Le sous-officier poursuit : « ce qui est arrivé n’était pas étonnant et tout le monde savait qu’il y avait des troubles au sein du RSP ». Alors pourquoi, des éléments du GUI faisaient partie de ceux qui étaient à l’espace aéré de la BCEAO, interroge le procureur.
La parenté à plaisanterie s’invite au tribunal militaire
Et à l’adjudant d’affirmer « qu’ils sont rentrés dans les choses sans rien comprendre. Si je n’étais pas allé dans mon non-loti, si j’étais au camp aucun de ces jeunes du GUI n’allait faire partie de cette affaire. C’est une chose organisée par les éléments de la sécurité rapprochée et c’est à eux de gérer ». Prenant la parole, le conseil de l’adjudant-chef, Dibloni Gbondiaté, Me Isaac N’dorimana affirme que son client « n’a pas sa place devant ce tribunal militaire n’eurent été les accusations calomnieuses de Yahaya Guiré, Compaoré Abdou et Siriki Ouattara ». Et du moment où « les accusations d’un co-accusé n’ont aucune valeur », selon une jurisprudence, Me N’dorimana espère que son client sera acquitté parce qu’il n’y a pas d’éléments contre lui. Du reste, Me N’dorimana menace de poursuivre les trois co-accusés pour diffamation. Juste avant la suspension de l’audience, à 17h, le président du Tribunal demande à l’accusé de poser les questions qu’ils voulaient soumettre au parquet militaire. Voici les questions de l’adjudant-chef Dibloni Gbondiaté : « Est-ce que le parquet peut confirmer que les chefs d’Etat dépêchés par la CEDEAO sont venus au Burkina Faso ? Est-ce qu’ils sont venus pour consolider le coup d’Etat ? Ont-ils été sécurisés, côté burkinabè ? »
Après les questions de l’accusé, le juge a suspendu l’audience qui reprendra le lendemain.
Le lendemain samedi 28 juillet 2018, l’audience reprend. Et la parole est au parquet militaire pour répondre aux questions du prévenu. Mais le parquet n’a pas souhaité répondre au prévenu car estime-t-il, le prévenu veut inverser l’ordre des choses. Le parquet militaire va jusqu’à dire que le sous-officier veut piéger le parquet. Après cette parenthèse, une autre parenthèse s’ouvre par la question de Me Mamadou Sombié qui demande au prévenu de lui expliquer quel était le comportement de Yacouba Isaac Zida ? Au début de son intervention, il dit ceci « adjudant-chef Dibloni, vous êtes un lobi et je sais que vous êtes courageux et que vous dites la vérité, et moi en tant que votre chef (ndlr: parenté à plaisanterie entre Turka et Lobi) je vous demande de répondre à cette question ». A la fin de la question, le sous-officier dit au président du tribunal qu’il ne tient pas aller dans le même sens que Me Sombié parce que lui, « il est au sérieux ici. Et il n’a pas de commentaire à faire sur Zida ». Réponse qui ferme la parenthèse de la parenté à plaisanterie.
Dibloni, l’accusé qui pose des questions au parquet militaire
Après l’intervention de Me Mamadou Sombié, Me Alexandre Sandwidi prend le micro pour appuyer les propos du conseil de Me Isaac N’dorimana. Il demande que l’Etat burkinabè soit mis en cause et « encourage Me N’dorimana à citer l’Etat burkinabè comme civilement responsable parce que tout ce qui lui est arrivé entre dans le cadre du service et si les accusés sont retenus dans les liens de la culpabilité ce n’est pas sûr qu’ils aient les moyens pour indemniser les victimes ». Avant d’aller rejoindre le box des accusés, l’adjudant-chef Dibloni Gbondiaté déclare ceci : « Ces évènements ont causé du tort au peuple burkinabè surtout ceux qui étaient à Ouaga. Que le bon Dieu accorde aux morts le repos éternel et aux blessés leur santé d’antan. Je demande pardon au peuple burkinabè ». Dans la journée du samedi 28 juillet 2018, le sergent Salif Couldiaty, né en 1988, est aussi passé à la barre. On l’accuse de faits de « complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtres, coups et blessures volontaires ». « Je dénie les faits », dit le sergent Couldiaty, élément du GUI. « Le 16 septembre, j’ai été réveillé par le bruit des femmes de la cour. J’ai allumé la télévision et j’ai mis sur « France 24 », j’ai vu en bas qu’un commando du RSP a perturbé le Conseil des ministres ». Le sergent Couldiaty a dit être arrivé à son pied-à-terre, a porté sa tenue léopard et s’est rendu au piquet pour se renseigner. Et c’est là-bas qu’il apprend que le Président Kafando, le Premier ministre Zida ainsi que deux ministres de la Transition ont été arrêtés. Le sergent Couldiaty dit être resté au camp du 16 au 26 septembre, date à laquelle l’attaque du camp, par les forces loyalistes, était imminente. Mais les 17, 18 et 19 septembre il confie s’être rendu à la résidence pour causer avec son binôme dans son poste de garde. Et au procureur de s’étonner : « Pendant les évènements, il était impossible, il est dit qu’il était impossible à quelqu’un d’approcher la résidence mais lui, a pu s’y rendre pour causer avec son binôme Koné, lui aussi élément du GUI.
« L’armée est une famille, ce sont les gens qui tentent de nous diviser »
A propos des déclarations à la barre du sergent Couldiaty, le parquet militaire note qu’il y a trop de contradictions entre les déclarations de la première comparution, les déclarations au fond et celles à la barre. Pour ce qui est des faits de meurtres et de coups et blessures, le sergent Salif Couldiaty lance : « je dénie les faits. J’étais au camp. Je n’ai pas eu de contact avec quelqu’un donc je ne reconnais pas les faits ». Et au procureur de faire remarquer que Couldiaty a quitté le camp le 26 septembre. Il n’avait rien à y faire mais il est resté quand bien il a entendu que les forces loyalistes voulaient prendre les positions du RSP. Mais le sergent Salif Couldiaty affirme ceci : « aux premières heures, ils ont entendu que les forces loyalistes venaient pour aider le RSP mais c’est aux dernières nouvelles qu’on a appris que c’était pour attaquer le camp ». Le parquet a déduit que le sergent est resté pour servir de renfort, donc il est complice. A l’issue de l’intervention du parquet, l’avocat de l’accusé Me Pascal Ouédraogo crie à l’acharnement et qu’il faut un peu plus pour établir la culpabilité de son client. En réponse à une question posée par Me Farama, le sergent dit ceci : « Au sein de l’armée loyaliste, quand beaucoup ont su que c’était pour attaquer le RSP ils ont abandonné. L’armée est une famille, ce sont les gens qui tentent de nous diviser. Au fur et à mesure que l’armée loyaliste avançait certains éléments nous appelaient pour donner leur position ». En tout état de cause Me Farama estime que la présence de Couldiaty au camp est un élément constitutif de sa culpabilité. Mais Me Pascal Ouédraogo pense que son client n’a pas posé un acte matériel qui puisse établir sa complicité. Là-dessus, les avocats des parties civiles et les avocats de la défense se sont tiraillés jusqu’à la fin de l’interrogatoire du sergent Salif Couldiaty, qui d’ailleurs avant de quitter la barre a souhaité que la terre soit légère à tous ceux qui sont tombés lors de ces évènements et prompt rétablissement aux blessés. Le sergent Salif Couldiaty est le 28e accusé à être passé à la barre. Et il est le dernier accusé avant la suspension de deux semaines du procès à la demande des conseils. Le procès reprend le 16 août prochain.
Françoise DEMBELE et Lonsani SANOGO
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