HomeA la uneREFERENDUM CONTROVERSE EN TUNISIE : Que fera Robocop de sa nouvelle Constitution ?

REFERENDUM CONTROVERSE EN TUNISIE : Que fera Robocop de sa nouvelle Constitution ?


Le 25 juillet dernier, était jour de référendum constitutionnel en Tunisie. Selon les chiffres officiels, 27,5% des électeurs ont fait le déplacement des urnes pour s’acquitter de leur devoir citoyen en faveur du « Oui » donné largement gagnant. Des chiffres qui sont loin d’être surprenants quand on sait que l’opposition avait appelé ses militants au boycott du scrutin. Et pour cause. Elle juge la nouvelle Constitution taillée à la mesure du locataire du palais de Carthage, avec des pouvoirs au-delà du raisonnable. C’est dire si c’est un référendum controversé qui s’est tenu le lundi dernier au pays de Habib Bourguiba. Un référendum né surtout de la volonté du chef de l’Etat, Kaïs Saïed, d’apporter des changements qu’il estimait nécessaires à la loi fondamentale de son pays.  Mais c’est loin d’être un effet de hasard si la nouvelle Constitution lui donne des coudées plus que franches dans son action. Dès lors, l’on peut comprendre l’inquiétude d’une bonne partie de ses compatriotes qui craignent, avec un tel régime hyper-présidentiel, une dérive autoritaire avec la concentration de tous les pouvoirs entre les mains du chef de l’Etat. Ce dernier n’ayant plus de nécessité de requérir la confiance du Parlement, en aucun cas. 

 

Kaïs Saïed devrait avoir le triomphe plutôt modeste

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’adoption de cette nouvelle Constitution marquera immanquablement un tournant dans l’histoire de la Tunisie. Déjà, le taux de participation qui dépasse à peine les ¼ des électeurs, est suffisamment parlant. Si ce n’est le signe d’une certaine désaffection des Tunisiens pour la chose politique, ce pourrait être la traduction du peu d’intérêt voire  de l’absence d’adhésion de la majorité des Tunisiens, au projet de réforme controversé de l’ancien professeur de droit constitutionnel. Toujours est-il que si ce résultat devait être le fruit de l’activisme et de la mobilisation de ses partisans, Kaïs Saïed devrait avoir le triomphe plutôt modeste. Car, pour un tel texte fondamental qui pose les fondements de la République, il aurait été beaucoup plus convenable que le maximum de Tunisiens se prononçât sur la question. Toute chose qui aurait eu l’avantage, en plus de la légalité, de donner beaucoup plus de légitimité au chef de l’Etat dans son action. Mais dans le cas d’espèce, non seulement ce taux de participation consacre le triomphe de l’abstention, mais on a aussi l’impression que ce sont les partisans de Kaïs Saïed qui se sont mobilisés pour sa cause. Même si en lieu et place de la politique de la chaise vide qui a une fois de plus montré ses limites, l’opposition aurait pu battre campagne pour le « Non », par acquit de conscience pour éviter de laisser un boulevard à Kaïs Saïed. Cela est un mauvais signal. Surtout en l’absence d’un seuil de participation imposé par la loi électorale, pour valider le résultat du scrutin référendaire.

 

 

Une chose est de parvenir à faire voter une nouvelle loi, une autre est sa mise en application

 

 

Autant dire que si la majorité de ses compatriotes ne se reconnait pas dans la nouvelle Constitution, cela pourrait augurer de lendemains tumultueux pour la Tunisie. Déjà, l’on peut s’attendre à ce que l’opposition qui a le sentiment d’avoir gagné la bataille du boycott, s’organise pour continuer la lutte autrement. C’est dire si la gouvernance du président Kaïs Saïed ne sera pas un fleuve tranquille.  Bien parti qu’il est, pour connaître de la résistance de la part d’une opposition regroupée depuis lors au sein du Front du salut national (FSN) contre le projet de nouvelle Constitution et bien décidée aujourd’hui encore à ne pas se laisser conter fleurette. Dans ces conditions, que  fera Robocop de sa nouvelle Constitution ? Car, une chose est de parvenir à faire voter une nouvelle loi, une autre est sa mise en application. En tout état de cause, si l’objectif de Kaïs Saïed est de mettre les Tunisiens au pas, cela paraît un pari bien risqué, après l’expérience Ben Ali qui s’est terminée dans les conditions que l’on sait. Et on voit venir Kaïs Saïed qui, après son élection en 2019, à la tête de la Tunisie, a travaillé à s’octroyer les pleins pouvoirs, dissolvant au passage l’Assemblée nationale pour légiférer finalement par décrets. C’est dire si ce référendum constitutionnel qui vise à renforcer ses pouvoirs, n’est qu’une suite logique de sa conception du pouvoir d’Etat. Seulement, il a tendance à oublier que quelle que soit la situation, le peuple demeure toujours le maître souverain.

 

« Le Pays »

 


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