HomeLignes de mireREQUISITION DE CONDAMNATION DE KARIM WADE : Un procès qui doit dissuader

REQUISITION DE CONDAMNATION DE KARIM WADE : Un procès qui doit dissuader


Après sept mois d’audience, l’audition de plusieurs témoins et les plaidoiries des avocats de l’Etat sénégalais, qui se sont achevées mardi dernier, le parquet spécial de la Cour de répression de l’enrichissement illicite a requis contre Karim Wade, une peine d’emprisonnement de sept ans, 250 milliards de FCFA d’amende, la confiscation de ses biens ainsi que la privation de ses droits civiques.

Quant aux coaccusés, six ans d’emprisonnement ont été requis contre le principal, Bibo Bourgi, et dix ans contre quatre autres prévenus en fuite.

En attendant les plaidoiries de la défense, l’on peut d’ores et déjà dire que ce procès, quel que soit le verdict final,  a une valeur hautement pédagogique, en ce qu’il concerne l’utilisation et la gestion de deniers publics. En cela, il faut saluer la Justice sénégalaise qui a su mener, quoi qu’on dise, ce procès jusqu’au bout, car ce ne sont pas les difficultés qui manquaient. A commencer par la production des preuves qui ont vu le montant de la plainte se réduire, pour se limiter à une centaine de milliards de F CFA, au lieu des sept cent milliards initialement déclarés. Mais cela ne devrait rien enlever à la crédibilité de ce procès.   Sans oublier que les avocats de l’Etat n’étaient pas tous Sénégalais. Tout compte fait, ce qui intéresse le plus les citoyens, c’est de savoir si oui ou non le fils de l’ex-président sénégalais a trempé sa barbichette dans les deniers publics dont il avait la gestion, aidé en cela par la position privilégiée qui était la sienne, au sommet de l’Etat.

C’est en cela que ce procès est à caractère pédagogique, qui devrait servir à toute l’Afrique. Car, il est temps que les dignitaires de nos Etats fassent le distinguo entre les caisses de l’Etat et leurs poches, et qu’ils comprennent que l’argent public doit être utilisé au profit de la communauté et non détourné à des fins personnelles.

Ce procès doit être vu comme celui de l’impunité

Aussi  est-il  regrettable que Karim Wade ait choisi de se retrancher dans le silence, alors qu’il avait une occasion en or de laver son honneur. Du reste, dans cette affaire, s’il devait en vouloir à quelqu’un, ce serait d’abord à son père, qui n’a pas su le protéger en l’éloignant des arcanes du pouvoir et de la tentation du gain facile, en lui confiant à un si jeune âge de lourdes responsabilités qu’il a cumulées, sans aucune garantie qu’il y était suffisamment  préparé. Ensuite, Karim devrait s’en prendre à lui-même, car il était majeur, quoi qu’on dise.

La stratégie du silence qu’il a adoptée peut être contreproductive, parce qu’elle pourrait aussi être perçue comme la traduction de la faiblesse de son argumentaire, totalement à l’opposé de la thèse de la cabale politique qu’il a toujours soutenue. C’est pourquoi ce procès doit principalement être vu comme celui de l’impunité. Car, dans une certaine mentalité assez répandue en Afrique, l’argent public est vu comme une sorte de pierre à lécher sur laquelle bien des privilégiés appelés à servir, pensent qu’ils peuvent allègrement passer leur langue pendant que les plus gourmands y plantent carrément leurs dents, sans en être inquiétés. Il faut que cela cesse et il faut que ça change.

Karim Wade n’aurait pas été ex-ministre, et pas n’importe lequel, doublé de son statut de fils d’ancien président de la république, que ce procès n’aurait pas eu un tel retentissement. S’il ne tenait qu’à son père, il aurait aimé que de procès n’eût guère existé.

C’est pourquoi il faut saluer la tenue de ce procès, pour l’exemple, et espérer que cela marque le début d’une rupture avec une pratique qui a pignon sur rue sur le continent : l’impunité.  C’est le seul moyen de tendre vers une gouvernance plus vertueuse et  décourager bien des prédateurs de  républiques en Afrique, qui, souvent, reviennent narguer les pauvres populations dont ils ont pourtant pillé les maigres ressources.

Pendant ce temps, pour des peccadilles, d’autres citoyens sont envoyés au gnouf, pour des années, sans avoir quelquefois la possibilité, comme Karim Wade, de pouvoir se payer les services d’un avocat pour se défendre. D’où la nécessité,  autre enseignement que l’on peut tirer de ce procès,  de tendre vers une égalité des citoyens devant la loi, quel que soit le statut social. C’est à ce prix que l’on réussira, peu ou prou, à bâtir des sociétés sur la base de la justice sociale. Et le Sénégal donne là un bel exemple qui mérite d’être multiplié sur le continent.

Outélé KEITA


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