HomeA la uneROCH A L’EPREUVE DU POUVOIR : Attention à ne pas saper la cohésion de l’Exécutif

ROCH A L’EPREUVE DU POUVOIR : Attention à ne pas saper la cohésion de l’Exécutif


On se souvient, le jeudi 7 juillet dernier, le chef de l’Etat, Roch Marc Christian Kaboré, recevait une délégation du Chef de file de l’opposition. Celle-ci était venue évoquer avec lui, des sujets touchant à la vie de la Nation. Au nombre de ces sujets, l’on peut citer les cas d’Achille Tapsoba et de Zambendé Théodore Sawadogo, respectivement président par intérim et trésorier du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). En rappel, ces deux personnalités avaient été débarquées, à deux reprises, de l’oiseau de fer qui devait les conduire en Eburnie. Aucune raison officielle n’a été avancée pour justifier le traitement qui leur a été infligé. Interrogé sur la question, le premier flic du pays, Simon Compaoré, avait laissé entendre qu’en matière de sécurité, tout ne peut être dit. Ce qui laissait supposer que la mesure prise par le ministre était soutendue par des faits. Seulement, il se garde de les étaler sur la place publique. Quelques jours après cette sortie, le président rencontre l’opposition. A cette occasion, il se confond en excuses publiques, jurant, la main sur le cœur, que cela ne se reproduirait plus jamais. Certains médias qui ont relayé l’information ont parlé de « regrets ». Cela a suscité une guerre de sémantique. Et le service de communication de la Présidence a tranché : c’est bel et bien le mot « excuse » que le président a employé. Ainsi donc, le chef de l’Etat a présenté « ses excuses » à l’opposition. Traditionnellement, un président présente ses excuses au nom de l’Etat dont il est l’incarnation, à un homologue, en cas de préjudice porté contre le pays de ce dernier du fait de propos et/ou d’actes diplomatiquement déplacés. Mais dans la situation que nous évoquons, ce n’est pas le cas puisque le président s’adressait à un groupe de citoyens, fussent-ils de l’opposition. C’est dire que le mot n’était pas approprié à la situation. L’on peut donc dire que le chef de l’Etat a posé un acte pour le moins singulier, voire un impair. En plus de cela, il a désavoué publiquement son ministre, de surcroît son ministre d’Etat. Ce faisant, il le livre en pâture à l’opposition en particulier et à l’opinion publique en général. Dès lors, l’on peut se poser la question de savoir si Roch ne s’est pas tiré une balle dans le pied  en procédant de cette manière. Ce qui est sûr, c’est que l’autorité du ministre en charge de la Sécurité intérieure va en prendre un coup non seulement auprès de ses collaborateurs, mais aussi auprès des populations. Et par ricochet, c’est l’autorité du président lui-même qui pourrait être mise à rude épreuve. Et le président n’est pas à sa première indélicatesse. L’on se souvient, en effet, que lorsqu’il avait reçu les Koglwéogo, il semblait donner l’impression à ces derniers que lui et son ministre n’avaient pas la même lecture de leur problématique. Le résultat est que les gourous de ce groupe d’auto-défense sont sortis de cette entrevue avec la conviction que c’est la personne de Simon Compaoré qui leur fait obstruction et non l’Etat. Et ils le martèlent à qui veut les entendre, allant jusqu’à mettre le ministre d’Etat au défi de les empêcher d’exister. Cette assurance, ils la tiennent de qui ? La réponse va de soi. C’est du président himself.

 

Roch doit savoir, par moments, se taire

 

En agissant de cette manière, le président apporte de l’eau au moulin de tous ceux qui estiment que Simon Compaoré flotte dans ses habits de ministre d’Etat en charge à la fois de l’Administration territoriale, de la décentralisation et de la Sécurité intérieure. Avant l’exemple de Simon Compaoré, il y a eu le cas du Garde des Sceaux, René Bagoro. On se souvient que ce dernier avait eu maille à partir avec les magistrats à propos de leur revalorisation salariale, estimant qu’une satisfaction de leur plateforme revendicative pouvait avoir un effet boule de neige difficilement gérable par le gouvernement. Là aussi, Roch Marc Christian Kaboré a contourné son ministre pour recevoir les syndicats. La suite, on la connaît, les magistrats ont été très généreusement servis. Et comme l’on pouvait s’y attendre, cette manne présidentielle a servi d’élément déclencheur à une avalanche de revendications fusant de tous les côtés. Et comme le cas des magistrats peut servir de jurisprudence, les travailleurs sont désormais convaincus que la seule personne qui détient la clef de leurs préoccupations est le président et personne d’autre. Dans ces conditions, l’on peut se demander à quoi sert un ministre sous l’ère Kaboré si le président peut, dans son dos, régler tous les problèmes qui concernent son département. Il y a donc péril en la demeure et le président doit faire attention à ce que sa façon de communiquer et son inclination à contourner les ministres, qu’il a au demeurant choisis pour l’aider à traduire son programme politique en actes, ne sapent la cohésion de l’Exécutif. Roch Marc Christian Kaboré aurait pu bénéficier d’une excuse s’il était novice en politique. Ce qui est loin d’être le cas. En effet, pour avoir déjà occupé les grands postes de la République sous Blaise Compaoré et ce, pendant un quart de siècle, il doit savoir, par moments, se taire et éviter de marcher sur les platebandes de ses ministres au risque de les voir apparaître aux yeux de l’opinion publique comme des personnages falots et désincarnés. S’il n’est pas satisfait de leur rendement, il doit avoir le courage de le leur dire plutôt que de choisir, comme c’est le cas aujourd’hui, de les déshabiller publiquement, afin que tout le monde voie leur nudité. A défaut, il doit remonter les bretelles à ces ministres dans un cadre restreint et discret. Mais ceux qui connaissent bien l’homme avant qu’il n’accède au palais de Kosyam, pourront rétorquer que sa personnalité n’est pas étrangère à cela. En effet, il est connu pour sa bonhomie, « ses éclats de rire faciles », son caractère taquin et son goût immodéré pour la prise de parole. Ce n’est pas forcément mauvais en soi. Mais quand on occupe la fonction qui est la sienne aujourd’hui, l’on doit marquer une césure nette entre cet habitus et les manières de faire et de parler. Car, ça commence à faire désordre au sein de l’équipe gouvernementale. Et politiquement, c’est l’opposition qui peut se frotter les mains pour avoir contraint le président de la République à faire profil bas par des excuses publiques. Dans cette affaire, c’est elle qui empoche tout le gain politique.

 

Sidzabda


Comments
  • Se taire, pourquoi se taire ? C’est cette manque de proactivité pour a précipité la chute de Blaise Compaoré. Le président du Faso est au-dessus de la mêlée et il tranche en dernier ressort. Et c’est ce qu’il a fait. Et il doit le faire savoir. Désolé Monsieur, les choses ont changé.

    12 juillet 2016
  • D accord car c est le président qui tranche

    12 juillet 2016

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