SANCTIONS DE LA CEDEAO CONTRE GOITA ET COMPAGNIE
Les Maliens et les Maliennes en général et plus particulièrement Assimi Goïta et compagnie avaient les oreilles tendues du côté de la capitale ghanéenne, Accra, ce dimanche 9 janvier 2022. Et pour cause : il s’y tenait un double sommet UEMOA/CEDEAO consacré au Mali. De manière précise, les chefs d’Etat des pays membres de ces deux institutions sous-régionales, devraient prendre des sanctions fortes pour contraindre les militaires de Bamako à revoir de façon significative, la prolongation généreuse de la transition qu’ils se sont octroyée et à organiser in fine et le plus rapidement possible, un retour à une vie constitutionnelle normale. Sans surprise, l’UEMOA et la CEDEAO n’ont pas beaucoup pinaillé, peut-on dire, pour sévir contre Assimi Goïta et compagnie. Ces derniers, sentant inexorablement l’étau de ces deux structures se resserrer autour d’eux, s’étaient empressés, à la veille de la tenue du double sommet, de formuler une contre-proposition d’une transition de 4 ans.
L’institution sous-régionale a tout fait pour amener la junte à de meilleurs sentiments
Un niet musclé et unanime leur a été opposé par l’UEMOA puisque les têtes couronnées de la sous-région n’ont pas fait dans la dentelle. Elles ont, en effet, décidé de geler les avoirs des Maliens au sein de la BCEAO, de fermer les frontières entre le Mali et les Etats membres de l’organisation. Et ce n’est pas tout. Les transactions avec Bamako à l’exception des produits médicaux et de première nécessité, sont suspendues. Et le moins que l’on puisse dire à propos de ces sanctions contre Goïta et compagnie, en langue bambara, est ceci : Oka Gnini, Oka Sôrô. Cette expression signifie en français facile et littéral que Goïta et compagnie ont cherché et ont trouvé. En effet, la CEDEAO a initialement eu une attitude si bienveillante à l’égard des putschistes de Bamako, depuis qu’ils ont déposé Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) en 2020, qu’elle leur a concédé une transition de 18 mois. Mieux, pendant ce 1er coup d’Etat, la junte avait réussi l’exploit de trouver au sein de la CEDEAO, des avocats qui plaidaient sa cause. Les relations entre les militaires de Bamako et la CEDEAO ont commencé à se dégrader véritablement, quand les premiers ont opéré le deuxième putsch en se débarrassant par la force, du président Bah N’Daw et de son Premier ministre, Moctar Ouane. La ligne rouge que la junte a franchie a consisté à organiser de pseudo-assises nationales qui ont abouti, entre autres, à prolonger la Transition de 6 mois à 5 ans. Dès lors, Assimi Goïta et compagnie ont réuni tous les ingrédients, peut-on dire, pour se mettre à dos l’ensemble des chefs d’Etat de la CEDEAO. De ce point de vue, tout ce qui leur arrive est bien mérité. En tout et pour tout, la CEDEAO aura tenu 8 sommets extraordinaires sur le Mali. C’est la preuve, entre autres, que l’institution sous-régionale a tout fait pour amener la junte à de meilleurs sentiments, en vain. Par moments, elle a même donné l’impression de s’asseoir sur ses grands principes face aux putschistes de Bamako.
Presque toutes les transitions militaires en Afrique, ont consisté à balayer la maison pour y installer des hommes forts
Mais comme le dit Ahmadou Kourouma, « à renifler avec discrétion le pet de l’effronté, il vous juge sans nez ». Ce proverbe illustre bien le comportement des putschistes de Bamako devant les actes de bienveillance de la CEDEAO à leur égard. Le capitaine putschiste malien, Amadou Sanogo, on se rappelle, n’avait pas bénéficié d’une telle bienveillance. Le moins donc que l’on puisse dire, c’est que les militaires de Bamako doivent d’abord et avant tout, s’en prendre à eux-mêmes, pour avoir mené la CEDEAO en bateau juste pour asseoir leur boulimie du pouvoir. En tout cas, le manteau commode du peuple derrière lequel ils se cachaient pour masquer leur intention de confisquer le pouvoir, est tombé le week-end dernier. En effet, ce jour-là, ils étaient une foultitude, les Maliens et les Maliennes qui ont battu le macadam à Bamako pour crier tout le mal qu’ils pensent des militaires qui, par la ruse et la force, sont en train d’arrimer le Mali aux méthodes arbitraires et dictatoriales qui avaient marqué le règne de Moussa Traoré. Et l’occasion est bonne pour nuancer la thèse selon laquelle la restauration de la démocratie sous nos tropiques, passe par des transitions aux couleurs kaki.
En effet, en dehors du général Salou Djibo qui s’est prêté au jeu avec succès au Niger, presque toutes les transitions militaires en Afrique, ont consisté à balayer la maison pour y installer des hommes forts. C’est ce scénario qui est en train d’être déroulé par Assimi Goïta et compagnie. Et si la CEDEAO avait manqué de vigilance, il aurait été déroulé jusqu’à son terme. Et pour sûr, le cas malien ferait des émules. C’est pourquoi il faut saluer l’UEMOA et la CEDEAO, d’avoir opposé un niet univoque aux militaires de Bamako. Cette attitude est de nature à dissuader les putschistes potentiels de la sous-région, qui pensent comme Mao, que le pouvoir est au bout du fusil.
« Le Pays »