HomeA la uneSITUATION SOCIOPOLITIQUE EN RD CONGO : Kabila joue et gagne

SITUATION SOCIOPOLITIQUE EN RD CONGO : Kabila joue et gagne


L’explosion tant redoutée de la poudrière congolaise, née du rêve de règne à vie du président Joseph Kabila, est en phase de passer du simple risque à une menace réelle avec  le rappel de ses troupes lancé par l’opposition pour des manifestations à partir du 31 juillet prochain, et ce jusqu’à l’abdication du sphinx de Kinshasa. Et on le sait, Kabila ne fera pas dans la dentelle pour réprimer lesdites manifestations, dans le sang, s’il le faut. C’est donc peu de dire que l’atmosphère déjà sulfureuse en RD Congo, risque d’aller, dans les prochains jours, de Charybde en Scylla, une situation qui inquiète plus d’un, dans une région où les éruptions de l’histoire ont été de tout temps très meurtrières. En témoigne la sortie du patron de l’ONU, Ban Ki-Moon, qui, très inquiet de la situation, « appelle au strict respect  des libertés et droits fondamentaux consacrés par la Constitution » et exhorte toutes les parties à faire preuve de retenue et à exprimer leurs opinions pacifiquement. De son côté, le groupe de soutien à la facilitation d’Edem Kodjo, composé des Nations unies, de l’Union africaine, de l’Organisation Internationale de la Francophonie, de l’Union européenne et des deux organisations sous- régionales, le CIGRL  et la SADC, appelle à un dialogue inclusif d’ici fin juillet. Même s’il ne s’inscrit plus dans la logique du dialogue convoqué par Kabila et qui fait de lui un élément de la solution à la crise, le groupe réuni à Addis-Abéba au siège de l’UA, estime néanmoins que l’occupant du palais de marbre de Kinshasa est un élément du problème et qu’il faut discuter avec lui.

En appelant au dialogue entre les parties, la communauté internationale joue le jeu de Kabila

Il appelle, de ce fait, les différentes parties à « placer les intérêts de leur pays au-dessus des leurs en s’engageant de manière constructive, dans un dialogue politique visant à résoudre pacifiquement leurs divergences ». Si l’on ne peut manquer de saluer ces appels de la communauté internationale, qui constituent des signaux d’alarme préventifs, il est à craindre qu’ils ne soient de nul effet dans ce bras de fer engagé sur les rives du Congo entre le président Kabila qui tient à son rêve et son opposition décidée à le transformer en chimère.  Même voués à tomber dans l’oreille d’un sourd,  ces appels répétitifs maintiennent la communauté internationale  dans son rôle, même si on peut légitimement douter de sa bonne foi. D’abord, parce que ses sorties se suivent et se ressemblent.  Non assorties véritablement de mesures coercitives, elles n’ont aucun effet dissuasif pour le tripatouilleur constitutionnel congolais.  Elles n’ont finalement que la tonalité d’un aveu d’impuissance. Ensuite, parce qu’en appelant au dialogue entre les parties, elle joue le jeu de Kabila et prend fait et cause pour lui. Le dialogue n’est pas une disposition de la Constitution congolaise qui règlemente clairement la succession à la tête de l’Etat et ne saurait donc se substituer à la volonté et au désir d’alternance du  constituant qui est le peuple congolais. En embrayant donc sur cette solution du dialogue, la communauté internationale encourage le déplacement du débat vers une zone de non-droit ; ce qui constitue une option favorable au plus fort. Du reste, c’est la stratégie mise sur pied par Kabila et qui se traduit par le glissement du calendrier électoral. Et l’opposition congolaise, en résistant à tous les chants de sirène, semble l’avoir bien compris.

La mobilisation de l’opposition risque de n’être qu’une simple roupie de sansonnet

En allant à ce dialogue, elle risque d’être le dindon de la farce. Mais en refusant d’aller à la table du dialogue, trouve-t-elle pour autant la sortie du dédale ? Rien n’est moins sûr, car son appel à la mobilisation pour le 31 juillet, coïncide avec la date du début de l’enrôlement annoncé par Kabila. D’abord, parce que la manifestation risque de perturber le processus de l’enrôlement. Même si les militants de l’UDPS, de la Dynamique de l’opposition, du G7, de l’Alternance pour la République et leurs alliés de la société civile, viennent à manifester pacifiquement, le pouvoir ne manquera pas d’infiltrer le mouvement pour se donner les raisons de le réprimer et surtout des prétextes supplémentaires pour justifier le glissement du calendrier électoral qu’il s’est fixé comme objectif. Ensuite, parce qu’on ne peut parier sur une victoire dans la rue face à un régime aux crocs déjà bien visibles, qui tient en laisse les démocraties occidentales obnubilées par les immenses richesses du pays. Tant que demeureront ouvertes les voies d’accès à l’eldorado minier congolais, la démocratie des Bantous restera pour ces puissances occidentales le dernier de leurs soucis. Elles se donneront juste bonne conscience par des sorties sporadiques sans effets réels comme on en a vu de par le passé. La preuve de cette ambiguïté, pour ne pas dire hypocrisie, se trouve à l’Est du pays où elles continuent malgré tout de délier les cordons de la bourse pour mater la rébellion, écartant du même coup l’hypothèse de la fin du régime de Kabila par la prise du pouvoir par un groupe armé. Sans jouer les Cassandre, la mobilisation de l’opposition risque de n’être qu’une simple roupie de sansonnet, à moins de parier sur un scénario à la burkinabè.  Et là encore, il faut croire dans ce contexte congolais,  à la théorie défunte de la génération spontanée. Mais, l’opposition pouvait-elle aussi se taire et se laisser amener à l’abattoir comme un mouton de Tabaski ? Ne pas manifester en effet reviendrait à apporter sa caution au processus enclenché  par Kabila. Elle se retrouverait dans la situation inconfortable de la victime qui, à défaut de pouvoir arraisonner son voleur, l’aide à transporter son butin dans l’espoir de pouvoir bénéficier de sa mansuétude. A dire vrai, l’opposition congolaise est tombée dans la nasse de Kabila qui reste le seul maître à bord du navire. Il a su faire du temps un allié qui le lui rend bien. C’est désormais lui qui dicte l’agenda et il est désormais si près du but qu’il ne peut plus renoncer. Place donc à la suite du feuilleton. Après « Mobutu, roi du Zaïre », voici « Kabila, roi du Congo ».

 

« Le Pays »


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