HomeA la uneSOMMET DE LA CEDEAO A DAKAR : Beaucoup de rencontres, peu de résultats  

SOMMET DE LA CEDEAO A DAKAR : Beaucoup de rencontres, peu de résultats  


Le 49e sommet ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), s’ouvre demain à Dakar ce 04 juin 2016. Au menu des échanges entre les têtes couronnées de l’Afrique de l’Ouest, de nombreux plats de résistance dont la lutte contre le terrorisme et les remous préélectoraux en Gambie. C’est dire combien l’actualité politique est très chargée et relègue quelque peu au second plan les questions économiques dans la zone ouest-africaine. Au plan sécuritaire, les nombreuses attaques terroristes qui secouent ses pays membres prouvent, si besoin en était encore, que l’Organisation communautaire a du pain sur la planche. En effet, et pour ne citer que cela, le Nord-Mali est régulièrement la cible d’attaques terroristes. Les localités du Burkina, frontalières avec le Mali, sont également dans l’œil du cyclone, en attestent les récentes attaques meurtrières du commissariat de Intangom dans le Sahel burkinabè. Quant à la situation sécuritaire au Nigeria, elle incite quelque peu à l’optimisme. En effet, en dépit du fait qu’il y a encore des attaques sporadiques, la menace terroriste a été considérablement réduite. La coopération entre pays africains, notamment entre le Nigeria, le Tchad et le Cameroun, a permis de porter un coup dur à la secte islamiste Boko Haram. Alors que, de par le passé, ce mouvement avait bon dos et narguait sans cesse le gouvernement nigérian, le vent a changé désormais de direction.

Ce qui se passe au Nigeria suscite une fierté africaine

Sekhau rase de plus en plus les murs. Bien de ses combattants sont tombés ou ont dû prendre la poudre d’escampette face aux armées tchadienne, camerounaise et dans une certaine mesure, nigériane. Les localités que Boko Haram avait conquises et où le Chacal se faisait un malin plaisir à parader, lui ont été arrachées. Conséquence, la secte n’a pu que replonger dans les attaques ciblées et isolées. Cette guerre asymétrique, comme on le sait, est plus difficile à mener pour les armées classiques. Mais c’est déjà une grande avancée d’avoir ainsi réduit la capacité de nuisance de cette nébuleuse qui menaçait sérieusement de gangréner toute l’Afrique de l’Ouest, en raison de sa forte capacité de frappe, de son allégeance à Daesh et de ses connections plus que plausibles avec des groupes du Nord-Mali. Ce qui se passe au Nigeria suscite donc une fierté africaine et cette collaboration doit être maintenue, voire étendue. Il est vrai que la situation au Nord-Mali est différente en ce sens que contrairement au cas du Nigeria, c’est une kyrielle de mouvements terroristes qui écument le septentrion malien. La multiplicité de ces mouvements renforce la complexité du problème. Mais, les Africains ne doivent pas se réfugier derrière cette difficulté pour se débiner face à leurs responsabilités. Ainsi donc, la CEDEAO se doit de peser de tout son poids pour que le mandat de l’Organisation des Nations unies, comme le souhaite d’ailleurs Ban Ki-Moon, soit davantage musclé. Les troupes africaines doivent être en première ligne comme c’est le cas au Nigeria. Cela est important quand on sait qu’on ne peut pas compter indéfiniment sur les Occidentaux pour la sécurisation des pays du continent en général et de l’Afrique de l’Ouest en particulier. Une telle posture ne serait ni élégante, ni responsable. Barkhane et les autres opérations du genre, ne sauraient remplacer les troupes africaines dans la sécurisation du continent.

Sall et ses hôtes seraient bien inspirés de donner un coup de main à la société civile et à l’opposition gambiennes martyrisées

De toute façon, les Occidentaux ne sont pas là pour les beaux yeux des Africains. Ils défendent d’abord et avant tout leurs propres intérêts et les informations qu’ils acceptent de partager avec nos pays, peuvent être biaisées. C’est pour cela qu’il faut que les Africains soient plus présents sur le terrain. Bien entendu, cela n’exclut pas une coopération au sens noble du terme, entre Africains et Occidentaux. Une coopération qui permettra à chaque partie d’apporter sa contribution et de tirer profit de l’apport de chacun. En tout état de cause, le président sénégalais, Macky Sall, et ses hôtes, devraient travailler à faire en sorte que ce sommet de la CEDEAO sur la sécurité, n’en soit pas un de plus. Car, il y a eu beaucoup de sommets et très peu de résultats jusqu’à présent.  Les sommets doivent déboucher sur des actions concrètes et effectives. Sinon, ce ne serait que gaspillage de ressources, perte de temps et d’énergie. Les instruments juridiques pertinents de la CEDEAO ne demandent qu’à être mis en œuvre de façon effective, pour que la situation sécuritaire et le climat politique s’améliorent dans l’espace. Tant que les chefs d’Etat de la CEDEAO vont se réunir juste pour la forme, on sera loin du bout du tunnel. Ce d’autant plus que les terroristes, eux, ne perdent pas leur temps dans des rencontres sans suite. Du reste, l’insécurité dont il est question en Afrique de l’Ouest, n’est pas le seul fait des terroristes classiques. Les hommes politiques, notamment les présidents qui s’illustrent par la dictature, sont également de puissants vecteurs de crises et d’insécurité. C’est en cela que ce 49e sommet devrait avoir le courage de remonter les bretelles à certains présidents comme Yahya Jammeh dont le régime est des plus détestables. Sall a d’ailleurs été chahuté par le dictateur gambien et ses hôtes seraient bien inspirés de donner un coup de main à la société civile et à l’opposition gambiennes martyrisées, qui donnent d’ailleurs de la voix à Dakar. Les chefs d’Etat et de gouvernement ne doivent pas continuer à être, par leur silence, complices de cette dictature. Certes, des critiques de ses pairs sur sa gouvernance, pourraient irriter davantage le maître de Banjul qui ne manquerait pas de se défouler sur sa population, mais aussi et surtout sur les membres de l’opposition et de la société civile. Mais, une pression sur le satrape de Banjul s’avère nécessaire. Ce n’est pas responsable de la part de la CEDEAO de laisser le président gambien en faire à sa tête.

Hélas, on sait, par expérience, qu’il est difficile d’espérer une position ferme de la CEDEAO contre les présidents en exercice, considérés comme dictateurs, tel Yahya Jammeh. Cela, parce que les chefs d’Etat de l’Afrique de l’Ouest se rejoignent à quelques exceptions près sur une chose : leur gouvernance erratique. Certains voient en la personne du satrape de Banjul le reflet de leur propre image. La seule véritable solution réside donc dans le réveil et l’action du peuple gambien lui-même. Comme dans d’autres pays du continent, il importe que les Gambiens aient à cœur de se libérer de cette dictature et qu’ils acceptent l’indispensable sacrifice qu’un tel combat comporte pour tout peuple. Ce n’est qu’à ce prix que des organisations comme la CEDEAO seront contraintes de s’aligner sur la position du peuple gambien.

« Le Pays »


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