HomeA la uneSOUDAN: Lettre ouverte au général Abdel Fatah al-Burhan

SOUDAN: Lettre ouverte au général Abdel Fatah al-Burhan


Mon Général,

Le 11 avril 2019, les Soudanais, en obtenant le départ du président Omar Hassan el-Béchir en suant sang et eau, avaient un rêve : celui de vivre dans un régime démocratique respectueux des droits de l’homme, celui d’avoir un pouvoir dans lequel les militaires sont au service de la République et des citoyens, celui d’avoir des autorités qui mettent fin aux violations flagrantes des droits humains dont le peuple soudanais a souffert durant 30 ans, et celui d’avoir un régime capable de subvenir aux besoins existentiels des Soudanais et Soudanaises. En choisissant, le 10 avril 2019, d’empêcher la horde de sanguinaires de Béchir de continuer la répression des manifestants aux mains nues, l’armée dont vous étiez l’un des grands chefs, semblait avoir donné l’impression qu’elle partageait le rêve des Soudanais, vos concitoyens, vos concitoyennes, vos enfants et vos petits-enfants. Mais tout n’était manifestement que mirage !

 

En effet, mon général, et actuel président du Conseil de souveraineté de transition de la République du Soudan, vous étiez en réalité un loup. En empêchant l’ex-ministre de la Défense, Aouad Mohamed Ahmed Ibn Aouf, d’assurer l’intérim du pouvoir laissé vaquant par Omar el-Béchir pour les raisons que l’on sait, les révolutionnaires soudanais avaient nourri l’espoir que vous vous comporteriez autrement. Cela vous aurait valu le pardon et la clémence du peuple soudanais.

D’octobre 2021 à aujourd’hui, vous et vos hommes avez laissé sur le carreau de la terre bénie du Soudan et de vos ancêtres, plus de 80 cadavres de vos compatriotes, vos concitoyens, vos enfants, vos petits-enfants. Certainement, ce chiffre est en deçà de la réalité. Pour casser du Soudanais aux mains nues, vous employez tous les moyens dont des armes de guerre. Vous poussez l’outrecuidance jusqu’à interdire aux agents de santé de soigner vos compatriotes blessés par les balles assassines et les méthodes brutales de vos hommes. Vous demandez aux agents de santé au service de la République et du peuple soudanais de renier leur serment d’Hippocrate. Et ce n’est pas tout puisque vous et vos hommes embastillez les journalistes.

Monsieur le président du Conseil de souveraineté de la transition de la République du Soudan, en vous rasant la barbe le matin, prenez-vous la peine de laisser défiler dans votre tête les mots et le vrai sens du Nahnu Djundulla Djundulwatan (« Nous sommes soldats de Dieu, soldats de la patrie »), l’hymne national du Soudan ? « Nous sommes les soldats de Dieu, les soldats de notre patrie,  nous ne manquons jamais lorsque nous sommes appelés au sacrifice ». Connaissez-vous le sens profond de ce refrain ? Vos actes donnent une idée sur votre réponse à la question !

Mon Général, voilà donc vos œuvres, les œuvres d’un homme de 62 ans dont le rêve  se devait de laisser à son peuple,  l’image d’un patriote qui a su mener une vie utile à sa patrie, tel Gamal Abdel Nasser, Thomas Sankara, Jerry Rwalings, Habib Bourguiba,… ! Mais vous connaissez votre place. Vous devez vous asseoir à la même table que Mengistu Haile Mariam, Yakubu Gowon, Idi Amin Dada, Sani Abacha, Ahmed Sékou Touré, Charles Taylor, Hissène Habré, Macias Nguema,  Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga, et bien entendu votre mentor Omar Hassan el-Béchir poursuivi pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Vous ne le savez peut-être pas, mais vous êtes en train de faire «  aussi bien » sinon pire que ces gens-là.

Mon général, ne vous méprenez pas, c’est juste un conseil. Du moins, vous    pouvez le prendre sous l’angle que vous voulez! L’histoire des hommes renseigne sur le sort réservé à des dirigeants de votre race. Vous pouvez, à coups de fusils et de matraques, vous imposer à vos compatriotes. Vos hommes peuvent faire couler encore,  de Omdourman à Khartoum et de Nyala à Kassala, le sang de vos compatriotes. Ils ont beau vider les eaux du Nil et ce, sous le regard complice et insouciant de la communauté internationale, pour les remplacer par le sang de Soudanais, jamais, ils ne triompheront des 42,8 millions de Soudanais. Si les peuples sont éternels, le peuple soudanais l’est davantage. S’il n’a pas la possibilité de vous vaincre, la justice immanente se chargera de vous faire entendre raison.

                                                                           Michel NANA

 

 


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