HomeA la uneTAIROU BANGRE, MINISTRE DES SPORTS ET DES LOISIRS, A PROPOS DE LA PRESIDENCE DE LA CAF : « Je souhaite que dans les années à venir, on puisse limiter le nombre de mandats »

TAIROU BANGRE, MINISTRE DES SPORTS ET DES LOISIRS, A PROPOS DE LA PRESIDENCE DE LA CAF : « Je souhaite que dans les années à venir, on puisse limiter le nombre de mandats »


Le ministre des Sports et des loisirs, Taïrou Bangré, nous a reçu le vendredi  17 mars dernier à son  cabinet, dans le cadre d’une interview. Un entretien au cours duquel  plusieurs sujets ont été abordés. Ce sont, entre autres, le bilan de la CAN 2017, les rapports entre le  ministère et la Fédération burkinabè de football (FBF) ainsi que les autres fédérations sportives de façon générale, les perspectives pour le sport burkinabè. Lisez plutôt !

Les Pays : Votre reconduction  à l’issue du dernier remaniement  ministériel  est-elle due à la bonne prestation des Etalons à la CAN ?

Taïrou Bangré : (Rires). Je pense que ce sont les plus hautes autorités qui devraient répondre à cette question. Personnellement, je ne  pense pas que ce soit forcement lié  à la réussite des Etalons à la CAN. C’est tout un ensemble. Il n’y a pas que les Etalons et le football, il y a  d’autres sports. Par exemple, le Tour du Faso en cyclisme. Ce sont des résultats qui ont été obtenus à la suite d’un travail. Il y a eu la formation et beaucoup d’autres choses qui ont été faites au niveau du ministère. Il y a eu également  une certaine conduite à tenir et des perspectives à mettre en place. C’est vrai que la victoire des Etalons a apporté beaucoup de joie et de gaieté, mais  je retiens que c’est tout un travail collectif. Ce que je sais par contre, c’est qu’on me demande des résultats et cette troisième place  obtenue  à la CAN, fait partie  de mes résultats. Cela a été possible grâce à un environnement propice  qu’on a su créer autour des joueurs. Il fallait être avec eux pour les galvaniser. Avant chaque  match, je partais leur rendre visite et  les rassurer que toute la population était derrière eux, qu’ils ont le soutien du président de la République  et  du gouvernement. C’est tout cela qui a participé à la réussite des Etalons.

Quels sont les rapports entre le ministère des Sports et des loisirs  et les autres fédérations sportives ?

Ce sont les mêmes rapports que j’ai avec toutes les fédérations. Ce sont des rapports de franchise. Je dois  même les recevoir  (les présidents de fédérations) à partir de  la  semaine prochaine  pour décliner la vision que j’attends d’eux. Certains  parmi eux viennent d’être reconduits à la tête de leur fédération. Les bureaux ont été renouvelés. Donc, je dois les recevoir pour parler de la vision du gouvernement et du programme présidentiel en matière de développement du sport dans notre pays. Je pense que c’est le plus important. A part cela, je pense qu’il n’y a pas de problèmes particuliers entre nous. Le ministère fait son devoir d’accompagnement de ces fédérations. On a réussi à le faire l’année dernière, avec beaucoup de difficultés. Mais cette année, nous allons tout faire pour améliorer la situation.  Nous sommes dans une démarche de construction des infrastructures. Et c’est ce qui va nous rendre beaucoup plus crédibles. Nous allons surtout axer  notre programme sur la formation des hommes. Et nous  voulons  partager cette vision avec toutes  les  fédérations sportives.

Qu’en est-il de la subvention allouée aux clubs de football ?

A ce sujet, il y a un arbitrage qui est fait au niveau du football. Je pense qu’ils ont leur subvention. A moins que vous ne parliez d’autre chose, sinon, en ce qui concerne la subvention, nous accordons des subventions à toutes les fédérations. Donc, je pense que la question est mal posée.  Peut-être  que vous parlez de la bourse que nous avons transformée  en subvention. Si c’est le cas, je vais vous dire que  cela a été fait suite à un constat. Les équipes de football sont particulières. Actuellement, un élève ne peut pas jouer en première division. Cela était possible à notre époque, mais maintenant, on ne peut plus le faire. J’ai eu l’occasion  d’aller rendre visite  à  des équipes  et j’ai constaté que ce sont des professionnels qui  évoluent dans ces clubs.  C’est-à-dire qu’ils ne vivent que de ça.  Vous  êtes sans ignorer que l’environnement économique au Burkina Faso est très difficile. Souvent, les équipes n’ont pas les moyens. Et quand vous allez à la rencontre de ces clubs, vous remarquez qu’ils ont plus d’une trentaine de jeunes à leur charge. Et c’est pareil partout. La bourse de 2 millions de F CFA  qui leur était accordée a été reconduite, mais avec certaines conditions. Parmi ces conditions, il y a la question de la relève. Il est désormais recommandé  à toutes les équipes de première division, d’avoir des petites catégories. C’est-à-dire les minimes et les cadets. On a aussi demandé  à ce qu’il y ait des anciens sportifs pour encadrer ces petites catégories moyennant   une certaine somme. Cela va leur donner l’occasion de s’occuper, car l’après-football est très difficile. Cet argent va également servir à financer les petites catégories. Ainsi, la relève sera assurée. On  n’aura plus besoin d’aller chercher des talents sous d’autres cieux puisqu’il y aura de la matière chez nous. C’est vrai que les gens diront que c’est injuste, mais sachez que les situations ne sont pas pareilles. Si vous prenez, par exemple, le basket, vous remarquerez que ce sont des élèves qui pratiquent pour la plupart cette discipline. Alors que ceux qui  ont choisi le football ne vivent que de ça.  Mais toujours est-il que nous allons déterminer un montant pour accompagner les autres fédérations. Mais il faudrait que les autres prennent exemple sur la Fédération burkinabè de football (FBF)  qui est l’une des  institutions  les  mieux organisées  de la place. Vous constatez comme moi que tous les week-ends, on joue au football. Parfois  même, les mardis et mercredis. Alors qu’ailleurs, certaines fédérations n’ont même pas encore commencé  leur championnat. C’est cela la différence.

« Ce n’est pas donné  à tout le monde d’être président d’une fédération »

 A ce propos, il y a des disciplines  qui n’ont pas encore commencé   leur championnat. Je veux  citer comme exemple le basket-ball. Comment expliquez-vous cela ?

C’est une question d’organisation. On a eu à discuter avec le président de la Fédération burkinabè de basket ball (FBBB), Joachim Baky. Ses athlètes sont présentement en déplacement  au Bénin et en Côte d’Ivoire où ils doivent participer à l’Afro-basket. Les filles et les garçons, cela s’entend. J’ai ironisé  en disant au président qu’ils n’ont pas encore commencé  le championnat mais voilà qu’ils ont eu le temps de mettre assez rapidement une équipe nationale en place. Il m’a rétorqué qu’ils étaient en en train de mettre leur organisation en place. J’ose croire qu’ils vont commencer très  bientôt leur championnat. J’ai aussi remarqué  qu’il y a des fédérations qui n’attendent que l’accompagnement du ministère pour démarrer leur saison. C’est cela aussi la difficulté. La logique aurait été de  commencer  sans rien attendre du ministère qui ne fait qu’appuyer les fédérations. Et d’ailleurs, cette subvention dont on parle, ne devrait même pas suffire pour boucler la  saison. Ce n’est qu’un accompagnement. Maintenant, si certains veulent compter sur ça pour fonctionner, ce serait   dommage.  Dans certains pays, les subventions viennent après. C’est-à-dire que vous faites l’activité et ensuite, vous accumulez les reçus afin qu’on vous reverse l’argent.  Il faut que chacun, à son niveau au Burkina Faso, prenne ses responsabilités. Parce que ce n’est pas donné  à tout le monde d’être président d’une fédération. Il faut avoir les reins solides.  Il  faut avoir les moyens, des relations et un bon carnet d’adresses.  Cela dit, je suis satisfait  de certaines fédérations. C’est le cas du judo qui n’a pas eu besoin de l’aide du ministère pour démarrer sa saison à Bobo. Ils ne sont même pas venus nous voir. Ils nous ont simplement informé qu’ils commençaient. Présentement,  il y a une tension au niveau du ministère parce que nous ne sommes pas encore entré en possession de notre budget. Mais j’ai   espoir que dans  les prochains  jours,  tout va rentrer dans l’ordre.  Je dirai, pour me résumer, qu’il faut que les dirigeants des fédérations considèrent ces subventions comme un simple  soutien.

Monsieur le ministre, depuis un moment, l’USSU-BF est plongée dans une certaine  léthargie. Qu’est-ce qui est fait pour donner de l’élan  à la compétition ?

C’est un dossier qui est très complexe  parce  que le MENA veut prendre la paternité de l’USSUBF en prétextant   que c’est leur prérogative. Nous leur avons fait comprendre que tout ce qui rentre dans le cadre des  compétitions, relève du ministère des Sports. Et  les choses ont toujours été ainsi et  cela  fonctionnait bien. Il y a eu des difficultés,  mais  je pense que ce sont  des querelles d’hommes. Comme ils ont des professeurs, des maîtres d’EPS en leur sein, ils se disent que cala devrait leur revenir. J’ai estimé   qu’il ne fallait pas se tirailler pour cela.    C’est pourquoi j’ai décidé d’abandonner. On va les laisser faire et les accompagner si possible parce ma priorité, ce sont les enfants. Il faut que les enfants puissent faire leur sport. S’ils veulent en faire leur chose, on les laisse  faire et on les accompagne, c’est tout.  C’est le même pays. Finalement, je me rends compte qu’ils ont des difficultés. Alors que nous sommes allés plusieurs fois à leur rencontre, pour  voir dans quelle mesure on pouvait relancer l’USSU-BF. Mais rien  n’est encore tard. Nous avons été saisis  en Conseil des ministres par rapport à cette situation. Je me suis expliqué sur la question. Nous avons sollicité l’arbitrage du Premier ministre pour  régler définitivement ce problème parce que ce qui est en jeu comme je l’ai dit, c’est l’intérêt des enfants.

L’Ambassadeur de l’Algérie a réagi par rapport  au refus d’octroi  de visas à des journalistes burkinabè  qui devraient se rendre en Algérie pour  le match RCK/USMA  au motif qu’ils ne s’y sont pas pris à temps. Est-ce que l’argument vous a convaincu (ndlr : l’interview a été réalisée avant le match retour qui a eu lieu le 18 mars au stade du 4 Août) ?

Ce n’est pas que l’argument de l’ambassadeur va vous convaincre ou pas. Chaque pays est souverain. Je pense que c’est une première quand même qui arrive à nos journalistes. C’est aussi  vrai qu’on a eu à  déplorer cette situation. Mais  je  pense  qu’il ne faut pas  chercher à incriminer qui que ce soit. Parce qu’au-delà de tout ce qui a pu  arriver, ce qui importe, ce sont les relations à privilégier entre les deux  Etats. Moi, c’est surtout cela qui m’intéresse. Il m’est revenu qu’il fallait introduire deux semaines avant le match, les dossiers  pour  prétendre  au  visa.  Ils ont pris des dispositions en nous imposant un délai qu’il fallait respecter. Cela aussi, c’est important à savoir. Je ne veux pas contester l’ambassadeur qui le dit. Je pense qu’il connaît mieux les textes que moi. Mais, j’estime  qu’on aurait pu nous le dire bien avant et nos journalistes seraient avertis de la situation. C’est ce qui est frustrant. Je pense qu’il faut vite oublier cet incident pour  privilégier les intérêts qui existent entre nos deux pays.  Cela me donne l’occasion de lancer un appel   à l’endroit  de nos journalistes : laissez    tomber cette affaire.

Quel commentaire faites-vous de la sortie du SYNAS qui a critiqué  votre bilan  de la CAN et la composition de la délégation qui vous a accompagné ?

Il n’y a pas de commentaires à faire ici. Ils sont dans leur droit. Comme je le dis souvent, c’est la maison commune. S’il y a des problèmes, qu’ils m’approchent : Mon bureau est toujours ouvert. Qu’ils viennent pour qu’on s’explique en famille  au lieu d’aller s’exposer devant les médias. Je suis un homme ouvert et je n’ai jamais refusé d’échanger avec qui que ce soit. Sinon, je ne trouve pas  de mal à ce qu’on critique mon  bilan. Cela rentre dans le cadre de l’amélioration des choses. Mais souvent, il faut faire attention à ne pas dépasser certaines limites. Il faut qu’on se respecte. A part cela, je n’ai pas de problème particulier avec le SYNAS.

« Nous allons aussi former  nos  hommes  afin qu’ils soient de bons éducateurs pour nos enfants »

Quelles sont vos ambitions pour le département des Sports et des loisirs ?

Les ambitions sont celles que nous avons déclinées quand nous avons pris le département. C’est de  permettre à nos athlètes de travailler dans de meilleures conditions ; permettre à tous les Burkinabè, où qu’ils soient sur le territoire national, de faire du sport. C’est-à-dire qu’il faut dégager les conditions d’exercice de ce sport qui sont les infrastructures. Mon travail consiste à réaliser des infrastructures et à  les entretenir. Il faut que toutes les régions du pays soient dotées de terrains de basket, de handball, etc. Nous envisageons de construire   une piscine olympique  à Ouaga. Nous avons  aussi, dans nos projets,  la création d’un boulodrome et d’un vélodrome. Nous avons déjà commencé avec les gazons synthétiques que nous allons mettre dans les différents stades. L’année dernière, nous avons eu trois  gazons synthétiques en plus de celui de Kaya ; ce qui  nous revient à quatre. Cette année, trois nouveaux gazons synthétiques seront disponibles. Certes, nous avons accusé  un retard  dans l’exécution des travaux par rapport à Koudougou et Dédougou, mais nous avons eu l’assurance de l’entrepreneur  que cela sera fait dans les prochaines semaines. La pose des gazons sera faite incessamment à Koudougou, Dédougou et Banfora. Ouahigouya aussi  aura  son  terrain synthétique. Un appel d’offres a été lancé dans ce sens. Nous allons   réaliser  cinq  city-stades dans certaines localités  du pays, notamment à  Bobo, Ouaga et dans  d’autres villes  que nous allons déterminer. Et cela, sans  oublier  les plateaux omnisports  que nous allons  construire   dans  certaines régions.   Vous constatez  que le chantier est vaste. Nous allons aussi former  nos  hommes  afin qu’ils soient de bons éducateurs pour nos enfants. Les fédérations ne seront pas en marge de cette formation   parce que quand on veut  viser  le professionnalisme, il faut aller dans ce sens : amener les gens  à comprendre le fonctionnement de leur structure.  C’est pour cela que  nous irons à la rencontre  des entreprises  pour voir dans quelle mesure  nous pourrons leur  accorder des facilités fiscales pour qu’en retour, elles puissent nous aider. Cela dit, il faut  déjà féliciter celles  qui ont décidé de nous aider. C’est le cas du Tour du Faso où nous avons des partenaires.  Mais il y en a   d’autres qu’il faut approcher afin   qu’ils  puissent  accompagner nos différentes équipes parce que, comme vous le savez, le sport coûte très cher. Il faut mettre à la disposition des athlètes, des terrains pour s’entraîner. Vous voyez le baseball  où les joueurs  sont obligés de squatter le terrain de   l’INJEPS pour s’entraîner.  Nous avons  d’ailleurs prévu de mettre du gazon synthétique là-bas, pour les équipes qui en ont fait leur pied-à-terre. Il en sera de même pour  la boxe où   nous sommes en négociation pour  offrir des rings à Kaya, Bobo, Ouaga,  afin de permettre  aux  jeunes de  s’entraîner dans de bonnes conditions. Tout ce que je viens de dire  rentre dans le cadre d’un vaste chantier qui sera réalisé cette année.

Avez-vous un droit de regard sur la gestion des fonds  de la 3e place obtenue par les Etalons à la CAN dont le montant,  selon certaines indiscrétions, s’élèverait   à 900 millions de FCFA ?

(Rires) C’est une question difficile. Ça devrait être le cas, puisque l’argent est versé  directement dans les caisses de la fédération qui me rend compte. Maintenant, nous, à notre tour, nous allons  voir les plus hautes autorités du pays pour leur présenter la situation. C’est comme cela que les choses se passent.

Et c’est tout ?

D’abord, on nous montre comment la répartition est faite et on avise.   C’est  aussi une question de confiance. On nous a montré le travail qui sera fait avec le montant récolté. Je pense que si vous leur posez la question, ils sauront vous répondre clairement. Sinon, comme je l’ai dit, ce sont des associations et nous n’avons pas le droit de nous mêler de ce qu’elles font. J’ai une liste de la répartition de ce qu’elles doivent faire de ce budget. Par exemple, tous les stades  seront grillagés. Il est aussi prévu un soutien au ministère et une aide aux autres fédérations. Ils ont fait leur répartition et on ne peut pas aller à l’encontre. Je pense  d’ailleurs  qu’il faut déjà  saluer  leur action : celle de  soutenir  les autres  fédérations. Evitons donc d’être suspicieux. Moi, je ne m’inscris pas dans cette démarche parce que les gens racontent ce qu’ils veulent. Ce sont des personnes responsables qui doivent savoir comment gérer cet argent. Et puis  d’ailleurs, vous savez aussi bien que moi que les Burkinabè sont beaucoup regardants sur cet aspect des choses.

L’actualité, c’est la chute d’Issa Hayatou après trois décennies passées à la tête de la CAF. Quel commentaire cela vous inspire-t-il ?

C’est la démocratie qui a triomphé. C’est la preuve que les gens avaient un ardent désir de changement. Je pense que  c’est à la fédération de juger.   Les gens ont peut-être trouvé  qu’après trois décennies passées à la tête de cette institution, il était temps pour Issa Hayatou de passer la main. On avait  besoin de voir autre chose ; ce qui est tout à fait normal. Je souhaite que dans les années à venir, on puisse limiter  le nombre de  mandats. Et puis, il y a  la question de l’âge  qui doit être revue. Mais je voudrais  rendre hommage  à Issa Hayatou pour tout ce qu’il apporté  au football africain.  Tenez, cette année   par exemple, il a presque doublé   les primes des équipes qui ont pris part à la CAN.  Et ce n’est pas rien.

Propos recueillis par Seydou TRAORE

 


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