HomeA la uneTGI DE OUAGA : 12 mois ferme requis contre Naïm Touré

TGI DE OUAGA : 12 mois ferme requis contre Naïm Touré


Après un post sur facebook, le 13 juin dernier, le cyber-activiste Naïm Touré, fait l’objet de poursuites par le ministère public qui a décerné  mandat de dépôt contre lui le lendemain. Sont retenus contre Naïm Touré, ces chefs d’accusation : « proposition non agréée à former un complot contre la sûreté de l’Etat », « incitation de trouble à l’ordre public » et « participation à une entreprise de démoralisation des forces de l’ordre ». Le 27 juin 2018, le prévenu Naïm Touré était à la barre de la chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Ouagadougou pour répondre des faits qui lui sont reprochés.

 

Après avoir fait l’objet d’une condamnation à une amende de 300 000 F CFA pour injures et diffamation sur facebook, le cyber-activiste Naïm Touré a encore affaire à la Justice. Durant environ quatre heures,  (13h à 17h),  leaders de mouvements de défense des droits humains, d’organisations de la société civile, parents, amis et curieux assistent au procès marathon de Naïm Touré. Et  c’est dans une salle qui a eu du mal à contenir le monde qu’a eu lieu l’instruction à la barre. A 13h, le président du tribunal, Oumarou Zono, appelle à la barre le prévenu Naïm Touré. Celui-ci s’avance. Devant le tribunal, il prend connaissance des faits dont on l’accuse ; «proposition non agréée à former un complot contre la sûreté de l’Etat», «incitation de trouble à l’ordre public», et «participation à une entreprise de démoralisation des forces de l’ordre». D’emblée, Naïm Touré dit ne pas reconnaître les faits qui lui sont reprochés.  « Alors quel message voulez-vous faire passer », cherche à savoir le juge ? Avant de répondre, Naïm Touré indique qu’il faut mettre ses propos dans leur contexte pour comprendre ce qu’il veut dire. Il affirme alors que  tout est parti d’une révélation dans Sidwaya, dans laquelle la famille du gendarme blessé lors de l’intervention à Rayongo, a émis un cri du cœur afin que le gendarme Henri Traoré soit évacué à l’extérieur afin qu’il bénéficie de soins appropriés. « Je n’ai fait que relayer l’information tout en relevant l’attitude de l’autorité », indique Naïm Touré à la barre. Mais que voulez-vous dire par « restez-là que c’est vous qui êtes des républicains » ? « Ce n’est pas parce qu’ils sont censés être républicains qu’ils ne doivent pas parler quand ils ont des problèmes », répond le cyber-activiste et il ajoute : « je les invite à s’exprimer quand ils ont des problèmes ». « Mais ne pensez-vous pas que votre post peut démoraliser les gendarmes qui sont censés défendre les personnes et leurs biens ? », revient à la charge le juge. Naïm répond par la négative et avance : « c’est quand on est en vie que l’on peut défendre les personnes et leurs biens ».  S’en suit alors une série de questions réponses entre le prévenu et les trois juges au siège.

« On peut être lanceur d’alerte sans troubler l’ordre public »

 

Après une dizaine de minutes, le procureur intervient : « lorsque nous avons lu votre post, la forme nous a interpellés. Vous êtes allé crescendo en disant : « à toutes les forces de l’ordre, surtout la gendarmerie ». Par cette phrase, le procureur estime que le prévenu a déjà ciblé son public. Et c’est par bouts de phrases qu’il  décortique le post en question. Et le ministère public va jusqu’à dire pourquoi on appelle l’Armée la grande muette : « c’est une institution particulière, qui a ses règles. Et c’est ce qui explique pourquoi l’armée n’a pas de syndicat ». Pour le procureur, la publication, en-elle-même, ne pose pas problème ; ce sont les expressions que le prévenu a employées. Il lance alors : « nul ne dénie au lanceur d’alerte son rôle, mais il faut faire attention à ce qu’on dit, aux expressions qu’on utilise ». Après les questions du ministère public, la défense poursuit avec ses questions. A noter que Naïm Touré a eu pour conseil, au moins 5 avocats. Et c’est Me Batibié Benao qui intervient le premier. Il s’adresse à son client en ces termes : « au cours de l’enquête, a-t-il été découvert une organisation à laquelle vous appartenez ? » Naïm répond par la négative. Et il explique que sa publication vise à l’amélioration des conditions de travail des forces de l’ordre. Me Bénao poursuit : « Avez-vous suggéré aux gendarmes et aux civils de se retrouver quelque part ?». « Non », répond le client. Et Me Prosper Farama d’insinuer qu’«il n’y a pas de mauvaises pensées et il n’y a que de mauvaises interprétations », faisant allusion aux questions du juge et du procureur. Et répondant au procureur, Me Farama estime que pour le moment, il n’y a pas de lanceurs d’alertes ou d’activistes. Et le ministère public d’affirmer qu’il est vrai qu’il n’y a pas de disposition en la matière, mais la règlementation dudit domaine est en cours. Le ministère public, au cours de ses réquisitions, fait comprendre que la publication de Naïm Touré est contraire aux dispositions du Code pénal. « On peut être lanceur d’alerte sans pour autant en appeler à troubler l’ordre public », justifie le ministère public tout en définissant les trois chefs d’accusation. Il a requis contre le prévenu Naïm Touré 12 mois de prison ferme. Il n’en fallait pas plus pour provoquer le courroux des avocats de la défense. Et c’est Me Ambroise Farama qui ouvre le bal. Il affirme que le procès de Naïm Touré n’est pas seulement celui de leur client mais celui de la liberté d’expression. « Il a eu l’avantage d’écrire les premières lignes de cette liberté d’expression », déclare-t-il. Embouchant la même trompette, Me Olivier Yelkouny fait comprendre que « ce procès sonne comme une négation de la parole citoyenne et du principe de la liberté d’expression ». Me Batibié Bénao, quant à lui, s’est étalé de long en large sur les trois chefs d’accusation. A l’entendre, « l’infraction dont on accuse son client n’est pas constituée », et il ajoute que « l’émotion l’a emporté sur la raison au niveau du parquet ». Et  Me Ambroise Yamba de s’exclamer : « Quel gâchis d’avoir motivé autant d’énergie alors qu’il n’y a rien ». De son côté, Me Prosper Farama est d’accord qu’il y a des limites à la liberté d’expression. « Mais est-ce que la liberté d’expression  doit être mesurée à l’aune de la compréhension des gouvernants du moment ? », se demande-t-il. Par ailleurs, Naïm Touré, pour sa défense, a «  insisté que c’est une opinion qu’il a donnée et à aucun moment, il n’a voulu inciter les forces de défense et de sécurité à commettre l’irréparable ». Le délibéré du procès est  pour le 3 juillet 2018.

Françoise DEMBELE

 

 Publication de Naïm Touré sur Facebook le 13 juin 2018  à 21h 28

 

A toutes les forces de défense, la gendarmerie surtout : restez là assis seulement bras croisés ko c’est la Grande Muette, ko vous êtes républicains et ko aussi le secret professionnel vous lie. Vous risquez fort de tous trépasser ici dans l’exercice de vos fonctions sans que ces politicards que vous protégez nuit et jour ne lèvent le petit doigt pour vous assister en cas de problème. Voyez vous même: le cas de votre collègue feu Mdl Yassia (Paix à son âme) et, celui très récent de Henri Traoré sont assez illustratifs. Aujourd’hui par exemple n’eut été les réactions de certains hommes de presse, activistes et surtout l’opinion, Henri serait toujours dans l’impasse, seul face à son triste sort. Est ce normal ? NON !

Donc je dis et le répète que le politicien de la majorité actuelle MPP n’a rien rien à foutre de vos putaines de vie. De nos putaines de vie à nous simples civils aussi d’ailleurs. Excusez moi le terme.
Alors pendant qu’il est encore temps vous avez intérêt à très souvent vous allier à vos autres frères d’armes ainsi qu’à nous civils pour freiner voire stopper cette hémorragie, cette grande pagaille, ce cirque ko le Pouvoir! Tous ensemble recadrons ces vauriens. A défaut boutons les papou-(nis) hors de nos vues. trop c’est quand même trop.

 

Chrysogone Zougmoré, Président du MBDHP

 

« Ce procès n’aurait même pas dû avoir lieu »

 

« Le procureur est allé assez loin dans ses réquisitions. De mon point de vue, ce procès n’aurait même pas dû avoir lieu. Notre Justice a mieux à faire que de poursuivre des cyber-activitistes. C’est bientôt le 20e anniversaire de l’assassinat de Norbert Zongo et le 30e anniversaire de l’assassinat de l’étudiant Dabo Boukary. Et ce sont ces dossiers qui devraient préoccuper notre Justice aujourd’hui. Naïm Touré n’a fait que commenter des faits qui existent. Il a émis une opinion et sa liberté d’émettre son opinion sur cette affaire qui a préoccupé l’ensemble des Burkinabè, est classée aujourd’hui parce que l’intéressé a été évacué. Et les infractions sont loin d’être constituées. Ça ne tient pas la route. Il est vrai que nous sommes à l’heure des TIC, mais on ne peut pas déstabiliser un Etat à partir d’Internet. C’est du gâchis que de nous avoir conviés à ce procès. »

Propos recueillis par FD

 


No Comments

Leave A Comment