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TOUSSAINT ABEL COULIBALY, PRESIDENT DE L’UPR


Me Toussaint Abel Coulibaly : l’homme n’est plus à présenter. Homme politique, il est le président de l’Union pour la république (UPR). Aujourd’hui, votre rubrique « Mardi Politique » lui tend le micro.

 

« Le Pays » : Que devient Maitre Toussaint Abel Coulibaly ?

 

Me Toussaint Abel Coulibaly : Je suis Huissier de Justice Commissaire-priseur de profession. De ce fait, je continue à exercer en mon Etude.

Comment alliez-vous activités politiques et celles professionnelles ?

 

Avant d’occuper des fonctions publiques, j’alliais déjà les deux et cela se passe très bien. C’est une question d’organisation.

 

Quel est aujourd’hui le poids de l’UPR sur l’échiquier politique national ?

 

Votre question sous-entend une autre que vous n’avez pas voulu poser. Mais ce que je peux vous dire c’est qu’une course ne se juge pas au départ mais à l’arrivée, comme disait le vieux Houphouët Boigny. Le poids actuel n’est donc pas quantifiable à mon avis.

 

Qu’est-ce qui a motivé l’adhésion de votre parti à la majorité ?

 

Lors de la présidentielle de 2015, notre parti avait déjà appelé à voter pour le candidat Kaboré. Ceci explique donc cela. Il y a des personnes, au sein du parti, qui n’étaient pas d’accord avec nous et sont parties ailleurs.

 

Apparemment, la cure d’opposition ne vous a jamais tenté… !

 

Personnellement, je suis engagé en politique au Burkina Faso depuis 2002. En 2004, avec d’autres collègues députés, nous avons créé l’UPR qui a fait le parcours que vous savez. A quel moment vouliez-vous que nous soyons à l’opposition ?

 

 

« Si mes détracteurs voient la politique comme un lieu de prostitution alors il va falloir qu’ils soient objectifs sinon, ils passeront à côté des vrais prostitués politiques à moins qu’ils ne le soient eux-mêmes »

 

 

Vos détracteurs disent que vous êtes un « prostitué politique ». Que leur répondez-vous ?

 

Déjà, mon éducation ne m’aurait pas permis d’utiliser une telle comparaison mais comme nous y sommes, il va bien falloir répondre. Si vous avez bien suivi, je vous ai dit que je me suis engagé en politique en 2002 et qu’en 2004, nous avons créé l’UPR. A l’heure où je vous parle, après 16 ans, je suis toujours le Président de l’UPR, un parti qui se veut libre de ses choix et de ses opinions. Mais si mes détracteurs voient la politique comme un lieu de prostitution alors il va falloir qu’ils soient objectifs sinon, ils passeront à côté des vrais prostitués politiques à moins qu’ils ne le soient eux-mêmes.Si le candidat Roch n’avait pas été élu, les mêmes nous auraient traités d’aventuriers s’ils retrouvaient la courtoisie.  Il y a des partis politiques qui avaient leurs propres candidats à l’élection présidentielle. Cela veut dire qu’ils n’ont pas voté pour le candidat Roch mais aujourd’hui, ils sont plus proches de lui que nous qui avons voté pour lui en 2015. Il y a des personnes qui étaient de l’UPR et qui sont à présent dans d’autres partis sans que nous ne les traitions de prostitués. Mais vous savez, quand vous arrivez à vous frayer un chemin en comptant sur vous-même et sur les vrais amis, cela fait pas mal de jaloux.  Pour moi, l’important est que ceux qui ont contribué à ma carrière politique, soient toujours en phase avec notre vision. Dans ma vie, je m’occupe plutôt de ceux qui veulent que j’avance. Je ne perds pas mon temps avec des détracteurs qui, de toute façon, ne diront pas du bien de vous. Je consacre mon énergie à prendre en compte les critiques des amis pour avancer.

 

En tant qu’homme politique ayant occupé de grandes responsabilités, que voulez-vous que les Burkinabè retiennent de vous ?

 

Une modeste personne qui a gagné la confiance des populations du Mouhoun qui lui ont accordé trois (03) mandats successifs à l’Assemblée nationale. Un serviteur de l’Etat qui a fait six (6) ans au gouvernement, le tout avec certainement des réussites et des échecs mais surtout avec la volonté de servir.

 

L’UPR compte-t-elle aligner un candidat à la présidentielle de 2020 ?

 

L’avenir nous le dira et pas un avenir aussi lointain que cela.

 

Quelles sont les ambitions, à court et moyen termes, de votre parti ?

 

Nous sommes actuellement en train de préparer le 3ème congrès ordinaire du parti. A l’occasion de ce congrès, des décisions seront prises. Donc, permettez que je ne parle pas en lieu et place de ceux qui y prendront part.

 

Beaucoup décrient aujourd’hui la gouvernance de Roch Marc Christian Kaboré. Quel commentaire cela vous inspire-t-il ?

 

Il faut voir la gouvernance actuelle sous plusieurs angles. Je suis tenté de parler des gouvernances. Vous savez, quand vous faites une étude pour réaliser un projet, il faut vous assurer que le contexte restera le même au moment de sa mise en œuvre. C’est le cas pour le Président Roch qui ne pouvait pas prévoir l’entrée en matière avec le terrorisme et son corollaire d’urgences presque quotidiennes. Il y a également un passif créé par le populisme. Malgré tous ces obstacles imprévisibles, le pays se construit. Dans les domaines des infrastructures, de l’éducation, de la santé et bien d’autres, les résultats sont tangibles. Bien entendu, ils auraient été meilleurs si, comme je le disais, les circonstances de la mise en œuvre du programme présidentiel n’avaient pas été hostiles. Ceci étant, il y a un volet qui me gêne énormément. Il s’agit des suspicions de scandales financiers à n’en pas finir.  Je dis à n’en pas finir parce que s’ils sont avérés, l’on n’y donne pas suite, ou alors, si ce sont des ragots, ils ne sont pas assez bien démentis par ceux qui sont indexés à travers les révélations ou accusations. J’avoue que ce n’est pas de nature à faciliter la tâche au Président du Faso.   Par ailleurs, le Président Roch, je le connais depuis seulement 18 ans maintenant, c’est-à-dire depuis 2002 à l’Assemblée nationale. Pour moi, c’est un homme de consensus. Il me semble que certains profitent de cela pour être « plus royalistes que le roi ». A voir de près, j’ai l’impression qu’ils se battent plus pour eux-mêmes  que pour la personne qui a été élue par les Burkinabè. Le combat de certains n’est pas aussi collectif que cela devrait l’être. Le franc-jeu n’est pas toujours perceptible partout. C’est mon avis, je peux me tromper mais c’est mon avis. Enfin, je l’ai déjà dit, dans le contexte actuel de notre pays, je ne suis pas sûr que quelqu’un d’autre ferait mieux que le Président Roch. J’en suis même convaincu. La priorité aujourd’hui,  c’est de travailler à changer le contexte et cela concerne l’ensemble des acteurs.  Majorité, opposition, société civile ou syndicats, chacun de nous a sa partition à jouer pour faire évoluer positivement le contexte qui prévaut au Burkina Faso.

 

« Une loi étant faite pour être appliquée, il va falloir s’y conformer tout en maintenant le dialogue pour la faire éventuellement évoluer »

 

 

Quelle analyse faites-vous de l’application de l’IUTS sur les primes et indemnités des agents publics, avec la fronde sociale que cela entraîne ?

 

Tout d’abord, je dois vous dire que j’exerce une profession libérale et paye mes impôts divers comme tout citoyen dans mon cas. Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai été imposé et je m’en suis acquitté. Pour revenir à votre question, l’APMP a fait une déclaration sur le sujet de l’IUTS. Bien entendu, je suis entièrement solidaire de cette déclaration commune à l’ensemble des partis politiques de la majorité présidentielle. Mais comme vous voulez mon avis, je m’en vais vous dire qu’à mon sens, j’ai l’impression que l’on cherche un coupable à cette situation. Vous avez vous-même parlé d’application. Ce qui veut dire que la mesure ne date pas de maintenant. Si j’ai bien compris, la disposition existe depuis 1970. Depuis cette période, le gouvernement a tenté de réunir les acteurs syndicaux pour discuter de la mesure. Avec les préalables qui ont été invoqués par la partie syndicale, aucune rencontre n’a abouti; d’où la situation actuelle que nous vivons. A mon avis, c’est depuis longtemps que la mesure aurait dû être appliquée.  Si l’on s’en tient au fait qu’il s’agit bien d’Impôt unique sur les traitements et salaires, cela révèle très bien que ce ne sont pas les salaires uniquement qui sont visés par la disposition légale. Si c’était le cas, l’on aurait plutôt parlé d’Impôt unique sur les salaires. Ce n’est pas une simple nuance mais le fondement même de la mesure en cours d’application.   Plus surprenant, avant d’adopter une loi de finances, il y a tout un processus. A aucune étape du processus, ceux qui sont contre la mesure n’ont œuvré, à ma connaissance, pour la faire retirer. Certains de ceux qui sont opposés à la mesure ont dû participer à l’élaboration du projet de loi.  C’est à ce moment qu’il fallait dialoguer pour éviter que le projet ne se transforme en loi.  Une loi étant faite pour être appliquée, il va falloir s’y conformer tout en maintenant le dialogue pour la faire éventuellement évoluer. Je dis bien éventuellement parce que d’un côté, il y a le privé auquel la mesure est appliquée et qui réclame une équité. Toujours est-il que le bras de fer n’est pas la solution. Aller à des négociations avec des préalables non plus n’est pas la solution. Le gouvernement doit tout faire pour amener les syndicats à la table de négociations.   Déjà que nous avons un défi commun qui est l’insécurité, si nous y rajoutons des troubles sociaux, cela n’est à l’avantage de personne. Nous tirons tous nos revenus de l’Etat burkinabè et nous ne devons pas perdre cela de vue. Une vache à lait, ça se nourrit, ça s’entretient, sinon il y a un risque d’assécher les mamelles et là, plus personne n’aura de lait. L’Etat, finalement, c’est nous tous ; c’est la somme de nos efforts, chacun dans la position qu’il occupe, qui constitue la cagnotte à répartir entre les 18 millions que nous sommes.

 

Si vous étiez un proche du président, lui demanderiez-vous de reculer face à la fronde sociale ?

 

Vous savez, avec si, on peut faire beaucoup. Le Président a assez de proches pour répondre à cette question. En ce qui me concerne, j’aurais plutôt dit d’appliquer la mesure dès lors qu’elle a été inscrite depuis 1970 dans la loi. A force de remettre à demain ce que l’on doit faire aujourd’hui, on finit par être en retard. Je l’ai déjà écrit bien avant. J’ai le sentiment que le gouvernement éteint très souvent les flammes  en omettant les braises. Nous savons tous que tant qu’il y a des braises, les départs de feu ne sont pas à exclure et c’est le cas actuellement. Il aurait donc fallu persévérer à l’époque pour trouver la formule définitive et nous n’en serions pas là. Ceci étant, je souhaite que gouvernement et syndicats privilégient l’intérêt général. La question de l’IUTS concerne des milliers de Burkinabè certes mais nous sommes 18 millions et chacun a un droit qu’il faut prendre en compte. Le Burkina Faso ne se limite pas aux intellectuels que nous sommes. En échangeant avec des gens des villages, vous aurez du mal à leur expliquer ce qu’est l’IUTS. Le pouvoir d’achat de cette majorité ne peut augmenter que s’il y a la sérénité dans le pays parce qu’il est sécurisé et qu’ils ont accès aux services sociaux de base.

 

On sait que dans le passé, vous avez été un collaborateur de Blaise Compaoré. Avez-vous aujourd’hui de ses nouvelles ?

 

J’ai eu l’honneur de travailler aux côtés du président Blaise Compaoré. J’ai de ses nouvelles mais pas plus que d’autres Burkinabè qui ont travaillé avec lui.

 

Etes-vous pour le retour de Blaise Compaoré au Burkina Faso ?

 

Bien sûr que je suis pour le retour du président Blaise Compaoré. Pas vous ? Sans être en exil, j’ai passé 23 années de ma vie à l’étranger. Je sais donc de quoi je parle. Il n’y a rien de tel que d’être parmi les siens.

« Je n’ai jamais été requis pour poser un acte dans le dossier »

 

 

Etes-vous favorable à un jugement de Blaise Compaoreé dans l’affaire Thomas Sankara et à l’extradition de François Compaoré dans l’affaire Norbert Zongo ?

 

Sachez d’abord que je suis parti de la Haute Volta en 1970 pour revenir au Burkina Faso le 31 décembre 1993. Ceci pour vous dire qu’il y a une période de l’histoire du pays que j’ai suivie à distance, même si je revenais pratiquement chaque année. Généralement, je ne me prononce pas sur des questions pendantes devant des juridictions et il n’y aura pas d’exception pour vous. Dans tous les cas,  mon avis importe peu à partir du moment où il ne s’agit pas d’un sondage d’opinions.

 

Justement, après l’assassinat de Norbert Zongo, le juge a émis une convocation contre François Compaoré et vous étiez chargé de la lui remettre. Mais il se dit que ladite convocation n’est jamais arrivée. Pouvez-vous nous en dire plus sur cet épisode ?

 

De nature, je ne fuis jamais mes responsabilités. Mais je dois vous dire que non seulement, je n’ai jamais été requis pour poser un acte dans le dossier que vous citez mais même si cela avait été le cas et qu’il y ait eu une quelconque défaillance de ma part, le juge requérant est mieux placé pour me le reprocher sur le plan professionnel. Je vous apprends que l’huissier de justice ne peut refuser d’instrumenter qu’en cas de parenté ou d’alliance prouvée.

 

Que devient le Front républicain dont votre parti faisait partie ?

 

Je vois à quoi vous faites allusion. Mais retenez que dans notre pays, ce sont les révolutionnaires qui sont aujourd’hui des socio-démocrates ou libéraux. Donc, la classe politique est en constante mutation et notre parti ne peut pas être un cas particulier.

 

La Boucle du Mouhoun, comme plusieurs autres régions, est durement éprouvée par l’insécurité. Comment expliquez-vous cela ?

 

Si je pouvais expliquer ce phénomène, je le ferais avec plaisir. Seulement, je n’en sais pas plus que vous. Ce que je sais par contre, c’est qu’il faut arrêter ce cycle infernal dans lequel notre pays se trouve. Je l’ai déjà dit et je le répète. Tout en combattant de toutes nos forces, il faut trouver un créneau de négociations pour éloigner le terrorisme de notre pays. Si la Mauritanie, par exemple, l’a réussi, pourquoi pas nous ? Il faut éviter de stigmatiser des communautés ou des religions également car cela grossit les rangs des ennemis. Souvent, certains répliquent que l’on ne sait pas avec qui négocier. Je m’inscris en faux car ceux qui nous attaquent, sont des groupes organisés et connus. Même s’il y en a une multitude, les groupes les plus importants sont connus. Nous ne pouvons pas, par les seules armes, venir à bout du terrorisme à moins d’une large coalition internationale comme celle qui a combattu l’Etat islamique (EI) en Irak. Vous conviendrez avec moi que notre pays ne présente pas les mêmes intérêts que l’Irak aux yeux de la communauté internationale si l’on s’en tient à son attitude dans les deux cas de figure.

Comment, selon vous, venir à bout du terrorisme qui frappe le Burkina ?

 

Combattre avec tous nos moyens humains et matériels mais pas uniquement les Forces de défense et de sécurité (FDS). Que chaque Burkinabè soit combattant dans l’âme et dans le même temps, que l’on négocie en position de force.

 

Que proposez-vous pour un retour de la paix au Burkina Faso ?

 

S’il s’agit de la paix entre nous, il faut partir de la source du conflit. Cette source est politique et est liée à l’exercice du pouvoir. Il n’y a pas trente six mille Burkinabè qui sont en conflit pour le pouvoir. Que ceux qui sont en conflit pour le pouvoir se parlent et les autres suivront plus aisément.

Comment opérationnaliser la réconciliation nationale au Burkina Faso ?

 

Comme je l’ai dit tantôt, il faut que les principaux concernés se parlent. La crise politique est partie de l’exercice du pouvoir d’Etat. Si nous voulons la réconciliation, il faut amener ceux qui sont à la base de cette crise à se parler. Mais si nous tournons autour de ces principaux acteurs, ce sera plus compliqué de parvenir à la réconciliation qui est un impératif si nous voulons léguer un pays apaisé aux générations futures. Il faut arrêter l’hypocrisie. A mon avis, il y a plus de paroles que d’actes concernant la réconciliation. A ce rythme, je ne suis pas très optimiste, surtout si nous passons plus de temps à ressasser le passé qu’à parler d’avenir.

Avez-vous un autre commentaire à faire ?

 

Je voudrais, de tout cœur, que nous, Burkinabè, soyons moins égoïstes. Que nous nous surpassions  pour que le pays retrouve la sérénité sans laquelle nos profits individuels sont voués à l’échec. Comme disait le vieux Houphouët, « la paix ce n’est pas un mot, c’est un comportement ». Nous devons prôner la paix et non avoir des attitudes de belligérance. Si nous aimons vraiment notre pays, préservons-le des troubles permanents. Pensons aux personnes qui ont tout perdu. La vie, pour certains, la famille pour d’autres et des années de dur labeur pour la plupart d’entre eux.  Pensons à nos frères et sœurs qui crient en comptant sur nous pour retrouver leur dignité. Nous ne devons pas décevoir cet espoir qu’ils placent en nous. Ils nous voient comme des privilégiés ; ce qui n’est pas faux. Soyons solidaires de ces personnes et préservons le Burkina Faso. Je souhaite que chacun de nous soit un artisan de paix à travers les actes qu’il pose.

 

Propos recueillis par Michel NANA

 

 


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