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TRANSITION AU SOUDAN


A la suite d’un accord passé avec le général al-Burhan et dont les contours restent encore bien flous, le Premier ministre soudanais, Abdallah Hamdock, a été rétabli dans ses fonctions de chef du gouvernement, le 21 novembre dernier. De là à se demander si la transition soudanaise est à nouveau sur de bons rails, il y a un pas qu’il faut se garder, pour le moment, de franchir. Car, ces événements qui peuvent paraître un pas dans le sens de la décrispation,  se tiennent dans un contexte de pressions continues de la rue qui n’a de cesse de gronder depuis le coup d’Etat du 25 octobre dernier, et de la communauté internationale qui conditionnait clairement le maintien de son soutien à la libération des prisonniers politiques et au rétablissement de l’attelage civilo-militaire devant conduire le pays à des élections multipartites.   C’est dire si contrairement aux apparences, le général al Burhane n’était pas loin, quelque un mois après son forfait, d’être dans l’impasse, avec ce coup d’Etat qui lui pendait à la godasse comme un boulet, face à l’irrédentisme d’une rue décidée à ne pas céder à la peur encore moins aux répressions sanglantes, pour sauver ce qui pouvait l’être encore, de sa révolution.

 

S’il pensait bien faire en acceptant le pacte du général Burhan, Abdallah Hamdock doit se rendre à l’évidence que rien n’est encore fait

 

C’est pourquoi l’accord passé par le Premier ministre Hamdock avec le chef de la junte, pour être rétabli dans ses fonctions dans des conditions qui semblent plutôt faire le jeu des putschistes, est ressentie comme une « trahison » par le peuple qui ne s’y reconnaît pas. Et l’on pouvait d’autant plus s’attendre à une telle réaction des Soudanais, que cette façon, pour le Premier ministre, de revenir dans le jeu dans des conditions qui ne garantissent rien de la volonté des militaires d’accéder à leurs revendications en termes de  retour du pouvoir aux mains des civils, n’est pas loin de s’apparenter à une bouée de sauvetage lancée à un général aux abois au milieu des eaux tumultueuses de son propre coup de force. Car, non seulement le nouvel accord ne précise pas la date des futures élections, mais aussi il ne pipe mot sur la question du transfert de la présidence tournante du Conseil de souveraineté que le général Burhan préside, aux civils, conformément aux termes du premier accord. C’est pourquoi, s’il pensait bien faire en acceptant le pacte du général Burhan pour sortir le pays de l’impasse et arrêter la spirale de la violence et des tueries, Abdallah Hamdock doit se rendre à l’évidence que rien n’est encore fait. Car, non seulement le nouvel accord ne semble pas en phase avec l’esprit de cogestion de la transition telle que pensée pour sortir le pays de la crise, mais aussi le jour même de la remise en selle du PM par l’homme fort de Khartoum, le sang d’un jeune manifestant a coulé au Soudan. Voilà donc Hamdock pris entre le marteau des militaires qui le tiennent à présent totalement à leur guise et l’enclume d’un peuple qui le voue désormais aux gémonies. Le traitant même de  traître qui « s’est aligné sur l’agenda d’Al-Burhan, [en] laissant derrière lui, les demandes de la rue ». C’est dire si en signant cet accord avec le général Burhan, le Premier ministre Hamdock s’est totalement grillé.

 

On attend de voir si l’ancien-nouveau Premier ministre pourra reprendre véritablement les choses en main

 

Et ce, sur les deux faces, telle une galette. En effet, il revient certes dans le jeu politique, mais pour peser de quel poids devant les militaires après s’être totalement aliéné la confiance du peuple soudanais dont il portait les espoirs au sein de la transition ? Pourra-t-il faire preuve de fermeté devant les hommes en kaki qui ont déjà suffisamment montré toute leur mauvaise foi et leur volonté de faire des civils, de simples faire-valoir dans cette transition ? L’on peut en douter. Et tout porte à croire qu’avec cet accord, le chef du gouvernement a scié la branche du soutien populaire qui devait lui permettre de contrebalancer le pouvoir des militaires dans la transition. Mais quel gouvernement  à présent! Puisque non content d’avoir rebattu les cartes pour obtenir la configuration de l’Exécutif qu’il réclamait, le général Burhan reste visiblement le véritable seul maître du jeu à Khartoum. Autant dire que Abdallah Hamdock a beaucoup à perdre dans cet accord qui passe aux yeux de certains de ses compatriotes, pour un « suicide politique ». D’autant que le peuple soudanais en lutte, ne semble pas prêt à passer par pertes et profits, le lourd contentieux de la quarantaine de martyrs tombés lors des répressions sanglantes des manifestations. C’est pourquoi l’on attend de voir si l’ancien-nouveau Premier ministre pourra reprendre véritablement les choses en main et travailler à faire changer le cours de l’histoire dans le sens des aspirations de ses compatriotes. C’est la seule façon de rétablir la confiance entre lui et le peuple soudanais en totale rupture de confiance avec son armée qui refuse obstinément de retourner dans les casernes. Mais encore faudrait-il qu’il puisse avoir les mains libres pour agir. Ce qui est une autre paire de manches, au regard du rétrécissement manifeste de ses pouvoirs et de sa marge de manœuvre aux termes du nouvel accord. C’est à se demander s’il peut encore quelque chose dans cette situation.    En tout état de cause, il faut saluer la persévérance du peuple soudanais qui n’entend pas baisser les bras. Car, il a le mérite de ne pas se laisser détourner  de son objectif qui est le retour d’un pouvoir civil aux affaires. Tout le mal qu’on lui souhaite, est que son combat ne soit pas vain, ne serait-ce que pour la mémoire de ses martyrs.

 

« Le Pays »

 

 


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