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TRANSITION POLITIQUE AU BURKINA : Le SAMAB pour des réformes urgentes au niveau de la Justice


Ceci est une déclaration du Syndicat autonome des magistrats du Burkina (SAMAB) sur la situation nationale. Tout en se félicitant du départ de l’ancien président, Blaise Compaoré, le SAMAB souhaite que des réformes urgentes et pertinentes soient entreprises au niveau du secteur de la Justice.

 

L’actualité sociopolitique de ces derniers temps dans notre pays, est marquée par le soulèvement populaire consécutif à la tentative de modification de l’article 37 de la Constitution du 2 juin 1991 et qui a abouti à la chute du pouvoir de M. Blaise Compaoré.

Lors de cette insurrection, de nombreuses pertes en vies humaines, de nombreuses atteintes aux personnes et aux biens ont été constatées.

A tous ceux qui ont perdu des parents et des proches ou qui ont été victimes de quelques atteintes que ce soit, le SAMAB vous témoigne sa solidarité et sa compassion. Nous nous inclinons sur la mémoire de ces héros de notre nation, morts pour la démocratie, et souhaitons un prompt rétablissement aux blessés. Aux particuliers qui ont vu leurs biens saccagés, nous compatissons à leur désarroi et leur souhaitons beaucoup de courage dans ces moments difficiles.

Nous tenons à exprimer notre solidarité aux collègues et aux personnels du palais de Justice de Bobo-Dioulasso dont l’incendie met à nu la question de la sécurité des locaux judiciaires et des personnels qui y travaillent.

Le sursaut populaire du 30 octobre 2014 a consacré l’appropriation de sa souveraineté par le peuple; cela nous enseigne qu’il ne saurait exister d’institutions contraires aux aspirations du peuple, et de sécurité, en dehors de la loi.

Le 30 octobre 2014, le peuple burkinabè, en prenant d’assaut l’Assemblée nationale, a repris sa souveraineté des mains de ses représentants. Il a, du même coup, entraîné la chute du pouvoir exécutif.

Ce message inédit doit être bien compris par le pouvoir judiciaire qui doit s’inscrire résolument dans une dynamique de justice du peuple. C’est pourquoi le SAMAB, fort de son histoire, demande que des actions fortes soient posées pour rendre la Justice proche du peuple. Aussi, les réformes à venir devraient permettre de bâtir une Justice efficace, dans laquelle l’indépendance des acteurs judiciaires serait un levain pour la garantie des droits et libertés tant individuelles que collectives.

Pour le SAMAB, cette volonté de changement du peuple burkinabè ne saurait se limiter seulement au départ de l’ex-Président du Faso. Ce soulèvement populaire marque, pour nous, la volonté d’un changement profond, dans toutes les sphères de la vie politique et sociale au Burkina Faso.

Le secteur de la Justice, qui est un secteur-clé dans toute construction démocratique, constitue, à notre sens, le principal destinataire de ces cris de nos citoyens qui ont soif de justice et qui ne veulent plus d’injustice et d’impunité dans notre chère patrie. Notre Justice a longtemps été critiquée comme une Justice au service des princes, une Justice à double vitesse…

Plus que jamais, le soulèvement populaire du 30 octobre doit être le ferment d’une Justice au service du peuple, d’une Justice utile et constructrice de la démocratie. Nous sommes conscients que des femmes et enfants, des mères, frères et sœurs, des pères attendent depuis des années de faire le deuil de leurs parents morts dans des circonstances douteuses et dont la responsabilité est attribuée au régime déchu.

Nous sommes aussi conscients que la Justice ne pourra efficacement faire ce travail sans réformes et sans amélioration des conditions de vie et de travail des acteurs de la Justice dans leur ensemble (magistrats, greffiers, gardes de sécurité pénitentiaire). Les réformes doivent être faites pour faire de la Justice un véritable pouvoir, pour empêcher qu’elle ne devienne prisonnière d’autres régimes ou d’autres hommes forts, parce qu’il faut retenir que tout régime, quel qu’il soit, aura tendance à vouloir contrôler l’appareil judiciaire. Il est temps que l’indépendance de la Justice soit une réalité dans notre pays et que les magistrats agissent sans peur de représailles.

Aussi, la nécessité d’adopter les instruments juridiques pertinents en faveur de cette indépendance s’impose. Pour étancher cette soif de justice du peuple burkinabè, le diagnostic des mécanismes dans la chaîne pénale s’impose. En effet, le système pénal burkinabè est désuet en ce qu’il n’arrive pas à donner des réponses adéquates à la criminalité, par le fait d’une organisation institutionnelle et procédurale peu pertinentes.

La juridiction d’instruction mérite d’être réformée, les juridictions de jugements réinventées, les lois pénales de fond et de procédures relues. Aussi, pour solder les comptes des dossiers criminels (crimes de sang et économiques) congestionnés dans les Cours d’appels, des mesures législatives particulières gagneraient à transférer, de façon temporaire, les pouvoirs des chambres criminelles aux Tribunaux correctionnels, afin d’apurer les passifs des dossiers criminels. La Police judiciaire et les parquets méritent d’être convenablement équipés et outillés. Le lien entre le parquet et la Police judiciaire efficacement restauré.

Le SAMAB, pour avoir connu la période d’août 1983, tient cependant à exhorter les autorités de la transition à mettre le droit, la loi au cœur de leur action. En effet, l’une des insuffisances du régime Compaoré aura été les libertés prises avec la règle de droit, la loi. Aussi, le SAMAB souhaite qu’une volonté forte et sans complaisance soit affirmée pour doter le pouvoir judiciaire de moyens juridiques, institutionnelles et matériels nécessaires à son fonctionnement optimum.

La Justice se doit de solder les comptes, de se regarder sans complaisance et de s’assumer.

Le SAMAB voudrait que toutes les actions de répression d’infractions dans cette période soient sous-tendues par une démarche judiciaire respectueuse des droits des victimes et des personnes soupçonnées ou mises en cause. Le charme de la loi est qu’elle proclame l’égalité des citoyens devant la loi, la légalité des poursuites et des peines et l’indépendance et l’impartialité des juridictions.

Ces valeurs qui fondent la justice se doivent d’être les fondements de la Justice burkinabè, celle qui doit émerger après les évènements du 30 octobre 2014.

Toutefois, des inquiétudes apparaissent et des appréhensions se font jour à la lumière de certains faits et actes.

Pour le SAMAB, comment ne pas s’interroger lorsque l’opinion publique nous interpelle sur des arrestations et des emprisonnements de directeurs de sociétés d’Etat en dehors de toutes procédures judiciaires enclenchées ?

Comment ne pas s’interroger devant les propos du Président du Faso, le 21 novembre 2014, lorsqu’il affirme retirer des dossiers pendants devant la Justice des mains de celle-ci pour les confier au gouvernement?

Comment ne pas susciter le doute, la suspicion des Burkinabè vis-à-vis de la justice lorsque, par de tels actes, l’on montre à souhait que les prérogatives du pouvoir judiciaire peuvent être remises en cause par les autres pouvoirs ?

Les Burkinabè, en renversant le pouvoir de M. Blaise Compaoré, ont entendu affirmer l’appropriation de leur souveraineté, leur attachement aux institutions et à la loi. La justice étant rendue au nom du peuple burkinabè, aucune action d’aucun pouvoir, quel qu’il soit, ne devrait remettre en cause l’autorité du pouvoir judiciaire, constitutionnellement établi.

Par expérience, le SAMAB tient à réaffirmer le fait que le Burkina Faso que nous voulons construire doit être bâti sur les principes d’imputabilité, de sanction juste de la faute commise, mais cela dans le cadre de la légalité.

La Justice burkinabè, en sa qualité de gardienne des libertés individuelles et collectives, doit veiller à garantir les droits de tous.

C’est pourquoi le SAMAB :

– présente ses condoléances aux familles éplorées et ses vœux de prompt rétablissement aux blessés;

– exige l’ouverture d’enquêtes judiciaires pour élucider les faits d’homicides commis les 30 et 31 octobre 2014 ;

– apporte sa solidarité aux collègues du palais de Justice de Bobo-Dioulasso et exige du gouvernement la résolution de leurs préoccupations;

– demande des réformes urgentes et pertinentes au niveau de la Justice;

– exige la lumière sur les dossiers pendants et particulièrement celui du juge Nébié Salifou.

Fait à Ouagadougou, le 27 novembre 2014

P / le Comite Exécutif

  1. Antoine KABORE

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