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TRANSITION POLITIQUE AU BURKINA :L’UNABF pour une administration républicaine


Ceci est une déclaration de l’Union nationale des administrateurs civils du Burkina Faso (UNABF). Elle propose que la transition soit une occasion pour bâtir une administration républicaine débarrassée du « spectre de la resteront gravés dans l’histoire politisation ». Lisez !

 

Les 30 et 31 octobre 2014 du Burkina Faso comme étant les jours ou le peuple burkinabè, estimant n’avoir pas été suffisamment écouté par les gouvernants et les hommes politiques, décida de prendre ses responsabilités à travers une insurrection populaire qui continue de susciter l’admiration des autres peuples d’Afrique en quête de démocratie.

C’est l’occasion pour l’Union Nationale des Administrateurs civils du Burkina Faso (UNABF) de rendre un vibrant hommage à ce vaillant peuple que l’on a toujours qualifié, à tort, de passif, mais en réalité pionnier en Afrique en matière de ruptures audacieuses.

L’UNABF voudrait, par la présente, saluer avec déférence, la mémoire des martyrs. A leurs familles, elle présente ses condoléances les plus attristées et sa profonde compassion. Aux blessés, elle exprime son soutien et leur présente ses vœux de prompt rétablissement.

Aux autorités de la transition, l’UNABF souhaite plein succès pour la réussite de leur mission.

Abordant les causes de l’insurrection populaire, quoique l’on puisse reconnaître qu’elles sont intimement liées à une volonté affirmée du peuple de ne consentir aucun compromis quant au respect scrupuleux des principes démocratiques, il n’en demeure pas moins que dans les rangs des combattants de la liberté se trouvaient des citoyens aux attentes sociales fortes. Par conséquent, aux causes politiques sans équivoque de l’insurrection populaire, il faut ajouter des causes sociales exprimées ou non, mais en réalité très déterminantes dans l’accentuation et l’issue de la crise.

C’est pourquoi, tout en saluant les différentes composantes de la société burkinabè pour la responsabilité et la mise en place réussie du processus de transition, l’UNABF suggère que les réformes à mener dans le cadre de cette transition tiennent compte du déterminant social de la crise.

Dans un Etat, ce sont les politiques publiques qui déterminent l’essor économique et social. Et ces politiques publiques étant définies et conduites par l’administration publique, il va s’en dire que la dynamique des réformes dans le cadre de la transition ne saurait faire l’économie de réformes de l’Etat et de réformes administratives. Il est important de s’y attarder car, l’on peut avoir un excellent homme politique, élu dans la transparence, disposant d’un excellent programme de gouvernement, et qui, pourtant, échouera à satisfaire les attentes des électeurs parce que tout simplement, l’instrument de mise en œuvre de son programme de gouvernement, à savoir l’administration publique, est inopérant. Et le tort a été de s’être contenté depuis 2002, de faire des réformes politiques sans se préoccuper véritablement de l’administration publique. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous en sommes toujours à faire les mêmes réformes. En témoignent les modifications interminables du code électoral.

L’UNABF ose donc espérer que, tirant leçon des expériences passées, cette fois-ci, la dynamique des réformes dans le cadre de la transition prendra en compte, pour une fois, les exigences de réformes profondes de l’administration publique dans son ensemble, car les défis sont énormes dans ce secteur.

En effet, depuis l’indépendance jusqu’à nos jours, le Burkina Faso n’a pas encore pu construire une administration républicaine de service public. A l’inefficacité de l’administration voltaïque décriée en son temps, a succédé une administration révolutionnaire. Conscient des insuffisances de l’administration voltaïque et promettant d’y remédier, le régime révolutionnaire du 4 août 1983 n’a malheureusement pas pu achever le chantier de refontes administratives engagées, du fait de l’arrêt du processus le 15 octobre 1987.

Avec le retour au constitutionnalisme en 1991, les espoirs furent nombreux. Mais en fait d’administration républicaine et démocratique, l’on a assisté plutôt, à certains égards, à la perpétuation des habitudes de la période d’exception. Cela a été mis à nu par la crise consécutive à l’assassinat du journaliste Norbert Zongo en 1998. L’excellent diagnostic et les solutions proposées par le Collège de sages auraient pu constituer une opportunité décisive pour construire définitivement une administration républicaine de service public. Malheureusement, la mise en œuvre sélective et partielle des recommandations dudit collège, a abouti a des réformes inadaptées, donc a des résultats mitigés.

Les recommandations issues du Conseil Consultatif sur les Réformes Politiques (CCRP) mis en place consécutivement à la crise militaro-civile de 2011, n’ont pas non plus permis de vaincre le «signe indien» de l’administration burkinabè, de sorte qu’aujourd’hui, aux insuffisances dénoncées dans les années 60, se sont ajoutés de nouveaux maux, occasionnant une défiance générale des citoyens vis-à-vis de l’autorité de l’Etat et un divorce brutal entre l’administration et les administrés.

Cette défaillance de l’administration publique a été telle, qu’elle n’a pas pu anticiper des problèmes publics devenus aujourd’hui des urgences de premier ordre. En témoigne, l’absence de réponse appropriée au chômage de milliers de jeunes et l’indigence généralisée. Et le combat de ceux qui sont tombés les 30 et 31 octobre 2014 n’était pas seulement pour le départ de Blaise Compaoré, mais aussi l’avènement d’une gouvernance politique et administrative rénovée, productrice de valeurs ajoutées profitables à tous. Tout porte à croire donc, que si l’administration publique (centre d’impulsion des politiques publiques) reste en l’Etat, sans des réformes profondes, il faudrait s’attendre logiquement à une autre insurrection populaire d’ici quelques années.

C’est pourquoi, les chantiers des réformes démarrées dans le cadre de la transition doivent intégrer le chantier des réformes de l’Etat et des réformes administratives.

Il s’agira, entre autres, de construire une administration de mérite, qui exclue définitivement le favoritisme et le clientélisme des réflexes des autorités détentrices du pouvoir de nomination. La responsabilisation doit tenir compte désormais des critères objectifs.

La transition doit aussi être le moment propice de construire une administration républicaine débarrassée du spectre de la politisation. Le respect du principe de légalité, du principe de neutralité de l’administration publique et des agents publics ainsi que le principe de l’égalité des citoyens devant le service public doivent trouver une garantie dans l’architecture de la nouvelle administration à construire.

De même, nous avons aujourd’hui une administration de prévarication des biens publics avec à la clé l’impunité et la tolérance généralisée des pratiques anti-déontologiques.

On assiste également à la consolidation d’une administration de domination reproduisant pour son compte les rapports de domination caractérisant certaines sociétés ancestrales, au point que l’arrogance et l’exhibitionnisme des néo-fonctionnaires ont fini par convaincre les populations que l’administration publique n’est pas un service public, mais un instrument de domination d’une classe de privilégiés sur le reste de la société. Toute chose creusant davantage la méfiance entre administration et administrés.

Par ailleurs, l’inefficacité et l’inefficience de l’administration publique sont actuellement un sujet de préoccupation majeure. Sur le plan de l’organisation par exemple, c’est un secret de polichinelle que de dire qu’au Burkina Faso, il n’y a pas une administration, mais plusieurs administrations qui se concurrencent, sinon même qui se combattent, avec au centre d’intérêt, le contrôle du budget de l’Etat ou l’égo surdimensionné de quelques individus omnipotents, souvent plus puissants que l’Etat.

Enfin, il est de notoriété publique qu’au Burkina Faso, l’administration territoriale s’amenuise comme une peau de chagrin. Depuis 1966 avec la rupture, au régime d’exception, s’est arrimée une administration territoriale d’exception qui tarde jusqu’à aujourd’hui, à retrouver son ancrage institutionnel. Et il n’est pas opportun d’évoquer ici les insuffisances sur le plan institutionnel, organisationnel et opérationnel pour un souci de préservation de l’image de la République. C’est au regard des insuffisances criardes dans ce secteur, que le Collège de sages avait recommandé «la professionnalisation et la dépolitisation de l’administration territoriale ». C’était la même recommandation qu’avaient formulée le CCRP, le MAEP, le Conseil Economique et Social et le Secrétariat Permanent de la Bonne Gouvernance, sans que cela ne put faire l’objet d’une mise en œuvre. L’ex-ministre en charge de la question avait amorcé un début de réformes. Sans doute que la transition fera de la mise en œuvre effective de cette recommandation, une réalité si l’on veut doter définitivement notre pays d’une administration territoriale de service public, qui met efficacement en œuvre les politiques publiques conçues par l’administration centrale, pour le bonheur des populations.

Pour conclure, il est opportun de méditer sur le paradoxe ci-après. En matière de performance, les notes de la Banque Mondiale attribuées à notre pays traduisent le fait que l’administration burkinabè fait beaucoup d’efforts et est classée à ce titre parmi les 4 premiers pays en Afrique subsaharienne. Cependant, le Programme des Nations Unies pour le Développement, quant à lui, dresse des résultats mitigés, notamment sur le plan social, classant donc le pays parmi les 4 derniers en Afrique subsaharienne. La raison d’un tel paradoxe (premier en matière d’efforts, mais dernier en matière de résultats) est toute simple. L’administration burkinabè, au lieu d’être une administration de service public, n’est rien d’autre qu’une administration de fonctionnement: obsolète, prévaricatrice et improductive. Et tant qu’on ne lèvera pas cet écueil, il n’y aura pas de satisfaction des besoins des populations avec le risque d’une autre insurrection populaire dans les années à venir.

L’UNABF ose donc espérer que la transition entamée marquera de son empreinte l’acte fondateur d’une administration républicaine de service public qui réconciliera le peuple avec ses institutions et les administrés avec leur administration.

A cela, chaque acteur doit y contribuer et veiller. Car, la construction d’un ordre démocratique nouveau et salvateur, commande plus de responsabilité de la part de chacun, à la place qui est la sienne, à travers une auto-évaluation et une remise en cause sincères pour être en conformité avec les nouvelles aspirations du peuple. Donner le meilleur de soi-même au Burkina Faso est un impératif.

Du reste, l’Union Nationale des Administrateurs civils du Burkina Faso a mis en exergue les nécessités de réformes de l’administration à travers une étude diagnostique qu’elle entend mettre à la disposition de la transition.

Que les âmes des martyrs reposent en paix !

Vive le Burkina Faso !

Fait à Ouagadougou, le 22 novembre 2014

Pour le Bureau Exécutif National

Le Président

Hamidou DIPAMA

Administrateur Civil

[email protected]


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