TRAQUE DES BIENS PILLES LES 30 ET 31 OCTOBRE DERNIERS :Incompréhension entre populations et forces de l’ordre

Au cours de l’insurrection populaire qu’a connue le Burkina, les 30 et 31 octobre derniers, des scènes de pillage ont été constatées, notamment dans la ville de Ouagadougou.  Beaucoup de magasins de stockage situés dans les quartiers Tampouy, Tanghin, Kossodo, Karpala et à la Zone d’activités diverses (ZAD), ont été pillés et la plupart ont été vidés de leur contenu. Pour cela, les forces de l’ordre ont initié depuis le 1^er novembre dernier, dans ces différents quartiers, des contrôles inopinés pour traquer les biens qui ont été pillés et stockés dans des concessions bien ciblées. Mais cela ne semble pas être bien accueilli par les populations qui ne comprennent pas le comportement des forces de l’ordre. Retour sur une soirée de traque au quartier Kalgondin.

Les populations des quartiers Karpala, Kalgondin, Tanghin et Toyibin vivent dans la consternation. En effet, depuis les patrouilles des forces de l’ordre initiées le 1^er novembre dernier, en vue de traquer les biens pillés les 30 et 31 octobre derniers, plusieurs personnes sont dans la tourmente et ne savent pas à quel saint se vouer. C’est le constat que nous avons pu faire, en suivant une équipe de patrouille au quartier Kalgondin dans l’après-midi du 11 novembre dernier. A notre arrivée, l’équipe se trouvait dans la cours de M. Zerbo. « Faites sortir les sacs. Madame, si vous avez les sacs, faites-les sortir », ainsi s’adressait le chef de l’équipe à Mme Sophie Zerbo. Avant que la dame ne s’exécute, une équipe s’est immédiatement introduite dans sa maison d’où elle a retiré 3 sacs de riz. « Je les ai achetés à 2 500 F CFA l’unité, juste pour pouvoir nourrir mes enfants. Maintenant qu’ils ont tout pris, que vais-je faire pour nourrir mes enfants ? », s’est-elle interrogée avec une voix pleine d’amertume. Après la famille Zerbo, cap a été mis sur le domicile de la famille Kaboré. A la porte d’entrée se trouve une maison de 20 tôles dont les occupants étaient absents. Sans les attendre, les gendarmes ont défoncé la porte de la maison.

Certaines populations déplorent l’attitude des forces de l’ordre

A l’intérieur se trouvait un seul sac de 50 Kilogrammes dont le reste ne dépassait pas 15 kilos. « Bon Dieu, il n’y a plus d’honnêtes citoyens dans ce pays-là », a lancé une dame en larmes dans la foule. Et cette dernière n’est pas la seule à déplorer l’attitude des gendarmes. « Il faut que les gendarmes sachent que ce n’est pas tout le monde qui est voleur. Je n’approuve pas leurs techniques d’approche, parce que quand ils arrivent chez quelqu’un, ils emportent tout. Même si c’est un sac de riz qu’ils trouvent, surtout les sacs Aliza de couleur jaune. Ce n’est pas normal, car certains ont acheté ces sacs honnêtement, pour nourrir leurs familles. En plus, ils demandent souvent aux gens de présenter leurs reçus. Ils sont nos frères et ils savent comment ça se passe dans les boutiques du quartier. Généralement, beaucoup achètent leurs articles sans réclamer un reçu ou une facture, puisque nous n’avons pas encore cette culture dans nos cités. Si ce sont les sacs réservés aux cantines, on en disconvient pas, car ces sacs ne se vendent pas dans les boutiques», a indiqué Saydou Tiendrébéogo. Pour Josiane Ouédraogo, les forces de l’ordre doivent revoir leur copie, surtout que le pays est dans une phase de recherche de la quiétude sociale. « Dans certaines familles, quand madame et monsieur sortent le matin, ils ne reviennent que la nuit. Alors que quand les forces de l’ordre arrivent, elles défoncent les portes. Après leur opération, elles s’en vont, laissant la maison des intéressés à la merci des voleurs », a-t-elle observé. Moumouni Saré, lui, s’interroge sur la fiabilité des sources des forces de l’ordre. « Je me demande si ceux qui leur indiquent les cours leur donnent souvent de bonnes informations. Avec qui prennent-elles (NDLR : les forces de l’ordre) ces informations ? Est-ce que ces gens sont réellement mieux placés pour leur donner les informations qu’il faut? Pour moi, nul n’ignore que les gens n’aiment pas les gens. Il suffit que tu aies une dent contre ton voisin et vite sa cour est indexée. Voyez-vous un peu ce que cela crée ?», a argumenté M. Saré. « Ce n’est pas mal qu’ils fassent leur travail, car si tu voles ce qui ne t’appartient pas, il faut t’attendre à cela. Mais est-ce qu’ils sont sûrs que tous les sacs qu’ils retirent sont des sacs volés ? En plus, où est-ce qu’ils amènent ces sacs de riz ? », s’est interrogé Robert Fofana. Autant de questions auxquelles nous avons voulu avoir des réponses avec le chef de l’équipe de patrouille qui a décliné, dans la règle de l’art de l’Armée, notre demande. « Nous travaillons comme des militaires et sous une hiérarchie donnée. Si vous voulez que je réponde à vos questions, il faudra contacter ma hiérarchie. Là, nous pourrons vous autoriser à nous suivre dans nos patrouilles. Sans cela, je vous conseille de rester à l’écart de nos missions», a-t-il fait savoir.

Mamouda TANKOANO