HomeBaromètreVERDICT DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL : «Une leçon pour les politicards du passé»

VERDICT DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL : «Une leçon pour les politicards du passé»


Le Conseil constitutionnel a publié le 10 septembre 2015, la liste définitive des candidats à la présidentielle prochaine. Ce verdict qui élimine deux caciques du régime déchu, notamment le général Djibrill Bassolé et le colonel Yacouba Ouédraogo de la course à la présidentielle et place dans les starting-blocks un ancien compagnon de Blaise Compaoré entré en dissidence avec celui-ci avant sa chute, Roch Marc Christian Kaboré, a été analysé par l’écrivain Adama Amadé Siguiré. Pour lui, à travers cette décision, le Conseil constitutionnel sonne le glas de l’irresponsabilité, de l’immoralité et de l’insouciance. Cette décision, estime-t-il, est une leçon pour tous les politicards du passé, du présent et du futur. Lisez plutôt !

 

Je salue la décision du Conseil constitutionnel : plus que de dire le droit, c’est une leçon de morale qui a été donnée à tous les politicards du passé, du présent et même du futur.

Elle était attendue de tous. Elle, c’est la décision des juges du Conseil constitutionnel. Depuis la publication de la liste provisoire des candidats à l’élection présidentielle, il y a eu assez de commentaires dans les journaux et sur la toile. Si Eddie Komboïgo et Gilbert Noël Ouédraogo ont reçu la leçon de droit et de morale du Conseil constitutionnel, d’autres candidats qui restaient sur la liste devraient la recevoir. Et s’ils ne la recevaient pas, les insurgés des 30 et 31 octobre devraient achever leur insurrection. Et enfin, ce jeudi 10 septembre 2015, le Conseil constitutionnel a tranché : le général et le colonel n’iront pas à l’élection présidentielle. La NAFA et l’UBN ont misé sur des non-partants parce qu’ils sont illégaux. Les deux candidats ont été recalés. Certains pourront vite croire que c’est parce que leur situation dans l’Armée reste ambiguë. Ont-ils démissionné où sont-ils en disponibilité ? Cela n’a pas été la préoccupation des grands juges. Le juge Kambou et ses collègues ont seulement appliqué la loi dans sa lettre et dans son esprit : le général et le colonel ont bel et bien soutenu la révision de l’article 37 de la Constitution. Ils l’ont soutenue. Ils l’ont soutenue parce qu’ils étaient dans la salle du Conseil des ministres le 21 octobre 2014. Ils l’ont soutenue (la fameuse révision) parce qu’ils n’ont pas eu le courage de démissionner. Ils l’ont donc soutenue le matin, à midi et le soir. Il n’y a rien à dire ou à redire. Soutenir, c’est soutenir. Il n’en existe pas mille manières. Les juges ne sont pas contre eux. Ils ont juste appliqué la loi, mais ils ont aussi donné raison au philosophe Jean Jacques Rousseau qui disait dans son livre Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes : « Quelle que puisse être la Constitution d’un gouvernement, s’il s’y trouve un seul homme qui ne soit pas soumis à la loi, tous les autres sont nécessairement à la discrétion de celui-ci». Je salue donc la décision des juges du Conseil constitutionnel. Ils n’ont pas tremblé dans l’application de la loi. Et s’ils ne l’avaient pas

appliquée dans toute sa rigueur, cela voudrait dire que nous ne sommes pas dans un Etat de droit. Mais le Burkina a avancé. Et le slogan est connu, même des sourds et des aveugles : «  Plus rien ne sera comme avant». L’insurrection est une réalité. Tant pis pour les utopistes. Qui l’aurait cru ! Je n’ai rien contre les deux hommes. Je leur demande d’accepter la sage décision des grands juges. Ils ont jugé. Et c’est fini. On doit continuer. En disqualifiant le général et le colonel, les juges ont dit le droit, mais ils ont aussi donné une leçon de morale à tous les politicards en manque de moralité. Désormais, les politiciens de tout bord et de tout poil devraient aller à l’école de la morale et de la dignité. Ils sont nombreux ces politiciens qui ne savent pas où elle se trouve. Ils ont cru et ils se sont dits que la politique rime avec insouciance, irresponsabilité, inconscience et mensonge au Burkina Faso. C’était vrai avant le 30 octobre 2014. Mais, ce n’est plus vrai après le 30 octobre 2014. Nos politicards, je veux dire nos politiciens, assumeront désormais les conséquences de leurs politiques, qu’elles soient politiciennes ou démocratiques. Et ils les assumeront devant le peuple représenté par le Conseil constitutionnel, mais aussi devant Dieu. Point d’échappatoire. Et tant mieux pour eux, pour vous et pour moi. Aucun pays du monde ne s’est développé sans valeurs sociales, démocratiques et républicaines. Que les 14 candidats cessent de se frotter les mains. Le Conseil constitutionnel a donné une leçon de droit et de morale à tous et à toutes. L’épée de Damoclès qui s’est abattue ce soir du 10 septembre 2015 sur le général et le colonel pourrait s’abattre demain sur chacun des 14 candidats qui restent en lice. Et c’est le général et le colonel qui en riront. Le peuple burkinabè est désormais lucide et son Conseil constitutionnel n’a plus de maître. Ce serait se faire des illusions si certains candidats pensent qu’ils sont à l’abri de la dureté de la loi. S’ils l’ont échappé belle cette fois-ci en arrivant à passer entre les mailles du filet, c’est parce que le droit n’est pas droit à tous les endroits, et cela a fait que le juge Kambou et ses collègues n’ont pas trouvé des preuves suffisantes à leur encontre. Sinon, le peuple burkinabè n’a plus de maître, et le philosophe Jean Jacques Rousseau lui donne raison dans son livre Huitième lettre écrite de la montagne quand il dit : « Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres, il obéit aux lois, mais il n’obéit qu’aux lois, et c’est par la force des lois qu’il n’obéit pas aux hommes». Et le contemporain de Rousseau, le philosophe français Benjamin Constant confirme cette assertion quand il affirme : «Les hommes ont inventé l’Etat pour ne plus obéir aux hommes». Alors, tous les politicards du passé, du présent et du futur sont prévenus. Et un homme prévenu en vaut deux. Le Conseil constitutionnel a sonné le glas de l’irresponsabilité, de l’immoralité, de l’insouciance et de l’inconscience en politique au Burkina Faso. A bons entendeurs, salut ! Suis-je tenté de dire. Je termine en appelant tous les fils et toutes les filles de ce pays à plus de sagesse et de lucidité. La loi n’est contre personne, mais elle ne peut s’appliquer qu’à des personnes. Et comme le disait Rousseau : «  La pire des lois vaut encore mieux que le meilleur maître, car tout maître a des préférences et la loi n’en a jamais». J’appelle donc les Burkinabè à plus de sagesse et de lucidité. Et je conclues en disant qu’il vaut mieux être victime de la loi d’un Etat, aussi injuste qu’elle soit, que d’être victime de la loi d’un individu aussi puissant qu’il soit.

Dieu bénisse les grands juges !

Adama Amadé SIGUIRE,

Ecrivain professionnel

E-mail : [email protected]


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