VICTOIRE DE SASSOU AU REFERENDUM : Le satrape prend du galon, Hollande perd les pédales
Quarante-huit heures après le controversé référendum congolais, les résultats commencent à tomber. Le « oui » l’emporte largement avec plus de 92% contre un peu moins de 8% pour le « non ». Et malgré le manque d’engouement criard observé et la très faible affluence des électeurs constatée dans les bureaux de vote, le pouvoir congolais se réjouit d’un taux de participation de 72% qu’il est allé chercher, on ne sait où, pour justifier la maturité et la volonté du peuple congolais d’aller vers une évolution des institutions. Naturellement, l’opposition congolaise, qui s’était mobilisée et avait lancé un mot d’ordre de boycott pour faire échec aux velléités monarchiques du président Sassou à qui, seul, profite ce référendum de la honte, a rejeté ces résultats, visiblement fabriqués, et appelle à la désobéissance civile. Une période d’incertitudes s’ouvre donc pour le Congo, et bien malin qui pourrait en prédire l’issue. Car, autant l’opposition semble déterminée à ne pas accepter cette forfaiture, autant l’on voit mal le maître de Brazzaville renoncer de plein gré à briguer d’autres mandats, même après plus de 30 ans d’exercice du pouvoir. Tout porte donc à croire que le bras de fer entre l’insatiable Sassou Nguesso et son opposition va se poursuivre. Jusqu’à quand? Nul ne saurait le dire pour l’instant. Mais si l’opposition veut se donner des chances de réussite, il faudrait qu’elle maintienne non seulement la pression, mais aussi qu’elle travaille à un large rassemblement de toutes les forces vives de la Nation, dans un front uni, avec la société civile et les syndicats, tout en gardant à l’esprit que ce combat sera de longue haleine. Dans tous les cas, il est bien connu que la liberté ne se donne pas, mais elle se conquiert. Et face à un dictateur qui est prêt à tout, il lui appartient de se montrer à la hauteur du défi, et s’organiser en conséquence. Dans un tel contexte, l’on se demande de quoi peut bien accoucher le dialogue auquel appelle le pouvoir. Pour l’instant, c’est Denis Sassou Nguesso qui peut boire son petit lait ; lui qui aura réussi, grâce à ce référendum, à contourner les deux obstacles majeurs qui pouvaient l’empêcher de briguer un troisième mandat présidentiel au terme de celui en cours, en 2016 : la limite d’âge (fixée à 70 ans alors qu’il en déjà 72) et le nombre des mandats (fixés à deux et qu’il est en train d’épuiser). Mais si, à l’issue de ce référendum, le satrape congolais se trouve renforcé et prend du galon, l’on ne peut pas en dire autant de la France dont l’Exécutif a pratiquement perdu les pédales, par des déclarations et des prises de position dont l’incohérence le dispute à l’opportunisme.
L’équilibrisme de l’Exécutif français dans le dossier congolais pue la mauvaise foi à plein nez
En effet, entre les propos d’un François Hollande qui, à la veille du référendum querellé, reconnaissait à son homologue congolais «le droit de consulter son peuple», le commentaire laconique, au lendemain du vote, du porte-parole du Quai d’Orsay selon lequel la France «prend note du résultat», et le dernier communiqué qui dit que «les conditions dans lesquelles ce référendum a été préparé et organisé, ne permettent pas d’en apprécier le résultat, notamment en termes de participation », l’on a le sentiment que la France n’a plus de ligne de conduite. Surtout que le même Hollande disait, entre-temps, souhaiter « que les Constitutions soient respectées et que les consultations électorales se tiennent dans des conditions de transparence incontestables ». C’est à ne rien comprendre de la position de la France. C’est pourquoi l’on ne peut s’empêcher de penser que sans doute échaudée par le tollé général et la levée de bois vert que lui a infigée la presse africaine francophone pour la première déclaration du patron de l’Elysée, qui a été perçue comme un soutien à un dictateur, la France officielle cherche manifestement à se rattraper par une prise de position plus nuancée, en mettant en doute la crédibilité des résultats du scrutin. Mais le mal est déjà fait. Sassou Nguesso tient « sa chose » et n’est certainement pas prêt à lâcher prise. Tout cela, parce que la France, la patrie des droits de l’Homme et de la démocratie, n’a pas été suffisamment cohérente et ferme sur ses principes. Alors que sa voix compte, surtout dans ses ex-colonies. Avec Hollande, finis les sacro- saints principes de la démocratie et de l’alternance au Congo. Jamais la France n’a autant perdu les pédales au point de se prendre les pieds dans le tapis, tant l’équilibrisme de l’Exécutif français dans ce dossier congolais pue la mauvaise foi à plein nez. Pourquoi cette difficulté à dire ses quatre vérités à Sassou Nguesso qui est en train d’immoler la démocratie dans son pays, sur l’autel de ses ambitions personnelles et égoïstes ? Dans la gestion de ce dossier, le président français a donné de lui l’image d’un personnage incohérent, inconséquent, à la limite brouillon, qui a « versé la figure de la France par terre ». Livré à une véritable torture morale, car pris entre l’enclume des intérêts français à préserver et le marteau de l’aspiration des Congolais au changement, Hollande s’est livré à une partie de funambulisme dont lui seul a le secret, pour tenter de contenter les deux parties. Mais au finish, quand on connaît les circonstances dans lesquelles le vote s’est déroulé, la France doit se retrouver dans ses petits souliers, parce que cette prise de position contribue à brouiller davantage une image déjà mal en point. C’est une catastrophe morale qui devrait gêner aux entournures bien des socialistes français.
Outélé KEITA