HomeLignes de mireVIREE DE VALLS AU TCHAD ET AU NIGER : Une tournée qui renforce la Françafrique et la dictature

VIREE DE VALLS AU TCHAD ET AU NIGER : Une tournée qui renforce la Françafrique et la dictature


Le Premier ministre français, Manuel Valls, vient de boucler une tournée au Tchad et au Niger. Une visite qui s’est déroulée dans un contexte d’insécurité réelle, l’organisation terroriste nigériane Boko Haram ayant encore fait des dizaines de victimes et de la manière la plus sauvage.

Comme pour narguer les Français, Boko Haram s’est en effet illustré au même moment par l’assassinat de 48 commerçants près du village de Doron Baga, sur les bords du Lac Tchad. L’alerte a pu être donnée mais trop tard, par une trentaine de fuyards. Cette agression aurait pu faire encore plus de victimes, dit-on. Les commerçants ayant pris l’habitude de se déplacer en convoi dans la zone.   De sources bien informées, des bases des islamistes nigérians auraient fait l’objet d’attaques de la part de l’armée fédérale dans la nuit de samedi à dimanche. Déjà en août dernier, Boko Haram avait kidnappé   une centaine de villageois. Ils ont été libérés plus tard par les forces tchadiennes. En 2013 également, 85 villageois de la même localité, avaient été tués par les « fous d’Allah » qui ne font honneur ni à la religion musulmane, ni à l’Afrique. Avec les pertes en vies humaines qu’occasionne chacune de ses interventions, Boko Haram confirme chaque jour qu’elle n’a vraiment rien à voir avec l’islam !

L’engagement de la France contre le terrorisme au Sahel aura été au centre de la   tournée de Manuel Valls

Il faut renforcer les actions de coopérations bilatérales et multilatérales, afin de mettre fin à la cruauté et à la barbarie de cette organisation qui a suffisamment hypothéqué le destin des populations nigériannes. L’on comprend d’ailleurs pourquoi par la voix de son Premier ministre, la France a tenu à réaffirmer son engagement dans la lutte contre le terrorisme islamiste. La récente attaque de Boko Haram montre bien qu’une riposte à l’échelon régional est impérative. Le Premier ministre français a bien raison de parler de coalition des armées contre Boko Haram. Mais, pour quand et comment ? Le moins que l’on puisse dire, est qu’à ce jour, tout ce que l’Occident a entrepris n’a point empêché Boko Haram de nuire et de continuer à inquiéter. Il n’empêche, cette visite au Tchad et au Niger a un sens. Ces deux pays ont payé un lourd tribut à leur engagement à défendre les populations africaines, maliennes en particulier, face au péril « djihadiste ». En outre, leur concours a bien souvent été précieux dans la libération d’otages occidentaux, français en particulier. Le cas de l’otage français est de plus en plus présenté sous un angle optimiste. L’homme serait-il déjà en de « bonnes mains » ? Comment la question de la rançon a-t-elle été résolue, sachant qu’officiellement, la France n’en paye pas ? En l’absence de toutes informations concordantes sur la prochaine libération de l’otage français, celui-ci demeure encore une sorte d’épine au pied du pouvoir socialiste français. Sa libération avec le concours du Niger, serait salutaire pour François Hollande dont l’impopularité a atteint des records historiques.

De l’avis du Premier ministre Valls, le Niger passe aujourd’hui pour un pôle de stabilité dans une sous-région instable. Mais sa visite à Niamey et dans les zones où campent les soldats français, s’explique aussi par le fait que ce pays abrite AREVA. Cette société fait partie des premières entreprises françaises bien enracinées sur le continent. Présentement, elle figure aussi parmi celles qui occupent les premiers rangs en France. En même temps qu’il venait dire « merci », Manuel Valls tenait probablement à s’assurer de la préservation des intérêts économiques et géo-stratégiques français. Des rencontres comme celles de N’Djamena et Niamey, permettent de faire le point  et d’harmoniser les actions à entreprendre à divers niveaux. Mais  plus que tout, l’engagement de la France contre le terrorisme au Sahel  aura été au centre de la première tournée africaine de Manuel Valls. Reste que dans les propos du Premier ministre français, il y a une part de démagogie qu’on ne peut s’empêcher de relever.

Ce genre de visites constitue   la sève de la Françafrique

C’est un fait que les armées africaines manquent cruellement de ressources sur tous les plans. Quasi évident aussi, que pour longtemps encore, elles se feront assister au risque de renforcer notre dépendance vis-à-vis de l’étranger. Mais, dans un contexte fortement marqué par des luttes d’intérêts entre puissances, pourront-elles jamais venir à bout des groupes islamistes, ceux-ci étant de surcroît rompus à l’art de mener des guerres asymétriques ? Le soutien dont disposent actuellement les forces africaines, laisse les opinions africaines perplexes aussi bien sur le plan de l’efficacité que sur celui de la souveraineté de l’Etat africain. En tout cas, Boko Haram, lui, continue de frapper en dépit de l’engagement des Occidentaux. Et en quoi la position française telle qu’elle se manifeste présentement sur le terrain, fera-t-elle changer le cours des événements ?

Et puis, un autre effet désastreux que produira immanquablement la visite de Valls : plutôt que de se sentir à l’étroit dans leurs costumes de tyrans, les dictateurs africains ne vont-ils pas    pavoiser ? Il y a de quoi, puisque la Françafrique semble renaître et même se renforcer. Malgré les professions de foi de Paris, la Françafrique tend à devenir pérenne. Comment ne pas croire qu’elle a de beaux jours devant elle ? En tout cas, ses acteurs du continent africain   vont continuer d’espérer, puisque d’une manière ou d’une autre, la visite de Valls dans la sous-région est de nature à inquiéter les démocrates, car ce genre de visites constitue précisément la sève de la Françafrique.  Au Tchad par exemple, cette visite apporte du baume au cœur d’Idriss Deby Itno. Toutefois, il ferait mieux d’avoir le triomphe modeste. Car de plus en plus, les peuples africains se serviront de la rue pour chasser les dictateurs qui ont appris à « apprivoiser » les urnes, autant qu’à « domestiquer » un grand nombre d’élites politiques, notamment en achetant leur silence. Les princes qui espèrent régner à vie feraient mieux d’avoir à l’esprit que Blaise Compaoré avait beau être un pivot dans la lutte contre le terrorisme, il fut prestement chassé par son peuple en colère. C’est un précédent dont il faut absolument tenir compte désormais.

Sans doute faut-il relever que c’est le premier déplacement du chef du gouvernement français depuis sa nomination à Matignon. On a très rarement observé par le passé des déplacements de premiers ministres français sur le continent. Ce qui, au demeurant, donne tout son caractère exceptionnel à cette visite ; car de telles tâches reviennent habituellement au Chef de l’Etat français ; et à ses ministres.

En tout état de cause, il n’y avait rien à en attendre sur le plan du renforcement de la démocratie en Afrique. Loin, très loin s’en faut.

 

« Le Pays »


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