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AN I DE ROCH KABORE : Les chantiers restent énormes


 

29 décembre 2015-29 décembre 2016. Cela fait un an, jour pour jour, que Roch Marc Christian Kaboré étrennait ses habits de président du Faso. L’évènement, on se rappelle, avait été marqué de solennité et de fortes émotions. Car, c’était la première fois dans l’histoire politique du Burkina, qu’une alternance véritablement démocratique s’opérait dans le pays. Il faut aussi ajouter que l’évènement avait ceci de particulier qu’il venait officiellement mettre fin à une période de transition politique qui, visiblement, est loin d’avoir été un long fleuve tranquille au regard des turbulences et des adversités auxquelles elle a fait face. Un an après tout cela, que peut-on retenir de l’action de l’Enfant de Tuiré à la tête de l’Etat burkinabè ? Cet exercice, il faut en convenir, est difficile et périlleux, étant donné qu’il s’agit d’évaluer les actions d’un an d’un homme, alors que ce dernier a mis en place un programme à exécuter en 5 ans. Mais cela n’empêche pas de s’y essayer. Pour ce faire, il sied d’abord de voir la bouteille à moitié pleine avant de relever les aspects liés à la bouteille à moitié vide. En ce qui concerne les actions que l’on peut qualifier de positives, l’on peut retenir les faits suivants. D’abord, au plan politique, l’on peut s’arrêter premièrement sur l’installation d’une commission constitutionnelle où sont représentées pratiquement toutes les sensibilités, à l’effet de cogiter sur la mise en place d’une nouvelle loi fondamentale. Dans l’espoir que le texte qui en sortira sera à la hauteur de la démocratie, la vraie, l’on peut déjà saluer le souci de Roch Marc Christian Kaboré d’associer les Burkinabè dans leurs diversités politiques et culturelles à la réécriture de ce document qui doit symboliser le renouveau démocratique du Burkina Faso.

Tout le monde n’a pas encore trouvé son compte

Au départ, les choses avaient été mal engagées, mais Roch Marc Christian Kaboré a eu la modestie et la grandeur, peut-on dire, de les réajuster en prenant en compte les remarques et les inquiétudes formulées par l’opposition politique. Dans le même registre, l’on peut mentionner et saluer la mise en place de la commission chargée de se pencher sur la réconciliation nationale. L’intention, en tout cas, est bonne. Car, nul ne peut nier aujourd’hui la nécessité d’une telle structure au regard des nombreuses victimes engendrées par le recours à la violence en politique ; chose qui a toujours caractérisé le Burkina. Tout autre élément positif que l’on peut se risquer à relever est l’apaisement de la tension entre la Côte d’Ivoire et le Burkina. Ce réchauffement diplomatique entre les 2 pays rassure la très forte diaspora burkinabè en Eburnie et facilite la mise en œuvre de projets communs aux deux Etats. Et c’est tant mieux pour l’intégration des peuples et des économies. Ensuite, au plan économique, l’on peut saluer l’effort du pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré qui a amorcé le payement de la dette intérieure, toute chose qui peut permettre de booster l’activité économique. Certes, tout le monde n’a pas encore trouvé pour le moment son compte, mais il y a tout de même des petits pas qui ont été faits dans le sens d’éponger la dette intérieure. Le deuxième élément que l’on peut évoquer en rapport avec l’économie, est la réussite des négociations de Paris sur le PNDES (Plan national pour le développement économique et social). Il est vrai que pour le moment, on est au stade des promesses, mais l’on peut déjà dire que les perspectives sont bonnes. Enfin, au plan social, l’on ne peut pas perdre de vue la mise en œuvre de la gratuité des soins pour les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes.

L’on peut dire que l’an I de Roch a été marqué par des efforts

Même si des insuffisances sont constatées à ce niveau, l’on peut saluer à sa juste valeur, cette mesure inouïe et hautement sociale tout en souhaitant que les insuffisances constatées soient résorbées au plus vite. Pour voir maintenant la bouteille à moitié vide, l’on peut mettre le doigt sur les insuffisances suivantes. Premièrement, l’on peut s’arrêter sur l’insécurité. Celle-ci est en passe de devenir la chose la mieux partagée, surtout dans les zones frontalières avec le Mali. Les attaques récurrentes et meurtrières qui y sont enregistrées, nuisent véritablement à l’image du pays. Et pour appeler les choses par leur nom, l’on peut se risquer à dire que la politique sécuritaire de Roch présente des faiblesses, tant au niveau du renseignement, de l’équipement des hommes qu’au niveau du commandement. Il est vrai que les djihadistes sont imprévisibles, mais en ce qui concerne le Burkina, l’on peut avoir l’impression que la zone frontalière avec le Mali, du côté de Djibo, est devenue pratiquement leur paradis. Ils y entrent comme ils veulent, commettent leurs forfaits comme ils veulent et en ressortent à leur guise, laissant invariablement au Burkina le soin de compter ses morts et de constater les dégâts matériels. Sans forcément être coupable, la responsabilité morale du président est fortement engagée dans cette situation et ce d’autant plus que la Constitution fait de lui le garant de la sécurité intérieure et extérieure du pays. Le deuxième ventre mou de l’an I de Roch est lié à sa gestion des revendications sociales. A ce niveau, l’on peut noter que cela se fait à la tête du client et surtout selon, peut-on avoir l’impression, la capacité de nuisance des uns et des autres. De ce fait, certains syndicats ont été largement et généreusement servis alors que les autres ont été méprisés. Pour des agents de la même Fonction publique, cela relève d’un manque prononcé d’équité de traitement qui est intolérable dans une république digne de ce nom. C’est ce manquement, disons ce péché originel, qui explique l’avènement du printemps des grèves et autres mouvements d’humeurs auxquels nous assistons aujourd’hui. La troisième insuffisance de l’an I de Roch est la lenteur que l’on peut observer dans la relance de l’activité économique. Il aurait fallu, pour inverser les tendances dans ce domaine, que l’Etat, par exemple, mettre un point d’honneur à remettre sur pied les outils de travail qui ont été fortement secoués et atteints par les turbulences politiques des deux dernières années. En ne le faisant pas, non seulement l’Etat a mis au chômage des milliers de Burkinabè, grossissant ainsi l’armée de ceux qui sont obligés de tendre la sébile pour ne pas mourir de faim, mais aussi il a réduit le répertoire des contribuables. Et pour ne pas arranger les choses, l’on note la persistance de la corruption, véritable cancer de notre pays, et des nominations de copains et de coquins de quartier à des postes de responsabilité. Le tableau des points noirs de l’an I de Roch serait incomplet si on n’y mentionnait pas la gestion approximative des grands dossiers qui restent pendants devant la Justice. L’on pourrait objecter que cela n’est pas de la compétence de Roch Marc Christian Kaboré. Mais la séparation des pouvoirs ne doit pas être comprise au sens où l’Exécutif ne soit pas autorisé, dans l’intérêt général, de demander au pouvoir judiciaire de ne pas dormir sur les dossiers. De tout ce qui précède, l’on peut dire que l’an I de Roch a été marqué par des efforts allant dans le sens d’ajouter de la terre à la terre mais aussi par de grandes insuffisances. Les chantiers restent donc énormes. Et il faut espérer qu’en l’an II, les plaies de l’an I seront un mauvais souvenir.

« Le Pays »


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