Me BENEWENDE S. SANKARA, PRESIDENT DE L’UNIR/PS :« Si des militaires emboîtent le pas à Sankara, le peuple ne peut qu’applaudir »
Le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida a été nommé Premier ministre du Burkina. Ainsi, après la désignation de Michel Kafando comme président de la transition, ce dernier a nommé le chef de l’Etat sortant, le Lt-colonel Yacouba Isaac Zida, Premier ministre de la transition. Afin de recueillir son avis sur cette nomination, nous avons approché Me Bénéwendé Sankara, président de l’UNIR/PS, qui a, par ailleurs, activement pris part à la rédaction de la Charte devant encadrer la transition. Dans cet entretien, Me Sankara donne également son avis sur la composition et la feuille de route du gouvernement de la transition. Lisez plutôt !
« Le Pays » : Etes-vous satisfait de la nomination du lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida comme Premier ministre de la transition ?
Me Bénéwendé S. Sankara : Le Burkina Faso de l’insurrection vient de loin. Il faut faire une analyse très profonde pour savoir qu’à partir du 31 octobre dernier, l’insurrection avait besoin d’être gérée. Si les révolutionnaires n’ont pas pu, à la date du 31 octobre, mettre un gouvernement révolutionnaire en place, il est tout à fait normal qu’on tienne compte de l’environnement politique en face pour tirer les conclusions. Il ne faut pas aussi perdre de vue que si Blaise Compaoré avait simplement retiré le projet de loi funeste qui devrait être voté le 30 octobre, on n’allait naturellement pas parler de transition. Comme il l’a fait tardivement, il allait prendre l’engagement de quitter le pouvoir en 2015, l’article 37 n’allait pas être modifié et nous allions avoir des élections en 2015. Maintenant, c’est une période transitoire ; une période transitoire est une période exceptionnelle. C’est une période d’exception qui ne dit pas son nom. Le Burkina n’évolue pas en vase clos ; il appartient à un système que nous combattons, que nous dénonçons avec mon parti l’UNIR/PS, avec les voies légales, en tenant compte de l’arsenal juridique.
De mon point de vue, si avec cette pression, en deux semaines, le Lt-col Zida a remis le pouvoir aux civils en accédant à cette pression et à cette requête, c’est que cette Charte qui est devenue une loi fondamentale, a trouvé effectivement une application en tous ces points. D’abord, il faut noter que la Charte n’interdit pas qu’un militaire soit nommé Premier ministre. C’est une prescription constitutionnelle résultant de la Charte de transition. De ce point de vue, on ne peut reprocher à M. Zida qui est militaire d’avoir été nommé Premier ministre.
Aussi, c’est une prérogative du chef de l’Etat, Michel Kafando, de nommer son Premier ministre. Il aurait pu être journaliste, avocat, bref, n’importe quel Burkinabè. Il a choisi quelqu’un qui porte la tenue.
Enfin, je pense que ce qui heurte la conscience des Burkinabè, c’est l’appartenance du Lt-colonel Zida au Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Le fait d’être issu de ce corps est une déception pour bon nombre de Burkinabè parce que le RSP a, dans son actif, sinon dans son passif, beaucoup de crimes. Mais n’oubliez pas que la Charte a prévu la création d’une commission vérité, justice et réconciliation nationale. Que les Burkinabè ne l’oublient pas. Comment pouvons-nous réconcilier notre histoire avec nous-mêmes ? Comment pouvons-nous avancer vers une transition apaisée qui permette vraiment aux Burkinabè de se faire le fondement d’une vraie démocratie si nous mettons l’Armée de côté ? Ce n’est pas possible.
Je ne suis pas vraiment gêné que ce soit à la Poutine qu’on se retrouve avec un chef d’Etat de 16 jours qui soit maintenant Premier ministre. Mon problème est plutôt de savoir si l’Armée aura suffisamment de cohésion et de forces pour accompagner tout le processus à terme. Si le Lt-col Zida a été ovationné et qu’il a accepté, à un moment donné, de s’engager à ce qu’on fasse la Charte, le minimum est qu’on lui accorde le bénéfice du doute. En outre, j’ai toujours dit et j’ai la ferme conviction qu’un gouvernement insurrectionnel est un gouvernement précaire. Cela veut dire que, même si vous mettez un ou des généraux à la tête du gouvernement, du CNT ou même de l’Etat, il est précaire en ce sens que les mêmes causes sont toujours là. La même population, le même peuple est encore là et veille. Le Lt-colonel Zida ne peut donc rien faire qui puisse contrarier le peuple burkinabè. Mais si le peuple burkinabè se jette dans un débat à la limite alambiqué et politicien, il va se fourvoyer lui-même. Ce que nous voulons, c’est que dans les 12 mois, autant il a accepté de donner le pouvoir, autant il doit pouvoir quitter librement pour qu’un civil démocratiquement élu prenne le pouvoir. Pour moi, il ne faut pas tergiverser ; les Burkinabè doivent désormais se mettre au travail. Il ne faut pas qu’on soit à genoux ; il faut qu’on aille de l’avant. Ne stigmatisons pas. C’est en ce sens que j’ai confiance en cette Charte dont j’ai activement participé à l’élaboration, qui a été acclamée et ovationnée par tous les Burkinabè et au-delà. C’est vrai que les Hommes ont leur passé et leur histoire mais seuls les imbéciles ne changent pas. Pourquoi le MPP est dans l’Opposition aujourd’hui ? Faut-il écarter les leaders de ce parti qui, hier, étaient au pouvoir ? Faut-il écarter, par exemple, Zéphirin Diabré qui a été ministre sous Blaise Compaoré ? Est-ce qu’il faut avoir cette vision étriquée de la démocratie ? Je crois que non. L’inclusion fait partie de la démocratie. Si vous prônez l’exclusion, c’est que vous n’êtes pas démocrate. Même au sein d’une famille, il y a des contradictions. Il y a des points sur lesquels on ne s’entend pas. L’essentiel ici, c’est la transition.
Ne pensez-vous pas qu’il y a un risque de blocage au sommet de l’Etat avec un Zida bouillant comme Premier ministre et un président civil, Michel Kafando, visiblement calme et tempéré ?
Je ne souhaite pas qu’il y ait blocage et personne n’a intérêt qu’il y en ait. Notre pays est déjà bloqué. Je ne suis pas un bon physicien, mais pour qu’il y ait de la lumière, il faut qu’il y ait un plus et un moins. Je pense que s’il y a un bouillant et un tempéré, c’est tant mieux pour la transition. Il y aura une certaine balance, un certain équilibre. D’ailleurs, moi, ça ne me gêne pas qu’un militaire soit à la primature. Quand vous regardez, le président de la transition est civil. Le président du CNT est civil. Le Premier ministre travaille sous les ordres du président et vous avez un gouvernement dans lequel il y a des civils. Mais n’oubliez pas le rôle du peuple ; surtout pas ! Les différentes composantes qui ont élaboré la Charte sont là. Les OSC, les partis politiques, même si le Chef de file de l’Opposition politique (CFOP) a été fermé, la communauté religieuse et coutumière, les médias, etc., tout ce beau monde est là et chacun doit jouer son rôle de veille.
Ne pensez-vous pas que la présence des politiques dans le gouvernement de transition est un risque en ce sens que chacun travaillera à défendre sa chapelle ?
La philosophie de la Charte, c’est de travailler au maximum dans la neutralité et l’impartialité, en vue d’élections équitables. Donc, s’il y a un gouvernement qui travaille de façon partisane, cela peut effectivement poser problème. Le Premier ministre, étant justement de l’Armée, doit jouer la neutralité. C’est donc un atout supplémentaire que ce soit un militaire et non quelqu’un qui serait soupçonné d’appartenir à une force politique.
Aussi, l’ensemble des forces vives et des forces de défense devraient se reconnaître dans ce gouvernement. La feuille de route du gouvernement sera donc claire. Il ne s’agit pas d’un gouvernement issu d’élections qui vient avec un programme de société. C’est un gouvernement d’insurrection et de transition, donc un gouvernement de crise. Et un gouvernement de crise n’a pas le temps. Il aura une mission cadrée pour 12 mois, avec un objectif qui serait qu’après les élections de 2015, la transition soit applaudie par toutes la communauté nationale et internationale, par les Africains parce qu’on aura en Afrique, pour la première fois, des élections propres. C’est ça l’objectif. Il ne s’agit pas, pour ce gouvernement, d’appliquer un programme quelconque. Maintenant, s’il y a des hommes politiques à l’intérieur du gouvernement qui veulent travailler pour que la balance soit de plus en plus du côté de leur
formation politique, je pense que le chef de l’Etat, le Premier ministre, toutes les autorités doivent veiller à ce qu’il y ait de l’équité. Le chef de l’Etat, Michel Kafando, a d’ailleur annoncé la couleur et il faut le prendre aux mots. Si vous lisez la Charte, des valeurs y ont été codifiées, l’accent a été mis sur un certain nombre de valeurs comme la probité pour qu’on puisse se donner confiance afin que la transition puisse aboutir.
Seriez-vous prêt à participer au gouvernement de transition ?
Non ! Peut-être mon parti. Je ne suis pas personnellement intéressé par le gouvernement. Mais si des cadres de mon parti sont intéressés et s’ils répondent au profil et aux critères, il n’y a aucun problème. Nous sommes des acteurs de cette transition et nous ne devons pas être en rade ; nous ne devons pas nous la laisser conter. Nous devons travailler à ce que la transition réussisse sa mission.
Si l’insurrection avait réglé le problème de l’appareil d’Etat, nous n’aurions plus de problèmes. Mais ce fut une transition inachevée. Vous avez vu qu’en 48 heures, chacun pouvait être chef de l’Etat. Ce n’est pas du ridicule, c’est l’expression de l’insurrection. On n’avait pas un parti d’avant-garde capable de dire « cette révolution m’appartient ». Si fait que des gens ont pensé qu’ils pouvaient prendre le pouvoir et le donner à qui ils voulaient. On a vu le Général Kouamé Lougué, on a vu Mme Saran Sérémé… C’est cela aussi la résultante d’une insurrection populaire parce qu’effectivement, le pouvoir appartient au peuple.
Est-ce parce que Zida a du sang Sankariste en lui que vous le soutenez ?
En partie oui ! Déjà, dans son discours, il a fait référence à la Révolution du 4 août 1983, lors de la signature de la Charte. C’est un référentiel qui m’amène, d’un point de vue idéologique et politique, à me dire que c’est un Sankariste tout comme d’autres. Aujourd’hui, on ne sait même plus qui est Sankariste. Il y a des Sankaristes de l’UNIR/PS, il y en a d’autres dans les associations, mais aussi dans l’armée. L’essentiel est qu’il y ait une véritable convergence de points de vue parce que le système est encore là. On ne peut être Sankariste parfait que si on s’attaque au système. Blaise Compaoré est parti parce qu’il y a eu une lutte. J’ai chaque fois dit que la révolution ne se décrète pas. L’insurrection des 30 et 31 octobre ne s’est pas décrétée. C’est un travail de longue haleine, de préparation, de formatage du peuple pour qu’il prenne conscience que son destin lui appartient et lui revient. Et effectivement, cela a pu se réaliser. Mais si vous sautez dans un feu, comme le dit le Pr Ki-Zerbo, il y a un 2e saut à faire. On a fait partir Blaise Compaoré mais il faut faire partir le système. Le système, on ne le fait pas partir en un seul jour, par un coup de bâton magique. C’est un travail de longue haleine, dans la durée et surtout dans la conscientisation qui est que la gestion du pouvoir d’Etat doit être effectivement entre les mains du peuple dans la gouvernance, dans la lutte contre l’impunité, dans la lutte contre la corruption, offrir des emplois, réduire les inégalités… Cela est un projet de société ! A la place de la révolution le 31 octobre, qui pouvait dire, « voilà mon programme de société!».
C’est maintenant, pendant où à l’issue de la transition qu’on demande aux Sankaristes s’il y en a. Si des Sankaristes se réfèrent à la vision du président Sankara, qu’ils viennent maintenant s’exprimer et dire : « voilà ce que nous défendons et si nous étions au pouvoir, sans les armes, voilà de façon concrète l’idée du président Sankara que nous capitalisons et que nous traduisons en actions politiques ». C’est cela que l’UNIR/PS fait depuis des dizaines d’années et cela a contribué à une prise de conscience. Des associations de la société civile, des scientifiques, des Sankaristes isolés, des anonymes ont travaillé sur ce registre de l’idéal Sankara. Si des militaires emboîtent aujourd’hui le pas au président Sankara dans leur discours et posent des actes concrets, le peuple ne peut qu’applaudir. Déjà, des actes ont été posés par Lt-colonel Isaac Zida, alors chef de l’Etat et le peuple burkinabè a applaudi en disant que ce sont des actions concrètes. Mais n’oubliez pas que si Sankara vivait aujourd’hui, il aurait plus de 60 ans. Les mutations sociales, nous les intégrons en tant qu’acteurs politiques, dans la recherche de solutions pour les populations. Mais il y a des fondamentaux. Quand le Lt-colonel dit : « Désormais les politiques doivent écouter la voix du peuple ». Ça c’est du Sankara ! Et nous, à l’UNIR/PS, nous avons pour slogan : « Pas un pas sans le peuple ».
Mais ce n’est pas nous qui avons porté les militaires au pouvoir, je le dis une fois de plus haut et fort. On a demandé à l’Armée de prendre ses responsabilités et elle l’a fait. Nous nous sommes investis en tant qu’acteurs de l’insurrection, pour que, très rapidement, on retourne à une vie constitutionnelle normale avec une Charte, un Collège de transition où j’ai eu l’honneur d’être membre. Maintenant, les organes se mettent lentement en place ; je crois que les Burkinabè ne doivent plus tergiverser ; mettons-nous au travail pour que cette transition finisse le plus rapidement possible et que des organes démocratiques soient mis en place pour vraiment prendre en compte les aspirations multiples et nombreuses de nos populations. Evitons les polémiques et les querelles inutiles ; allons droit au but.
L’histoire nous dira la suite, mais en attendant, armons- nous de courage. Je m’adresse particulièrement aux démocrates, aux patriotes et aux Sankaristes de ce pays, soyons tolérants.
Qu’entendez-vous par la tolérance ?
La tolérance n’est pas synonyme d’impunité ni de démagogie ou de mensonge. La tolérance est synonyme de vérité et sans vérité, vous ne pouvez rien construire. La vérité entraîne le pardon et le repentir dont parle Isaac Zida. Repartez lire les conclusions du Collège des sages et les écrits de Monseigneur Anselme Sanou. Il n’a pas été suffisamment écouté, sinon on n’en serait pas là. Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’on voit une population déferler un matin, qui se met à brûler et à casser. Ce sont des enfants du peuple qui ont fait couler leur sang pour que ce pays soit debout. C’est cela la tolérance. C’est-à-dire accepter de dire que ce pays nous appartient à nous tous. Il n’y a pas de mauvais, de méchant, mais que chacun réponde de ses actes. C’est cela la Justice. Quand on est insurgé, cela signifie qu’on est révolté, donc victime d’une injustice. Faisons donc en sorte qu’il y ait la Justice.
Propos recueillis et retranscrits par Thierry Sami SOU
Burkinbi
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Merci Maitre.
SANKARA est plus que vivant car il y a des millions de SANKARA dans notre pays et plus rien ne sera comme avant.
A bas les hibous au regard fuyant!
A bas les criminels qui suchent le sang du Peuple!
A bas la compaorose, cette maladie qui nous rongent depuis plus de 27 ans!
A bas les corrompus, les corrupteurs et leurs réseaux!
Pouvoir, justice et dignité au Peuple!
La Patrie ou la mort, Nous vaincrons!
21 novembre 2014la sentinelle
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félicitation, à maître Sankara pour ta constance dans la lutte et l’éveille des consciences de la population.
21 novembre 2014salif
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grande interview, chapeau bas à maitre Sankara.
21 novembre 2014Yirmopoaka
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L’union fait la force et le peuple burkinabé l’a vécu concrètement les 30 et 31 Octobre 2014.
22 novembre 2014Restons unis et on ira de l’avant, on fera enfin émerger notre Burkina de l’immersion forcée durant 27 ans.
Sacksida
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Faisons attention ! La structuration d’un régime politique requiert la combinaison d’un certains nombres d’éléments, les uns juridiques et les autres extra-juridiques tels que les cadres institutionnels et les cadres administratifs ! Un régime qui se veut donc démocratique, c’est l’équilibre des pouvoirs par la séparation organique et fonctionnelle des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires où chacun des organes doit en ce qui le concerne jouer indépendamment son rôle et ses responsabilités ; tout en étant complémentaires aux autres ! Toutefois, il faut souligner que le problème du Burkina Faso, réside plus dans moralisation publique que dans la structuration. La structuration peut être bonne mais c’est le contenu et la philosophie qui à notre avis pose problème ! Bien sur certaines structures spécifiques et délicates gagneraient à être réformer tout tenant compte que comme l’a si bien dit le Docteur Ra-sablga : « Quand un moustique est posé sur le testicule on ne frappe avec un bâton » sinon au risque d’écraser tous les deux ! Donc, nous estimons que c’est la moralisation administrative et judiciaire pour qu’au-delà des intérêts égoïstes, les intérêts généraux soient mis au centre de la gouvernance publique ! Salut !
22 novembre 2014