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CRISE LIBYENNE


Alors que sur le théâtre des opérations militaires, les troupes du Gouvernement d’union nationale (GNA), après avoir engrangé d’importantes victoires avec l’appui de la Turquie, peinent à faire sauter le verrou stratégique de la ville de Syrte qu’elles veulent reprendre aux hommes du maréchal Khalifa Haftar, la communauté internationale recommence à donner de la voix. En effet, le président égyptien, le général Abdel Fattah al-Sissi, menace d’intervenir directement dans le conflit si la ligne rouge de Syrte est franchie par les hommes du Premier ministre Fayez el-Sarraj pendant que c’est à une véritable passe d’armes que l’on assiste entre le président français, Emmanuel Macron, et le président turc, Recep Tayyip Erdogan qui s’accusent mutuellement de soutenir l’un ou l’autre camp en violation de l’embargo des Nations unies sur les armes en Libye. C’est dans ce contexte très tendu que les Américains, contre toute attente, après avoir, un temps, fermé les yeux sur l’intervention turque, font volteface en appelant au départ des troupes étrangères du pays et à une résolution pacifique de la crise.

On avait promis à la Libye la démocratie et on ne lui sert finalement que des larmes et du sang

Le constat que l’on peut établir suite à ces récents développements de cette crise qui ne finit pas de faire parler d’elle, est que la Libye est aujourd’hui l’otage des intérêts des puissances étrangères qui, comme la souris, mordent et soufflent ensuite sur la plaie. Tant que perdurera cette hypocrisie des Occidentaux qui n’ont d’yeux que pour les réserves pétrolifères et gazifières et le marché d’armes à ciel ouvert qu’est devenu le pays de Mouammar Kadhafi, les populations libyennes ne connaîtront jamais la paix. En effet, au regard de la situation actuelle, aucun des deux camps ne peut l’emporter militairement et l’enlisement du conflit ne fait que prolonger les souffrances du peuple libyen qui se retrouve être le dindon de la farce. On lui avait promis la démocratie et on ne lui sert finalement que des larmes et du sang. Le brasier libyen continuera aussi à consumer les pays de la bande sahélo-saharienne dont la stabilité et la sécurité sont mises à rude épreuve par les groupes armés de tout acabit.  Dans cette foire d’empoigne, la seule voix de la conscience humaine qui se fait entendre est celle de la Cour pénale internationale (CPI) dont la procureure, Fatou Bensouda, menace de poursuites, les auteurs d’actes de tortures et autres exactions suite à la récente découverte de charniers à Tarhouna, dans l’Ouest du pays. En attendant des actes concrets, l’on peut déjà se féliciter de ce coup de semonce de la Justice internationale qui devrait freiner les ardeurs criminelles des acteurs de cette guerre. Ils savent désormais qu’ils ne peuvent pas se permettre toutes les atrocités à l’ombre de la guerre et que tôt ou tard, ils devront répondre de leurs actes. Il reste à savoir s’il n’est pas trop tard et si le pire n’est pas déjà fait. Cela dit, l’on peut regretter que dans cette cacophonie des voix qui s’entremêlent, celle de l’Afrique soit inaudible. Après les populations libyennes, l’Afrique subsaharienne, en l’occurrence l’Afrique de l’Ouest, est celle qui paie le plus lourd tribut à cette guerre.

Ce sont les groupes islamistes, les lobbys d’armes et les pilleurs des ressources minières de la Libye qui se frottent les mains

En plus des énormes pertes en vies humaines du fait des exactions des groupes armés, ce sont d’immenses ressources financières qui sont englouties dans la lutte contre l’insécurité, hypothéquant ainsi tous les efforts de développement. Il n’est donc pas compréhensible que l’Afrique au Sud du Sahara, n’ait pas son mot à dire en ce moment crucial de la crise, où toutes les parties prenantes au conflit tentent de se faire entendre au nom de leurs intérêts respectifs.  Ceci étant, on peut se demander si la solution à la crise en Libye peut venir des puissances étrangères dont la position n’a cessé de varier au gré de leurs intérêts. On est tenté de répondre à cette interrogation par la négative. Pour preuve, l’implication étrangère ne s’est jusque-là soldée que par l’enlisement du conflit. Il est donc temps que les Libyens eux-mêmes comprennent qu’ils ne sont que les marionnettes des puissances étrangères et qu’ils acceptent, dans un élan de patriotisme et de fraternité, de s’asseoir sous l’arbre à palabres africain pour chercher ensemble la solution à leur problème. Jusque-là, ils ont mis l’accent sur ce qui les divise. Il est temps à présent de faire autant pour ce qui les unit. Il est fort à parier que de leur synergie d’actions, sortira une solution endogène qui permettra de tourner la page de cette longue crise qui a fait de leur pays un « no man’s land » où des pratiques abjectes se déroulent. Et si véritablement, les puissances étrangères qui crient leur attachement à la paix, veulent du bien de la Libye, elles utiliseront les immenses moyens qu’elles injectent dans le soutien aux belligérants, pour créer une force d’interposition afin d’éviter un massacre à grande échelle. Mais l’on peut continuer à rêver car demain ne semble pas la veille de ce jour qui verra se lever sur la Tripolitaine, le soleil qui dissipera les nuages de la discordance. En attendant, ce sont les groupes islamistes, les lobbys d’armes et les pilleurs des ressources minières de la Libye qui se frottent les mains.

« Le Pays »


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