HomeA la uneCRISE LIBYENNE:La solution n’est pas que militaire

CRISE LIBYENNE:La solution n’est pas que militaire


Suite à l’évolution récente dans la crise libyenne marquée par l’intervention  annoncée de l’armée turque, le représentant de l’Union africaine (UA), le président congolais, Denis Sassou Nguesso, a brisé le   silence en  demandant que l’Afrique ne soit pas mise à l’écart dans le dossier libyen. Cette requête peut être interprétée comme un retour à la rescousse du continent africain après l’initiative avortée de l’organisation panafricaine qui avait proposé, sans succès, au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU)  un plan africain de règlement du conflit. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’UA, à travers son médiateur désigné, est dans son rôle. Et pour cause. D’abord,  l’organisation continentale a,  depuis ses fonts baptismaux, fait de la souveraineté de l’Afrique, son cheval de bataille. Elle ne peut donc, sans renier l’esprit de ses pères fondateurs, assister sans piper mot à l’immixtion turque dans les affaires intérieures d’un de ses Etats membres.

La communauté internationale aurait tort de ne pas écouter la voix de l’Afrique

Ensuite, les pays africains, notamment ceux de la bande sahélo-saharienne, sont les premiers à payer les pots cassés dans le chaos libyen qui a ouvert les portes du Sahel à toutes sortes de bandes armées qui ont mis sous coupe réglée des régions entières, aidées en cela par la porosité des frontières. Les chefs d’Etat de la sous-région, en l’occurrence le président nigérien, Mahamadou Issoufou et le président burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré, n’ont d’ailleurs eu de cesse de tirer la sonnette d’alarme.

Si donc Denis Sassou Nguesso a raison de lancer ce cri du coeur, la question que l’on peut cependant se poser, est la suivante : quelles chances a-t-il d’être entendu ?  Il ne faut sans doute pas se leurrer. Il n’en a aucune. L’explication en est que l’imbroglio libyen est le résultat de puissants jeux d’intérêts, notamment des puissances occidentales qui ne mettront jamais sous le boisseau leurs intérêts économiques et géostratégiques au nom d’une prétendue souveraineté ou sécurité du continent africain. Et d’ailleurs, quelles chances a-t-on d’être entendu lorsque l’on tend éternellement la sébile aux puissances occidentales ?  De ce qui précède, l’on peut conclure que le représentant de l’UA prêche dans le désert libyen. Tout au plus,  a-t-il fait une sortie pour se donner bonne conscience et in fine son cri du cœur n’est que l’expression de l’aveu d’impuissance de tout un continent qui assiste au dépècement de la Libye.

Mais il faut le dire, la communauté internationale aurait tort de ne pas écouter la voix de l’Afrique dans les solutions qu’elle tente ou feint d’apporter au problème libyen. Et pour cause : des pays africains et pas des moindres sont parties prenantes au conflit soit en raison du soutien qu’ils apportent à l’un ou l’autre des protagonistes, soit en raison de leur proximité géographique avec la Libye. Ensuite, l’insécurité qui résulte du désordre libyen, ne touche pas seulement les pays africains mais elle constitue également une menace permanente pour les intérêts occidentaux sur tout le continent et même au-delà des frontières africaines. En plus, les portes de la sécurité des Etats occidentaux se situent en Afrique.

Les puissances étrangères filent du mauvais coton en Libye

Cela dit, si l’Afrique veut avoir une voix audible dans le conflit libyen, elle doit aller au-delà des déclarations épisodiques pour joindre à son plan de règlement des conflits, des actions concrètes sans attendre les Occidentaux. Mieux, elle doit parler d’une même voix. Or, visiblement, les pays africains, à commencer par les voisins immédiats de la Libye, ne sont pas sur la même longueur d’onde. En effet, pendant que l’Algérie ne fait pas mystère de son soutien au gouvernement d’union nationale de Fayez el-Sarraj qu’elle a d’ailleurs récemment reçu en compagnie du ministre turc des Affaires étrangères, l’Egypte et le Tchad constituent de puissants soutiens au Maréchal Haftar dont les troupes viennent de s’emparer de la ville de Syrte.  Il y a donc une cacophonie et une divergence d’intérêts nuisibles à une position claire et forte  de l’Afrique sur la crise libyenne. Toute chose qui contraint les acteurs du conflit à rechercher, chacun de son côté,  des soutiens extérieurs au continent pour faire balancer en sa faveur, le rapport de forces.

Cela dit, en attendant que l’Afrique se donne les moyens de sa politique, l’on ne cessera jamais de répéter que les puissances étrangères filent du mauvais coton en Libye. Car ce n’est pas en cherchant l’équilibre des forces que l’on ramènera la paix dans le pays. A moins que, sous le couvert de la recherche de la paix,   l’Occident ne cherche à entretenir un état de guerre permanente favorable au pillage des ressources dans le pays de Kadhafi. Et l’on comprend bien dans ce cas de figure, que la Turquie ne veuille pas rester en marge du partage du gâteau.

 

« Le Pays »


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