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DISCOURS SUR LA SITUATION DE LA NATION : Le diagnostic de Paul Kaba Thiéba


MAQUETTE JPZ 31/01/2012 1Le Premier ministre, Paul Kaba Thiéba, était face aux députés le vendredi 6 mai 2016 pour le traditionnel discours sur la situation de la nation devant l’Assemblée nationale. Le chef du gouvernement, entouré de la majorité de ses ministres, après un exposé de plus de 2 heures d’horloge, a fait face aux préoccupations des députés. Dans cet article, nous revenons sur les points essentiels du discours.

 

Situation de la politique nationale et fonctionnement des institutions

 

Paul Kaba Thiéba est revenu sur les évènements des 30 et 31 octobre 2014 qui ont abouti à la chute du régime de Blaise Compaoré. Cela montre que le peuple burkinabè a un « attachement indéfectible à la liberté et  à la justice pour tous », selon le Premier ministre qui a fait remarquer que « la période de la Transition a été difficile du fait des incertitudes, des menaces de déstabilisation des partisans de l’ordre ancien dévoyé ». Il s’agissait en particulier de la stabilité des institutions qui a été menacée par la « tentative avortée du coup d’Etat de septembre 2015 dont l’objectif était de restaurer le régime déchu ». Lors de ces évènements, que ce soit l’insurrection populaire ou le putsch manqué, a rappelé Paul Kaba Thiéba, la jeunesse a fait montre de « courage, de détermination et de son attachement à la liberté, au prix d’une farouche résistance populaire ». Le combat pour plus de démocratie a été consacré par les élections législatives et présidentielle du 29 novembre 2015 qui ont porté Roch Marc Christian Kaboré au pouvoir. Le Premier ministre note qu’au cours des quatre premiers mois de l’année 2016, son gouvernement a poursuivi le processus de mise en place des institutions de l’Etat. Il s’agit notamment du Haut conseil pour la réconciliation et l’unité nationale (HCRUN), l’adoption du décret portant institution de la commission constitutionnelle chargé de proposer un avant-projet de Constitution pour le passage à la 5e République qui doit être soumis au référendum. En outre, toutes les conditions sont réunies pour que les municipales répondent aux standards en matière d’organisation des élections.

 

Autorité de l’Etat, situation sécuritaire, justice et droits humains

 

Le Premier ministre a  noté que les premiers mois de cette année ont été marqués par la recrudescence des actes d’incivisme et de troubles  à l’ordre public, créant des risques portant atteinte à l’Autorité de l’Etat. L’action de son gouvernement a consisté à prendre des mesures pour, à la fois, rétablir l’ordre, maintenir le dialogue et créer les conditions pour l’application de la loi dans toute sa rigueur. A propos des Kolgwéogo, le gouvernement entend les encadrer pour éviter les atteintes aux droits humains tout en sanctionnant, selon la loi, les auteurs d’actes infractionnels. Sur la question précise de la justice, Paul Kaba Thiéba a estimé que des conditions  ont été créées pour que l’appareil judiciaire soit réconcilié avec les principes d’intégrité, d’indépendance, de probité et de respect des droits humains. En matière de crimes économiques, le Premier ministre a promis que son équipe veillera à mettre en œuvre les recommandations de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE/LC), relevant de sa compétence, en particulier le recouvrement des fonds et le cas échéant, les sanctions disciplinaires. En rappel, l’ASCE/LC, dans plusieurs de ses rapports, a mis en évidence de nombreuses situations « susceptibles de constituer des cas, d’irrégularité, de faute de gestion, voire de malversations financières ». En termes de perspectives pour la justice, les droits humains et la promotion civique, le gouvernement entend œuvrer à relever les principaux défis que sont, entre autres, la remise à niveau des modes opératoires de l’appareil judiciaire, le renforcement du suivi et du contrôle des services, la diversification des compétences et la restauration de l’éthique dans les pratiques du monde judiciaire, la prise de responsabilité collective pour restituer au pouvoir judiciaire son indépendance, la relecture du Code pénal, du Code de procédure pénal et du Code des personnes et de la famille, des textes importants relatifs aux infractions et aux procédures.

 

Défense et sécurité intérieure

 

Selon Paul Kaba Thiéba, le coup d’Etat manqué de l’ex-RSP (Régiment de sécurité présidentielle) et les attaques terroristes ont mis en exergue de graves dysfonctionnements au sein de l’armée. C’est pourquoi le gouvernement a déployé d’importants efforts en vue de poursuivre la réforme de l’Armée, d’améliorer son équipement et ses capacités opérationnelles pour lui permettre d’assurer la sécurité intérieure et la défense de l’intégrité territoriale. En plus, a indiqué le Premier ministre, la dépolitisation et le renforcement de la gouvernance des Forces Armées nationales sont en cours. Compte tenu du contexte marqué par le terrorisme, le Premier ministre a rapporté qu’un accent particulier a été mis sur la réalisation d’infrastructures et d’équipements au profit du Groupement des Forces Anti-terroristes à Dori et Djibo. Sur la question précise de la sécurité intérieure, les actions posées et énumérées sont : le renforcement des capacités opérationnelles et organisationnelles des forces de sécurité, l’accroissement des effectifs, le renforcement de la participation citoyenne à la lutte contre l’insécurité et à la sécurisation des sites miniers, le renforcement des capacités opérationnelles  des Forces de défense et de sécurité, l’organisation d’un forum national sur la sécurité intérieure, l’élaboration d’une stratégie de lutte contre le terrorisme, l’opérationnalisation de l’Agence nationale de renseignement et la mutualisation des moyens logistiques et le partage de renseignements à travers le G5 Sahel composé du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad pour mieux lutter contre le terrorisme.

 

Diplomatie et communication

 

Au cours de l’année 2015 et face aux divers défis auxquels le Burkina Faso était confronté, a indiqué le chef du gouvernement, la diplomatie a connu un dynamisme particulier avec une implication active des premières autorités qui  ont permis une présence soutenue de la communauté internationale auprès du peuple burkinabè. Depuis la mise en place du nouveau pouvoir, a-t-il fait noter, le gouvernement met en œuvre une politique étrangère ouverte au service du développement du Burkina, fondée sur la solidarité et engagée résolument dans la recherche de la paix et de la sécurité internationale. Dans le domaine des médias, le cadre institutionnel a été réformé et le processus se poursuit avec l’adoption en cours des  cahiers de charges et missions de la RTB.

 

Fonction publique et administration

 

Dans son discours, le PM a noté des innovations majeures avec l’adoption par le Conseil national de la Transition de la loi portant statut général  de la Fonction publique d’Etat et la prise du décret portant institution de la journée de travail continu dans les administrations du secteur public.  L’amélioration du système de l’organisation des concours de la Fonction publique, le recrutement de 12 753 agents, les concours émaillés de fraude et le jugement des fautifs ont été évoqués par Paul Kaba Thiéba. Il en a été de même pour la modernisation de l’Administration, le dialogue avec les partenaires sociaux et la politique de protection sociale.

 

Administration territoriale et réforme de l’Etat

 

En matière d’administration du territoire, les actions menées sont : l’appui à l’organisation des élections couplées du 29 novembre 2015, l’élaboration d’un référentiel de prévention et de gestion alternative des conflits, l’adoption d’une stratégie nationale des frontières et de son plan d’action.  Sur la réforme de l’Etat, l’objectif du gouvernement est de bâtir une administration plus performante.

 

Décentralisation, aménagement du territoire et développement durable

 

Le PM a rappelé que le « contexte politique a entraîné la dissolution des conseils de collectivités territoriales, nécessitant la mise en place de délégations spéciales ».  En termes de perspectives, le gouvernement entend, d’une part, continuer à appuyer les communes et les régions dans l’élaboration et l’actualisation des plans communaux et régionaux de développement, et d’autre part, actualiser l’aménagement du territoire national et l’élaboration d’un schéma régional d’aménagement du territoire pour chacune des 13 régions.

 

La question de l’économie  et du développement

 

« Mon gouvernement a accédé aux responsabilités dans un contexte post-insurrectionnel caractérisé par de fortes attentes et des aspirations du peuple au progrès dans un environnement économique et budgétaire très fragile », a d’abord tenu à préciser le Premier ministre. Selon les données statistiques, le taux de croissance du Burkina au titre de l’année 2015 a été estimé à 4,4% contre 4,0% en 2014. Les recettes fiscales sont passées de 941 à 938 milliards de F CFA d’une année à une autre, soit une baisse de 3 milliards de F CFA. Cette baisse des recettes se traduit par une contraction de la TVA de 0,4% du PIB, des droits de porte baissant à 0,3% du PIB et de l’Impôt sur les Sociétés fléchissant de 0,5% du PIB sur la période. Selon Paul Kaba Thiéba, ces contreperformances s’expliquent essentiellement par le ralentissement de l’activité économique en lien avec les troubles politiques et sociaux ainsi que l’augmentation de l’incivisme fiscal et de la fraude fiscale.  Pour la dette publique, l’encours s’est chiffré à 2 072,87 milliards de F CFA et est constitué de 1 499,41 milliards de F CFA de dette extérieure et de 573,46 milliards de dette intérieure. Dans le cadre de la gestion macro-économique et du pilotage du développement, le Premier ministre a rapporté que les efforts  ont été consacrés  au suivi de la mise œuvre de la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD), la promotion et le développement des pôles de croissance. Un portefeuille composé de 48 projets de type Partenariat public-privé a été adopté ainsi que les textes additifs à son cadre règlementaire. Dans le privé, des actions de réhabilitation du tissu industriel ont permis de sauver des entreprises dont la Minoterie du Faso. De même, le gouvernement a œuvré à améliorer le climat des affaires par diverses initiatives dont par exemple, la simplification des procédures de création des entreprises. Sur la question des ministères, le discours du PM a fait ressortir que le secteur des mines a enregistré d’importants résultats et ce, malgré la baisse du cours mondial de l’or et la crise sociopolitique qu’a connue le Burkina. En 2015, les recettes minières au niveau du Trésor public ont été de 168,410 milliards de F CFA.

 

Agriculture et élevage

 

Après avoir noté les différentes actions pour soutenir l’agriculture, le Premier ministre a souligné que leurs effets et leurs impacts attendus sont une croissance du PIB agricole de 5,9% en 2016. Et en termes de réduction de la pauvreté, une baisse de 4 points de pourcentage chez les ménages ruraux et de 2 points chez les ménages urbains. Pour ce qui est de l’élevage, les actions du gouvernement se sont inscrites dans les domaines de l’hydraulique pastorale, de la santé animale, de l’alimentation du bétail, du commerce, etc.

 

Eau et assainissement

 

L’année 2015 a enregistré la réalisation et la réhabilitation d’ouvrages d’approvisionnement en eau potable, d’assainissement et d’infrastructures hydrauliques. Sur le problème d’eau à Ouagadougou et dans les autres régions, le chef du gouvernement a annoncé des mesures : l’exécution de forages dans les zones en crise avec injection dans le réseau, la distribution d’eau en citernes et la distribution alternée d’eau. « La vision gouvernementale à long terme repose sur la prospection des nappes phréatiques et l’achèvement de la phase 2 de Ziga qui permettra de faire face à la demande en eau de la capitale et ses environs jusqu’à l’horizon 2023 », a tenu à préciser le Premier ministre.

 

Environnement et infrastructures de transport

 

D’après le PM,  l’état global de l’environnement reste préoccupant. Le secteur est confronté  à la faible capacité des acteurs et de leurs organisations, à la faible application des textes et à l’insuffisance de coordination des diverses interventions. Le gouvernement promet de travailler à aplanir toutes ces difficultés.  Dans le domaine des transports,  « l’action gouvernementale » a été « marquée par la poursuite de la sauvegarde  du patrimoine et du développement du réseau routier ». Pour 2016, un programme de bitumage routier a été élaboré. Le financement d’au moins 7 projets de route dont les travaux doivent être lancés en 2016, a été bouclé. Le plus emblématique étant la route Kongoussi-Djibo, longue de 96km. Des actions sont également prévues en matière  de transport routier, de transit, de transport ferroviaire et aérien.

 

Education nationale et enseignement supérieur

 

Les actions dans les domaines du pré-scolaire et du primaire, ont consisté en la construction d’infrastructures, la distribution gratuite de manuels scolaires et la dotation en cantine scolaire et ont permis de hausser les indicateurs. Pour 2016, le gouvernement entend œuvrer pour élargir l’offre éducative, la recherche de la qualité et l’efficience dans l’éducation.  Pour l’enseignement supérieur, le PM a noté qu’il traverse « une crise profonde depuis quelques années, marquée par une inadéquation entre les capacités d’accueil et les effectifs d’étudiants, l’insuffisance du personnel d’encadrement et les difficultés de mise en œuvre de la réforme LMD ». Plusieurs actions ont été annoncées pour apporter des solutions.

 

Santé

 

Au 31 décembre 2015, le Burkina Faso disposait de 1795 formations sanitaires publiques dont 1718 centres de santé et de promotion sociale (CSPS), 20 centres médicaux (CM), 44 centres médicaux avec antenne chirurgicale (CMA), 9 centres hospitaliers régionaux (CHR) et 4 centres hospitaliers universitaires (CHU). Dans l’optique d’améliorer la qualité de la prise en charge des patients, le gouvernement Thiéba veut poursuivre la construction de nouveaux CSPS, la transformation des CSPS des chefs-lieux de communes rurales en CM, la construction de nouveaux CHR, la réhabilitation et l’équipement des formations sanitaires du pays.

En conclusion, Paul Kaba Thiéba a fait observer que l’action de son gouvernement au cours des quatre premiers mois, a été contrainte par la fragilité de la situation économique et financière héritée de la Transition. La mise en œuvre du Plan national de développement économique et social, en remplacement  de la SCADD, permettra de planifier sur le quinquennat les politiques sectorielles découlant des engagements présidentiels, a indiqué le Premier ministre.

 

Thierry Sou

 

 

 

 

 

 

 


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