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OPPOSITION ET POUVOIR EN GUINEE


  Le duel permanent

La scène politique guinéenne s’est à nouveau embrasée ce Mardi 23 Octobre avec l’appel à manifester du principal parti de l’opposition, l’UFDG de Cellou Dalein Diallo qui entendait dénoncer les conditions d’installation des conseils municipaux. La marche,  interdite par le pouvoir en raison du risque important de troubles à l’ordre public,  a été, comme il fallait s’y attendre,  sévèrement réprimée. Alors que l’on déplore la mort par balle d’un adolescent de 23 ans, le leader de l’opposition lui-même a échappé de peu à l’élimination physique, sa voiture ayant été prise pour cible par un tir parti des forces de l’ordre. Il n’en fallait pas plus pour mettre de l’huile sur le feu,  puisque les manifestants se sont résolus à étendre leur mouvement de contestations aux jours qui suivent. Ces évènements viennent confirmer la triste réputation de volcan aux éruptions meurtrières qu’est la scène politique guinéenne.

Le jeu de clair-obscur de Condé crée le trouble au sein de l’opposition

Et la question que l’on peut légitimement se poser est  la suivante : « qu’est ce qui rend si inflammable l’arène politique au pays de Sékou Touré ? »

De prime abord, l’on peut avancer comme casus belli les nombreux contentieux qui n’ont véritablement jamais été vidés entre le pouvoir et ses opposants. Au nombre de ceux-ci, l’on peut citer pêle-mêle l’impossible justice pour les victimes des répressions parfois apocalyptiques des manifestations de l’opposition et le feuilleton des élections locales dont le dernier épisode en date est la manifestation de ce 23 octobre et ses prolongements. Malgré les accords signés entre les deux parties pour enterrer la hache de guerre, les escarmouches sont récurrentes et entretiennent de façon permanente une atmosphère permanente de tranchées. Mais la lame de fond de ce duel permanent entre opposition et pouvoir en Guinée, c’est  le flou savamment entretenu par le président Alpha Condé sur l’éventualité d’une modification de la Constitution dans la perspective d’un troisième mandat et partant, d’un pouvoir à vie. En effet, depuis un bout de temps déjà, l’entourage de l’opposant historique devenu président, bruit de cette velléité de tripatouillage de la loi fondamentale du pays sans que le principal concerné ne lève le petit doigt pour infirmer ou confirmer la rumeur. Ce jeu de clair-obscur dans la posture de Condé crée le trouble au sein de l’opposition. Ne sachant pas sur quel pied danser, cette dernière multiplie les offensives pour contraindre le principal concerné à rompre le silence. La sagesse africaine ne dit-elle pas à ce propos que « si l’on veut connaître ce qui se cache dans le fourré, il faut y lancer une pierre ? ».  Ce climat en permanence tendu entre les acteurs politiques guinéens, s’explique aussi en partie par l’ego surdimensionné d’Alpha Condé qui, du haut de sa chaire de professeur, toise le peuple guinéen considéré comme une salle de classe d’étudiants ignares. Pour prendre la mesure de cette attitude, il faut se référer à la manière discourtoise et épidermique dont l’homme traite ses interlocuteurs. Enfin, pour expliquer la violence permanente en politique en Guinée, l’on ne peut pas ne pas évoquer le monstre de l’ethnie. En effet, les crises politiques prennent très vite, sur les flancs du Fouta Djallon, les contours du clivage ethnique entre les Malinkés et les Fulbés qui se sont toujours disputés cet espace géographique.

La bonne démocratie n’est pas forcément celle de la rue

Cette guerre larvée, comme l’on peut s’en douter, a de nombreuses conséquences. Le premier qui trinque est le peuple qui n’en finit pas d’enterrer ses morts. Ensuite, la cohésion sociale prend du plomb dans l’aile et l’on en vient même à redouter « un big one » dans les affrontements politico-ethniques,  à l’image du Rwanda ou du Burundi. Enfin, le développement socio-économique est pris en otage et les Guinéens manquent souvent du minimum en matière de services sociaux. A titre illustratif, l’électricité est un luxe pour une bonne frange de la population. Et de cette situation, l’on ne peut que nourrir des regrets. Et pour cause ?

La Guinée avait montré à toute l’Afrique, par son « non » historique à la France du Général Charles De Gaulle, le chemin de la dignité et de la liberté. Mais les dirigeants successifs qui se sont relayés à la tête de l’Etat ont lentement mis sous éteignoir le phare guinéen par leur manque de charisme. Alpha Condé particulièrement, aura été l’homme qui a le plus douché les attentes en Guinée. Opposant historique aux régimes successifs dans le pays, l’homme ne déroge finalement pas à la règle établie par ceux de la même race que lui, celle des Abdoulaye Wade au Sénégal et de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire : la dérive autocratique et le rêve du pouvoir à vie. L’autre grand regret que l’on peut nourrir en Guinée, c’est de voir ce pays qui était parti avec toutes les faveurs de la nature (littoral océanique, abondantes ressources hydrologiques, terres riches, grandes réserves minières) végéter finalement dans la pauvreté en raison de la mauvaise gouvernance des hommes qui ont présidé à sa destinée.

Cela dit, tout n’est pas de la faute du pouvoir. L’opposition, quand  bien même elle est dans son droit de manifester, doit savoir mettre de l’eau dans son vin et éviter d’envoyer à tout bout de champ ses militants à l’abattoir.  La bonne démocratie n’est pas forcément celle de la rue. Et puis, quelle que soit la justesse du combat mené, celui-ci doit nécessairement s’accommoder des lois de la République. Mais comme on le dit, les oppositions sont souvent à l’image des pouvoirs et « à coup de pied de l’âne, coup de bâton du maître ».

« Le Pays « 


Comments
  • Alpha Condé est aujourd’hui le malheur de la Guinée. L’élément diviseur number one. La Guinée est devenue un pays où la haine prédomine. Alpha Condé attise le feu entre les ethnies pour se maintenir au pouvoir. C’est la déception totale. J’attendais vraiment mieux de l’opposant historique.

    31 octobre 2018

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