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PRESIDENTIELLE IVOIRIENNE   


Prenant la mesure de la gravité de la situation qui prévaut dans son pays à quelques  heures de la présidentielle du 31 octobre, l’ex-président Laurent Gbagbo a décidé de sortir de son silence. Tout en se disant opposé à un troisième mandat du président sortant, il appelle les différentes parties à négocier  pour éviter « la catastrophe» à la Côte d’Ivoire. Sera-t-il entendu ? Rien n’est moins sûr, tant l’atmosphère socio-politique reste pour le moins toujours tendue. En effet, alors que du côté du pouvoir,  on rassure de la tenue effective du scrutin à bonne date et dans de bonnes conditions, du côté de l’opposition qui a appelé à la désobéissance civile en signe de protestation contre la validation de la candidature d’Alassane Dramane Ouattara (ADO) à un troisième mandat, on continue de soutenir qu’il n’y aura pas d’élection, ce samedi, sur les bords de la lagune Ebrié. Entre les deux, c’est une campagne électorale émaillée d’incidents majeurs allant de la destruction de biens publics et privés à des affrontements entre militants de l’opposition et de la majorité sur fond de tensions communautaires, qui s’est refermée hier, avec en sus des violences verbales entre des protagonistes qui semblent décidés à en découdre, pas vraiment et seulement dans les urnes, au moment où des saccages de biens publics étaient signalés par endroits. C’est dire si à quelques heures du vote, tous les ingrédients d’une forte déflagration sociopolitique sont réunis en Eburnie. Et Abidjan retient son souffle,  face à cette chronique annoncée du grand gnaga*  qui menace le pays d’Houphouët Boigny.

 

On se demande si les Ivoiriens vaincront la peur pour faire le déplacement des bureaux de vote

 

 

Le tout, dans un climat de peur qui amène à se demander quel impact cela pourrait finalement avoir sur la participation au scrutin. En effet, face aux menaces à peine voilées de l’opposition qui ne cache pas sa volonté de perturber le scrutin pour délégitimer une éventuelle réélection de l’enfant de Kong, on se demande si les Ivoiriens vaincront la peur pour faire le déplacement des bureaux de vote ou s’ils resteront chez eux, pour répondre au mot d’ordre de boycott de l’opposition. Tout le mal qu’on souhaite à la Côte d’Ivoire, c’est qu’à la faveur de ce vote sous fortes tensions, les choses se passent bien, dans le calme, et qu’au bout du compte, il y ait plus de peur que de mal. De ce point de vue, l’on a envie de demander à l’opposition ivoirienne qui semble voir dans le peu d’engouement des populations pour le retrait de leurs cartes d’électeurs, l’effet de son appel au boycott et à la désobéissance, de laisser le vote à la libre conscience des électeurs ivoiriens s’ils sont sûrs que leur message a été entendu. Car, sans prendre parti pour un camp contre un autre, on ne peut pas se dire démocrate et vouloir à la fois empêcher l’expression du suffrage populaire, quelles qu’en soient les raisons. Tant qu’à faire, pourquoi ne pas s’en remettre au verdict des urnes ? En tout cas, en adoptant une position qui ne peut que jeter de l’huile sur le feu déjà incandescent de la crise pré-électorale, les candidats de l’opposition apportent de l’eau au moulin de ceux qui pensent qu’ils sont dans la logique d’une fuite en avant pour ne pas assumer la honte d’une  défaite cuisante face à Alassane Ouattara. D’ailleurs, on peut se demander d’où l’opposition ivoirienne tire son assurance qu’il n’y aura pas d’élection, ce 31 octobre, en Côte d’Ivoire, quand tout semble indiquer que du côté du pouvoir, toutes les dispositions ont été prises pour que « l’opération barrissement de l’Eléphant » puisse se dérouler dans les meilleures conditions.

 

On peut craindre des violences au-delà même de la date du scrutin

 

Cette opposition a-t-elle une botte secrète ? Réserve-t-elle une  surprise de dernière minute pour pouvoir empêcher le vote ? Ou bien ne sont-ce là que des menaces en l’air pour ne pas seulement donner l’impression d’avoir abdiqué trop tôt ? Bien malin qui saurait le dire. D’autant que les candidats de l’opposition qui ne jurent que par la non-tenue du scrutin, appellent les Ivoiriens à ne pas aller voter sans se retirer officiellement de la course au fauteuil présidentiel. Quoi qu’il en soit, plus que quelques heures et on ne tardera pas à être fixé. Mais d’ores et déjà, on peut craindre des violences au-delà même de la date du scrutin car, jusqu’au bout, le ton sera resté belliqueux de part et d’autre, sans que la timide médiation de la communauté internationale à travers la mission de bons offices de la CEDEAO et de l’Union africaine, n’ait finalement pu faire bouger les lignes dans le sens d’un apaisement.  En tout état de cause, on peut regretter que cette élection, comme les précédentes, rime encore avec peur et violences au pays de l’apôtre de paix que fut le président Félix Houphouët Boigny. Mais on peut dire que cela est principalement de la faute et de la responsabilité de la vieille classe politique qui peine toujours à passer la main à la nouvelle génération. Quand est-ce que tout cela va finir pour que les Ivoiriens puissent, un jour, dans la paix, choisir librement celui à qui ils veulent confier les destinées de leur pays ? Cela reste la grande question.

 

 « Le Pays »

 

*gnaga : bagarre en Nouchi (argot ivoirien)


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