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RAPPROCHEMENT ENTRE LE PAYS DE POUTINE ET L’AFRIQUE


Ouvert le 23 octobre 2019, à Sotchi, le premier grand sommet Russie-Afrique a  réuni autour du maître de Moscou, environ 43 chefs d’Etat et de gouvernement du continent noir. Après l’ère communiste où le géant soviétique avait accueilli des milliers d’étudiants, les relations entre les deux entités étaient tombées dans une léthargie d’où veulent les tirer les dirigeants actuels. On le sait, en effet, la Russie subit, depuis l’annexion de la Crimée et sur fond d’accusations d’ingérence dans la présidentielle aux Etats-Unis et d’assassinat d’opposants à l’étranger, la foudre des Américains et de leurs alliés occidentaux qui tentent de l’asphyxier par des sanctions économiques. Mais le pays de Vladmir Poutine n’entend pas se laisser amener comme un agneau de Tabaski à l’abattoir et multiplie les initiatives pour briser le cercle maléfique du nouveau « containment » que veulent lui imposer ses éternels rivaux de la Guerre froide.

 

Les nouvelles noces entre la Russie et l’Afrique constituent un mariage de raison

 

Et l’une des stratégies pour y parvenir est de pêcher en Afrique, connue pour être le pré-carré des Occidentaux depuis l’ère coloniale. Greffant aux intérêts diplomatiques les ambitions économiques, la Russie entend relancer ses relations commerciales avec l’Afrique qui constitue un vaste marché d’armes et une incontournable source d’approvisionnement en matières premières. L’Afrique, quant à elle, voit dans la Russie, un nouvel allié politique et économique qui offre l’avantage de ne pas être préoccupée par les conditionnalités démocratiques que lui imposent les démocraties occidentales dans le cadre de la coopération internationale. L’intérêt des Africains pour la Russie est d’autant plus vif que depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, de nombreuses sources d’aide au développement ont été asséchées. Mais ce qui fait encore plus le charme de l’ex-géant soviétique aux yeux de nombreux Africains, c’est sa force de frappe militaire dans un contexte sécuritaire des plus étouffants pour de nombreux Etats africains. En fait, on le sait, devant les demi-succès de la France dans la lutte contre les groupes armés dans la bande sahélo-saharienne, de nombreuses voix se sont élevées pour demander aux gouvernants de la sous-région de faire appel à la Russie qui s’est taillé la réputation de « casseuse de djihadistes ».    L’un dans l’autre, l’on peut dire que les nouvelles noces entre la Russie et l’Afrique constituent un mariage de raison. Mais pour qu’un mariage soit solide et résiste à l’épreuve  du temps, il doit être aussi et surtout un mariage de cœur. Et c’est là, comme le dit l’adage, que le bât blesse. Car il faut le dire, les Russes ne portent pas les Africains dans le cœur.  Dans l’indifférence générale, les rares Africains vivant dans le pays souffrent d’un racisme outrancier qui n’épargne même pas parfois leurs conjointes russes et leurs enfants métis. Des groupuscules extrémistes comme les Skinheads et les Néo-Nazis sont régulièrement cités dans des agressions racistes. Les témoignages font froid dans le dos : la condition noire est si difficile en Russie que pour beaucoup de nos frères,  « vivre en Russie, c’est vivre l’enfer sur terre ». Le plus dramatique est que les crimes racistes contre les Noirs sont le plus souvent classés sans suite, au plan judiciaire. L’on peut donc se demander légitimement si des hommes d’affaires africains vont aimer la destination russe.

 

Il faut craindre que le sommet Russie-Afrique ne devienne comme une pâle copie des sommets France-Afrique

 

 

En tout état de cause, les chefs d’Etat et de gouvernement qui ont accouru à l’appel de Poutine à Sotchi, devraient exiger de la Russie, comme préalable à un nouveau printemps des relations avec l’Afrique, qu’elle soigne davantage son image. Cette toilette ne devrait pas être seulement intérieure pour améliorer les conditions de vie et de travail de la diaspora noire en Russie, mais elle devrait aussi être extérieure pour exiger des dictateurs africains,  plus d’égards envers leurs peuples. C’est la seule condition pour créer un climat d’affaires sûr pour les deux parties. Mais l’on doute que nos dirigeants qui ont accouru au claquement du doigt de Poutine, aient suffisamment de cran pour exprimer une telle exigence. Et pour cause. D’abord, certains d’entre eux sont pires que les Russes envers leurs propres peuples. Les victimes des dictateurs en Afrique, on les compte à la pelle et l’on imagine difficilement comment des prédateurs des libertés individuelles et collectives peuvent prétendre donner des leçons à d’autres. Ensuite, dans le subconscient de bon nombre de chefs d’Etat africains présents à Sotchi, le complexe d’infériorité du Noir face au Blanc, reste encore bien présent : ils sont donc allés écouter religieusement le grand chef blanc qui les a convoqués. Enfin, tous les chefs d’Etat présents à Sotchi, souhaitent être dans les bonnes grâces de Poutine. Or, il est connu que « la main qui reçoit ne peut pas être plus haute que celle qui donne ». De tout ce qui précède, il faut donc craindre que le sommet Russie-Afrique ne devienne comme une pâle copie des sommets France-Afrique qui se succèdent sans véritable impact en termes d’amélioration des conditions de vie des peuples africains.

« Le Pays »

 


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