HomeA la uneRAVAGES DE LA FIEVRE ROUGE :Quand Ebola ébranle l’âme de l’Afrique

RAVAGES DE LA FIEVRE ROUGE :Quand Ebola ébranle l’âme de l’Afrique


Avec le virus Ebola, l’identité culturelle est dangereusement remise en cause par une épidémie qui, du début de l’année à ce jour, a fait 887 morts en Afrique subsaharienne. Des cas ont été signalés aux Etats-Unis.

Si les deux cas révélés aux Etats-Unis étaient effectivement hors de danger, cela augurerait de bonnes perspectives pour la recherche. Celle-ci semble piétiner depuis la découverte du virus en 1976. A ce propos, l’Occident n’est point exempt de critique. Pourquoi avoir tant négligé les risques de propagation du mal qui avait d’abord sévi en Afrique centrale ? Sans aller jusqu’à jeter l’anathème sur l’Occident, il conviendrait de s’interroger sur le manque patent de médicaments à ce jour : insuffisance de ressources ou tout simplement manque de volonté politique ? Avec les révélations de cas en Occident (Etats-Unis), il faut souhaiter de meilleures dispositions, afin que la recherche vienne à bout de ce fléau.

 

Ebola s’attaque à nos valeurs culturelles

 

En tout cas, selon l’OMS, il existe des traitements, même si aucun vaccin homologué n’a encore vu le jour. Cela vient ainsi contredire les idées reçues selon lesquelles la maladie est mortelle à 100%. Que dire du docteur Kent Brantly et de son assistante Nancy Writebol, de retour aux Etats-Unis, après avoir contracté le virus lors de leur mission au Liberia ? Hospitalisés, ils avaient reçu plusieurs injections d’un mystérieux sérum baptisé ZMapp, conçu à San Diego en Californie. Les deux coopérants qui se trouvaient dans un état critique, seraient aujourd’hui dans un état « stable ». Jusque-là, le sérum n’avait été testé que sur quatre singes infectés par Ebola. Ils ont survécu après avoir reçu une dose du produit.Malheureusement, des membres des personnels de santé d’Afrique n’auront pas eu la chance des deux experts américains. Tombés les armes à la main, ces médecins, infirmiers ou sages-femmes méritent d’être célébrés. Le drame avec Ebola, c’est que cette épidémie s’attaque cruellement et insidieusement à nos valeurs culturelles ! Il y a par exemple la question des enterrements traditionnels, où les familles touchent le corps pendant les rites funéraires. Qui, à présent, pour s’occuper d’une personne emportée par le virus Ebola ? Au Liberia, de nombreux malades atteints par le virus Ebola, préfèrent rester chez eux plutôt que de se rendre dans les centres de santé.

La psychose s’est répandue partout. Nul ne se sent désormais à l’abri, dans une Afrique lacérée par des traditions hétéroclites et des pratiques religieuses tenaces. Combattre le virus Ebola, que d’engagements, d’implications mais surtout de renoncements ! Des marchés aux rassemblements qu’occasionnent les naissances, les mariages, les baptêmes, les deuils, les prières et autres rites funéraires, les Africains aiment à s’illustrer comme de bons exemples. Qu’ils soient simples fidèles, parents, amis, connaissances ou voisins, ils ne veulent pas se voir rejetés pour avoir failli un tant soit peu.

La lutte contre Ebola est difficile, mais pas impossible ! Elle devra se mener vaille que vaille, au plan individuel et collectif. Avec Ebola, au-delà des modes de vie, c’est aussi le mode de fonctionnement de la cellule familiale et de la société tout entière qu’il faudra revoir. Il faudra oser s’attaquer à des valeurs ancrées dans la cosmogonie africaine, revisiter nos croyances et nos comportements. De vrais défis ! Au Nigeria, on a dû incinérer le cadavre d’une victime d’Ebola. Le médecin qui l’avait soigné a aussi été mis en quarantaine. Pourra-t-on intégrer ces pratiques dans les nouvelles habitudes ? Il le faut pourtant. Pire que la peste et le choléra réunis, l’épidémie d’Ebola détruit les espaces de solidarité.

 

Des dispositions plus rigoureuses doivent être prises

 

Les pesanteurs socioculturelles ajoutées au manque de moyens (humains, matériels, financiers), le manque de coordination des actions, font de la fièvre rouge, une maladie aussi redoutable qu’effroyable sur le continent. Le médecin traitant, lui-même, est vulnérable. Une implication de l’Occident est requise. Elle doit être forte. Mais, parce qu’il engloutit des sommes colossales, l’Occident doit exiger en contrepartie que les dirigeants africains s’assument plus sérieusement que face au SIDA. En effet, le problème de la délinquance politique et économique reste toujours posé du côté de l’Afrique. Outre les questions relatives à l’hygiène publique et à l’assainissement, des problèmes de mal gouvernance se trouvent au cœur même de la gestion de nos grands fléaux. Pour le cas d’Ebola, celle-ci se propage parce que les politiques africaines de développement, de santé, d’environnement, de population tout court, sont généralement inadéquates. A preuve, des mesures préventives sont recommandées, sans que des dispositions ne soient toujours prises pour annihiler les conséquences fâcheuses au plan socio-économique. Il est bien de défendre aux gens de manger de la viande de brousse ou de chauves-souris, pour se prémunir contre l’infection au virus d’Ebola. Mais, que faire pour compenser les pertes au niveau des chasseurs, des intermédiaires et des vendeurs de viandes prisées de certaines populations ?

Il faudra veiller à une saine utilisation des fonds qui seront mis à la disposition des Etats frappés par le mal. Le passé est à ce sujet suffisamment lourd d’enseignements. Face au SIDA, que n’a-t-on pas vu sur ce continent? La délinquance à tous les étages, impliquant des personnes insignifiantes et des hauts cadres, y compris le sommet de l’Etat. Face à l’épidémie d’Ebola, des dispositions plus rigoureuses doivent être prises. Si Ebola fait des ravages au point d’ébranler l’âme de l’Afrique, il faut éviter que les délinquants à col blanc ne perpétuent continuellement la saignée du continent, en profitant sans vergogne et impunément des efforts de la communauté internationale. L’expérience de fléaux comme celle du SIDA montre qu’en Afrique, une saine gestion des fonds, sur fond de bonne gouvernance politique, est un bon préalable au recul de l’épidémie.

 

« Le Pays »

 


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