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SOMMET DE L’UA SUR LA CORRUPTION


 La vaste comédie !

Le 31e sommet de l’Union africaine (UA) a ouvert ses portes le 1er juillet à Nouakchott, en Mauritanie. Des dizaines de chefs d’Etat ont effectué le déplacement. Pendant deux jours, ces présidents vont notamment cogiter sur la lutte contre la corruption et les réformes initiées pour réduire les lourdeurs bureaucratiques dans l’organisation panafricaine. L’on peut, d’entrée de jeu, déplorer le fait que sur plus de 50 Etats que compte l’institution, seulement des dizaines de chefs d’Etat aient daigné rehausser l’éclat de ce grand rendez-vous par leur présence effective. Cela est la preuve, parmi tant d’autres, du manque d’intérêt de nos têtes couronnées pour les grand-messes organisées périodiquement par l’institution panafricaine. Et le contraste est frappant entre les sommets de l’UA et ceux organisés par les autres où l’Afrique est conviée. En effet, lorsqu’il s’agit des sommets du genre France/Afrique, Etats-Unis/Afrique ou encore Chine/Afrique et l’on en oublie, les princes régnants du continent ne se font pas prier pour accourir.

On peut comprendre pourquoi les autres traitent parfois l’Afrique avec condescendance

Et l’on peut aisément imaginer pourquoi. Ce sont des tribunes indiquées pour tendre la sébile. Et en la matière, l’Afrique peut se targuer de détenir la palme d’or. Et avec ce comportement de mendiants itinérants, l’on peut comprendre pourquoi les autres, dans le  concert des nations, traitent parfois l’Afrique avec condescendance et mépris. Mais refermons vite cette parenthèse peu glorieuse pour l’Afrique, pour nous attarder sur le thème central sur lequel va plancher la portion congrue de chefs d’Etat présents à ce 31e sommet de l’Union africaine, à savoir la lutte contre la corruption. A ce propos, les présidents devront décider s’ils lancent ou non une enquête sur le fonctionnement du parlement panafricain, sur celui du NEPAD et sur celui du Conseil consultatif de lutte contre la corruption. Trois structures pour lesquelles des audits ont révélé de nombreux dysfonctionnements. Et le terme employé pour dire les choses, relève certainement de l’euphémisme. Car, tout le monde sait que les fonds alloués à ces structures épinglées, ont plus servi à développer des embonpoints qu’à servir les intérêts véritables de  l’Afrique.

Et tous ces hauts fonctionnaires installés confortablement dans ces structures et qui s’en servent pour rouler carrosse, n’ont fait que transposer  à l’UA, les pratiques nauséeuses de leurs pays respectifs. C’est pourquoi l’on peut mettre sa main au feu qu’ils ne risquent pas grand-chose, même dans l’hypothèse où nos têtes couronnées décideraient d’une enquête qui établirait leurs responsabilités dans ce que les audits ont qualifié de dysfonctionnements. La première raison est que ces hauts fonctionnaires indélicats ont été choisis par les chefs d’Etat et cela, très souvent sur la base du copinage et du népotisme. En  tout cas, l’on peut se risquer à dire que dans le choix, très souvent, la compétence et l’intégrité ne sont pas au rendez-vous. Et cela n’est pas étonnant, car « la gueule tapée ressemble à son trou », pour reprendre un proverbe africain. En effet, les dysfonctionnements et autres corruptions constatés dans les trois structures de l’UA, sont à l’image de presque tous les pays membres de cette institution.

Un corrompu ne peut pas lutter contre la corruption

La corruption et autres mauvaises pratiques y sont devenues pratiquement un non-événement tant elles rythment le quotidien de ces Etats. La corruption est certes universelle, mais en Afrique, elle est en passe d’être institutionnalisée. Tous les secteurs d’activités en souffrent énormément. Chacun s’arrange, à son niveau, pour la faire prospérer afin de beurrer ses épinards. Du président de la république en passant par le cadre moyen jusqu’à l’agent de liaison, chacun, à sa manière, libère son génie créateur pour tirer son épingle du jeu dans la pratique de la corruption. Et les populations qui en sont les principales victimes donnent l’impression, curieusement, de s’en accommoder. Et pourtant, la corruption est l’une des principales causes du sous-développement de l’Afrique. Les statistiques sur la question sont tout simplement effarantes. Et l’argument facile, très souvent brandi, consiste à dire que l’Afrique n’en détient pas le monopole. Mais si les nations déjà développées peuvent s’offrir le luxe de faire avec la corruption, l’Afrique ne peut pas se le permettre au risque de rendre vains tous ses efforts allant dans le sens du développement. Même les fonds octroyés à l’Afrique grâce à la contribution des autres, finissent très souvent dans les poches d’individus indélicats, à cause de la corruption. Et comme le poisson pourrit toujours par la tête, la corruption a de beaux jours devant elle en Afrique. Les pays africains sont pauvres, mais bien des présidents qui sont à leur tête tiennent un rang honorable dans le classement des plus grandes fortunes de la planète. Cette performance, si l’on peut l’appeler ainsi, est due à la corruption. C’est pourquoi, quand ces mêmes chefs d’Etat se retrouvent à un sommet pour évoquer la lutte contre la corruption, l’on peut avoir envie d’en rire. Car, un corrompu ne peut pas lutter contre la corruption. C’est, en réalité, une vaste comédie. Et les comédiens sont tellement intelligents qu’ils vont se contenter de pleurnicher sur les conséquences. Ils feront tout pour éluder les causes du phénomène. Et la raison est simple. La corruption est la résultante d’une gouvernance fondée sur l’impunité et le manque d’alternance politique. Mais de cela, il ne sera point question à Nouakchott car, la vieille sorcière rechigne toujours à parler publiquement de la sorcellerie. De ce point de vue, les Africains auront tort d’attendre de nos chefs d’Etat des mesures hardies contre la corruption. Et si, par extraordinaire, ils sortent de cette grand-messe avec des mesures, l’on peut parier qu’elles serviront en priorité à casser de l’opposant. Le seul point positif que l’on peut saluer, à ce sommet, est l’unanimité faite par nos chefs d’Etat pour soutenir la candidature de la ministre rwandaise au Secrétariat général de l’Organisation internationale de la Francophonie. Et cela est très rare pour être relevé.

« Le Pays » 


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