HomeA la une15 ANS APRES LA FIN DE LA GUERRE CIVILE EN ANGOLA : Le pays de Dos Santos se porte-t-il mieux ?

15 ANS APRES LA FIN DE LA GUERRE CIVILE EN ANGOLA : Le pays de Dos Santos se porte-t-il mieux ?


Il y a de cela 15 ans que l’Angola  décidait de tourner  l’une des pages les plus sanglantes de son histoire. En effet, le 4 avril 2002,  étaient signés entre  le gouvernement du Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA) et la rébellion de l’Union pour l’Indépendance totale de l’Angola (UNITA), ce que l’on appelle les Accords de Luanda. Ces accords consécutifs à la défaite militaire de l’UNITA et à la mort de son leader, Jonas Savimbi, mettaient fin à l’une des guerres civiles les plus longues (27 ans) et les plus meurtrière du continent, avec au décompte final près d’un million de victimes. Ce conflit armé fratricide, faut-il le rappeler, avait été précédé de la guerre de l’indépendance (1961-1975) contre l’occupant colonial, le Portugal. C’est donc au total à 4 décennies de violences et de destructions que les Angolais venaient de tourner le dos. La question que l’on est en droit de se poser est celle de savoir si le pays se porte mieux aujourd’hui, 15 ans après.        Il faut déjà se féliciter que les accords d’avril 2002 n’aient pas connu le même sort que ceux infructueux de 1991 et de 1994. C’est dire donc qu’un pas important a été franchi dans le sens de tourner définitivement le dos à la guerre.

L’accalmie a permis au pays de se confronter véritablement aux défis du développement

Et l’on peut se réjouir de voir les Angolais résoudre leurs contradictions par des débats politiques, dans des cadres démocratiques. Dans une Assemblée dominée à 82% par le MPLA, l’UNITA joue au mieux son rôle de parti d’opposition, en faisant de la dénonciation de la mauvaise gestion du pays, du délaissement des campagnes et de l’absence de diversification économique, son cheval de bataille. En tout état de cause, le fait que les armes se soient tues en Angola pour longtemps, traduit non seulement l’attachement du peuple à la paix, mais aussi son émancipation vis-à-vis de ses parrains étrangers dont il a servi les intérêts par procuration, pendant la guerre de 1975-2002. On le sait, le MPLA avait bénéficié de l’appui de l’URSS et de Cuba pendant que l’UNITA était soutenue par les USA et l’Afrique du Sud.  L’autre acquis est que les longues décennies de conflits armés alimentés par la course aux armements, ont fini par positionner le pays comme une puissance militaire avec laquelle il faut compter, dans un contexte régional en perpétuelle ébullition. Sur le plan économique, l’accalmie a permis au pays de se confronter véritablement aux défis du développement. Les immenses ressources pétrolières et les importants gisements diamantifères  ont permis à l’Angola de bâtir en un peu plus d’une décennie, la 3e économie de l’Afrique subsaharienne après le Nigeria et l’Afrique du Sud, au point d’en faire un important investisseur mondial. Mais ce miracle angolais court le risque de devenir aujourd’hui un mirage, en raison de la dépréciation des cours de l’or noir et ce, dans un contexte de quasi-absence de diversification du tissu économique angolais.  Cela dit, en dehors de la stabilité politique et des indicateurs macro-économiques longtemps au vert tant que duraient les beaux jours du pétrole, la fin de la guerre civile ne semble pas avoir positivement impacté le vécu des Angolais. En effet, au plan politique, Eduardo Dos Santos, au pouvoir depuis 1979, a établi en Angola une dictature silencieuse. Son extrême  longévité  au pouvoir fondée selon un rapport du Center for Strategic and International Studies « sur la promesse de la paix à une nation épuisée par la guerre, l’utilisation de la rente pétrolière pour garder l’élite du pays de son côté et une habile manipulation de l’opposition politique », en a fait un féroce prédateur des libertés démocratiques et individuelles, comme il a été donné de le constater lors de la répression de certaines manifestations sociopolitiques. Il a même succombé à la tentation d’exporter sa dictature à l’étranger, en apportant un appui militaire à son voisin Denis Sassou Nguesso, alors que le satrape était au creux de la vague.

L’Angola que laisse Eduardo Dos Santos, réunit tous les ingrédients d’un cocktail détonant

Au plan sociopolitique, la gouvernance d’Eduardo Dos Santos a fait de l’Angola l’un des pays les plus inégalitaires au monde. La rente pétrolière n’a bénéficié qu’à une minorité qui s’est enrichie sans limites, alors que la grande majorité des Angolais croupit dans la misère. Luanda, la capitale, classée ville la plus chère au monde, est le reflet de cet Angola aux deux visages, avec un centre-ville grouillant de voitures et d’hôtels de luxe et des bidonvilles populeux aux allures de ghettos. Une image qui n’est pas sans rappeler les Tanga Nord et Tanga Sud des villes coloniales dépeintes par Eza Boto, dans son roman « Ville cruelle ». Par ailleurs, l’ère Santos aurait fait de l’économie angolaise l’une des plus corrompues au monde, avec un rang de 172e sur 183 Etats classés. Cela dit, après 38 ans de règne, Eduardo dos Santos a manifesté le désir de quitter le pouvoir. Mais s’il faut se réjouir du fait que le satrape a décidé de se laisser aller de gré à l’alternance, il faut craindre que le processus politique n’ait été  verrouillé de façon à établir en Angola une dynastie Santos. En effet, la Constitution dispose que c’est la tête de liste du parti vainqueur aux législatives qui dévient le président. Quand on sait que c’est le fidèle ministre de la Défense d’Eduardo Dos Santos, Joao Lourenço, qui est à la tête du parti et que ses enfants occupent la plupart des postes-clés, on ne peut que se résoudre à admettre que les dés sont déjà pipés. Quoi qu’il en soit, si  l’héritier du trône à l’issue des prochaines consultations générales, se risquait à faire du « Dos Santos sans Dos Santos », il devra s’apprêter à faire face à la bourrasque. En effet, l’Angola que laisse Eduardo Dos Santos, réunit tous les ingrédients d’un cocktail détonant : le taux d’inflation est à 2 chiffres et les 2/3 de la population sont des jeunes de moins de 20 ans, qui n’ont pas connu la guerre et dont les sens sont caressés par les vents du renouveau démocratique africain.

« Le Pays »

 


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