15E ANNIVERSAIRE DU NAUFRAGE DU JOOLA : Le dossier lui aussi englouti par la mer ?
26 septembre 2002 – 26 septembre 2017. Voilà quinze ans que disparaissait le Joola au large des côtes gambiennes, emportant dans le flot des vagues tumultueuses de la mer près de 2000 passagers. Quinze ans après ce drame qui reste l’une des plus grandes catastrophes maritimes au monde, les fantômes des disparus continuent de hanter leurs familles qui n’ont du reste que leurs yeux pour pleurer, depuis que la Justice s’est montrée incapable de démêler l’écheveau en désignant les coupables et en déterminant le degré de responsabilité des uns et des autres. En effet, sur le plan judiciaire, le dossier ouvert en France dans le cadre de ce naufrage qui comptait 18 Français parmi les victimes, a abouti à la prononciation d’un non-lieu. Pendant ce temps, au Sénégal, « le dossier a été classé par la Justice parce que le Commandant a disparu. Et on nous parle de la prescription des faits », regrette Nassardine Aïdara, coordonnateur du comité d’initiative pour l’érection d’un mémorial musée le Joola. C’est à se demander si ce fameux dossier n’a pas été lui aussi englouti par la mer. Car, comment comprendre qu’avec toute l’émotion, les dégâts matériels et humains que ce drame a créés, il n’y ait personne pour en endosser la responsabilité ? Et pourtant, il existe bien des règles en matière de transport et de navigation maritime au Sénégal. Sans oublier que toutes les sources s’accordent à reconnaître que le Ferry était anormalement surchargé, certains estimant même que le nombre de passagers embarqués dépassait 4 fois la capacité du navire. Comment peut-on alors fermer les yeux sur de tels actes tout en sachant que c’est la vie d’innocentes personnes qui était ainsi mise en danger ? Disons-le net, en manquant à trouver les coupables et à les punir à la hauteur de leur cupidité, ne serait-ce que pour l’exemple, la Justice prête le flanc à la critique. C’est pourquoi l’on est porté à croire qu’il y a quelque part une collusion d’intérêts, qui a concouru à l’enterrement du dossier.
Il appartient à chaque citoyen de comprendre qu’il est le premier responsable de sa vie
Autrement, il est incompréhensible que pour une catastrophe d’une telle envergure, qui a autant marqué les esprits et fait saigner les cœurs, on ait finalement le sentiment que personne n’est responsable. C’est le lieu d’interpeller nos autorités de façon générale sur les dangers de la circulation, qui causent, chaque année sous nos tropiques, des drames dont la plupart sont dus à la négligence humaine. Malheureusement, cela se passe très souvent sous le regard complaisant des agents chargés de veiller à la sécurité des passagers. En effet, combien sont-elles les guimbardes bringuebalantes sans visite technique à jour, véritables cercueils ambulants souvent surchargées autant en marchandises, en passagers qu’en animaux ou le tout à la fois, à arpenter nos routes africaines, au nez et à la barbe des forces de l’ordre ? Quand on connaît l’état généralement défectueux de nos routes, l’on ne peut que dénoncer la complaisance des forces de sécurité qui ne lèvent pratiquement jamais le petit doigt, jusqu’à ce qu’une catastrophe se produise. L’appât du gain seul ne saurait justifier le comportement de transporteurs cupides à l’appétit vorace, encore moins la complicité passive de forces de sécurité routière parfois racketteuses.
Cela dit, il appartient aussi à chaque citoyen de comprendre qu’il est le premier responsable de sa propre vie. Car, quand on voit comment certaines personnes luttent, quelques fois avec l’énergie du désespoir, pour embarquer à bord de vieux tacots parfois déjà pleins à craquer, l’on se demande s’ils se soucient vraiment de leur vie ou même s’ils sont conscients des risques qu’ils prennent en agissant de la sorte. De ce point de vue, l’on peut dire que les responsabilités sont partagées. En tout état de cause, on ne vit qu’une fois. A chacun selon son destin.
Outélé KEITA