LA CONFERENCE EPISCOPALE CONTRE TOUTE TENTATIVE DE GLISSEMENT DU CALENDRIER ELECTORAL EN RDC : L’Eglise catholique toujours fidèle à elle-même
Dans une allocution radiotélévisée prononcée le week-end dernier, le chef de l’Etat congolais, Joseph Kabila, a fait part à ses compatriotes, de son intention d’ouvrir un dialogue politique national et inclusif autour de la question électorale afin d’aplanir les divergences profondes qui sont en train de ronger la cohésion nationale. En cas de difficulté majeure à l’interne, pouvant compromettre ces pourparlers, il a annoncé que ce dialogue pourrait faire l’objet d’une co-facilitation internationale. Mais d’ores et déjà, une partie de l’opposition, réunie au sein des Forces acquises au changement (FAC), a annoncé qu’elle refusait de participer à un tel dialogue dont le but inavoué, selon elle, est d’aboutir à un glissement du calendrier électoral, qui ouvrirait la voie à un maintien au pouvoir de Joseph Kabila au-delà de son deuxième et dernier mandat constitutionnel en 2016.
Sous d’autres cieux, l’Eglise catholique s’est aussi illustrée par les mêmes prises de position tranchées et courageuses
De son côté, la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), qui ne fait pas mystère de son opposition au prolongement du mandat du président Kabila, n’est pas passée par quatre chemins pour appeler ce dernier au strict respect de la Constitution et à «la tenue d’élections libres et transparentes dans les délais constitutionnels ». Dans le communiqué qu’elle a produit à cet effet, la Cenco appelle même le peuple congolais à la vigilance dans l’esprit de l’article 64 de la Constitution qui prévoit que « Tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou tout groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la présente Constitution ». Si ce n’est pas un appel à la désobéissance civile du reste prévue par la Constitution, cela y ressemble fort. Toutefois, le moins que l’on puisse dire, c’est que par cette sortie tonitruante et pleine de fermeté, l’Eglise catholique reste fidèle à elle-même en s’impliquant de façon ouverte dans le débat politique. Cela n’est pas étonnant, quand on sait que sous d’autres cieux, cette Eglise s’est aussi illustrée par ces mêmes prises de position tranchées et courageuses lorsque la situation l’exigeait. En RDC comme ailleurs, elle a toujours montré sa capacité à s’assumer jusqu’au bout, après avoir pris le parti du peuple au détriment de la dictature. Elle a toujours su être en parfaite harmonie avec elle-même, ses principes et sa philosophie, en tant qu’autorité morale soucieuse de l’édification d’une société d’équité et de justice. Cette constance et cette cohérence en font l’un des partenaires privilégiés des peuples africains en lutte pour plus de démocratie et de liberté, et jamais elle n’a failli à cette mission. Cela est heureux, parce que dans cette forêt de dictatures sur le continent, il faut bien une telle autorité morale capable de recadrer les choses pour ne pas laisser les peuples à la merci de despotes indécrottables et malicieux seulement guidés par la boulimie du pouvoir et qui n’hésitent pas à user de toutes sortes d’artifices et de subterfuges pour parvenir à leurs fins. Dans le cas de la République démocratique du Congo, la volonté du président Joseph Kabila de se maintenir coûte que coûte au pouvoir est de plus en plus manifeste. Même si l’intéressé n’a pas encore totalement tombé le masque, son attitude laisse peu de place au doute quant à sa volonté de rester à la tête de l’Etat congolais au-delà de ses deux mandats constitutionnels. Dans ces conditions, comment ne pas penser, avec ses contempteurs, que toute cette agitation n’est en réalité qu’une mise en scène dont le seul but est d’arriver à contourner les dispositions constitutionnelles qui l’empêchent de briguer un troisième mandat ? Sinon, à quelque 13 mois de la fin de son mandat, quelle est l’opportunité d’organiser un tel dialogue qui ne s’impose pas ? Tout cela ne participe à vrai dire que d’une stratégie de confiscation du pouvoir par ses tenants actuels. En tout cas, sur la question, l’on peut dire que l’opposition congolaise réunie au sein des FAC, est sur la même longueur d’onde que l’Eglise catholique. Et elle devrait continuer la résistance en évitant de se livrer pieds et poings liés dans un pseudo- dialogue, à Kabila visiblement gêné aux entournures, apparemment cerné de toutes parts et en quête de sursis.
Il faut craindre que l’opposition se laisse avoir
En tout cas, à l’opposé de son homologue brazzavillois qui a pratiquement bénéficié de l’onction de Paris pour opérer sa forfaiture, Joseph Kabila ne semble pas pouvoir jouer librement à son jeu de cache-cache avec son peuple. Il lui semble aussi difficile de compter sur le soutien des démocraties occidentales pour réaliser son funeste projet. En tout cas, pas le soutien de l’ancienne puissance colonisatrice, la Belgique, encore moins celui des Etats-Unis, dont la présence est fortement marquée dans ce pays depuis longtemps et qui a toujours affiché son hostilité à tout brigandage constitutionnel. Malgré tout, il faut craindre que l’opposition se laisse avoir, notamment la partie qui semble favorable à ce dialogue. Et c’est Kabila qui s’en frotterait les mains, à l’image de ses pairs Nkurunziza au Burundi et Sassou Nguesso au Congo. Tout le malheur de bien des pays du continent, c’est d’avoir à leur tête d’anciens soldats parvenus au pouvoir par la force des armes, qui s’érigent toujours en redoutables prédateurs de la démocratie, décidés à ramer à contre-courant de l’histoire et qui se dressent comme des brise-vents de l’alternance qui souffle sur le continent. Il appartient dès lors aux peuples africains de prendre leurs responsabilités pour se libérer du joug de ces oppresseurs qui poussent le cynisme jusqu’à prétendre agir au nom du peuple et selon les désirs du peuple.
« Le Pays »