HomeA la uneALTERNANCE DEMOCRATIQUE EN OUGANDA ET AU BURUNDI : Tant que la bananeraie donnera des fruits…  

ALTERNANCE DEMOCRATIQUE EN OUGANDA ET AU BURUNDI : Tant que la bananeraie donnera des fruits…  


 

En campagne le week-end dernier pour l’élection présidentielle du 18 février prochain, le président ougandais, Yoweri Museveni, a lancé cette boutade qui  laisse perplexes beaucoup de démocrates du continent : « Comment pourrais-je quitter une bananeraie que j’ai plantée et qui commence à donner des fruits ? ». Une affirmation qui en dit long sur l’état d’esprit et les intentions du maître de Kampala. En prenant son pays pour sa plantation de bananes, Museveni confirme, pour ceux qui en doutaient encore, que son pays est l’exemple le plus achevé des républiques bananières qui pullulent sous nos tropiques. A ce titre, il ne saurait en céder les rênes à quiconque et mieux, il peut le diriger à sa guise. Comment, dans ces conditions, s’étonner que « ce vieil homme qui estime [qu’il] a sauvé le pays », ne se croit pas un destin messianique et rechigne à quitter le pouvoir ? En tout cas, par ces déclarations à peine voilées, Museveni apporte de l’eau au moulin de ses détracteurs persuadés de sa volonté de régner ad vitam aeternam sur l’Ouganda. En cela, il n’est pas loin de  disputer la palme d’or de la tyrannie à Idi Amin Dada qui ne voyait pas de dirigeant capable de gouverner son pays, en dehors de sa propre personne. La suite, on la connaît. Amin Dada a trépassé, mais l’Ouganda n’a pas disparu de la carte du monde. C’est pourquoi quand on entend Museveni dire qu’il veut « être sûr de la direction que prendra le pays »,  avant de tirer sa révérence, l’on a envie de s’émouvoir devant autant de patriotisme, si tout cela ne frisait pas le ridicule ni ne cachait mal une volonté affichée d’immoler la démocratie sur l’autel de ses ambitions personnelles et égoïstes. Aussi, le moins que l’on puisse dire, c’est que son disque est rayé. Car, c’est une chanson bien connue de bien des satrapes du continent qui ont avancé les mêmes arguments d’indispensabilité pour justifier  la confiscation du pouvoir, avec les conséquences que l’on sait.

 

La médiation ougandaise dans le conflit burundais était mort-née

Après trente ans de pouvoir, qu’est-ce que Yoweri Museveni peut apporter de plus à l’Ouganda ? Quel chantier voudrait-il encore réaliser qu’il n’ait déjà entamé ? Même si, d’un certain point de vue, il peut se targuer d’avoir stabilisé le pays, cela ne lui donne pas le droit de se prendre pour le Dieu de l’Ouganda. En tout cas, en ce XXIè siècle où tous les peuples aspirent à plus de liberté et de démocratie, rien ne justifie le comportement du président ougandais. Au demeurant, si cette volonté morbide de s’accrocher au pouvoir n’est pas un aveu d’échec, cela y ressemble fort. Qu’après plus de trois décennies de pouvoir, il ne puisse pas se trouver un successeur, cela devrait plutôt le faire réfléchir. A moins que cela ne procède d’une autre logique : celle de ne pas voir ses placards s’ouvrir après son départ du pouvoir. En tout état de cause, Museveni, au moins, a eu le courage de dire haut et fort ce que beaucoup de ses pairs africains pensent tout bas. Si à 71 ans et après trente ans de pouvoir absolu, l’insatiable Museveni estime  qu’il « ne peut pas quitter le pouvoir maintenant », l’on peut se demander quand est-ce qu’il se décidera à partir et même s’il le fera un jour. En tout cas, tout porte à croire que le président ougandais est parti pour se donner les moyens de rester au pouvoir, pour longtemps encore, fût-ce par la force, parce qu’il ne s’imagine pas une autre vie en dehors du «trône ». Et l’on ne voit pas comment il pourrait être battu dans les urnes par une opposition quasiment réduite à sa plus simple expression. A quoi donc bon encore organiser des élections si le vainqueur est connu d’avance ?  

Par ailleurs, quand on observe que c’est un tel fossoyeur de la démocratie qui a été choisi comme médiateur dans la crise burundaise, l’on n’est pas étonné des mauvais résultats engrangés jusque-là dans la résolution de cette crise. Car, à la vérité, Museveni n’a non seulement pas le profil du métier, mais il n’a pas non plus la volonté de voir aboutir l’alternance au Burundi. Tout simplement parce que Nkurunziza est un cas d’école pour tous les satrapes de cette région de cette partie de l’Afrique qui l’ont désigné comme médiateur pour défendre leurs intérêts par un maintien au forceps du boucher de Bujumbura aux affaires. Ce faisant, ils étaient sûrs que le travail serait bien fait. La médiation ougandaise dans le conflit burundais était donc mort-née, l’essentiel étant de donner encore plus de temps au pasteur-président pour renforcer son assise et continuer à massacrer son peuple. C’est pourquoi le silence, encore une fois, de la communauté internationale devant cet énième cas de maltraitance de la démocratie et de l’alternance sur le continent, est à déplorer. Car, tout porte à croire que tant que la bananeraie donnera des fruits en Ouganda, le planteur Museveni les consommera en premier. Quitte à jeter ensuite les peaux de ces bananes consommées sous les pieds… de la démocratie. Ce faisant, ce n’est pas demain la veille que l’alternance dans ce pays, sera une réalité.

Outélé KEITA


Comments
  • Bonsoir, d’abord félicitation pour votre analyse d’un des personnes, les plus sinistres de notre continent.
    Yoweri Museveni est d’abord un rebelle, il a pris le pouvoir par la force. Il n’a jamais cru aux valeurs de la démocratie. Ensuite c’est un habitué des phrases polémiques. Je rappelle qu’il est l’auteur de la phrase suivante, critiquant l’ex Organisation de l’Unité Africaine (OUA) : “c’est un syndicat des chefs d’Etat”. Par là il démontrait, faut-il reconnaître, l’inefficacité de l’OUA de résoudre les problèmes du continent. Sur ce point, l’actuelle Union Africaine est la même voie. Tous les conflits du continents lui échappent, non pas manque d’institutions par rapport à son précédesseure, mais par manque de volonté de la part des dirigeants. La crise de la Libye est une parfaite illustration. La solution politique de cette passe est passée entre les mains des organisations de l’Union Européenne et des Nations Unies.
    En revenant le cas de pathétique président ougandais, il est en parfaite syntonie avec un individu assez particulier, à la fois croyant et criminel. De là à association deux figures, totalement opposées. Pas tellement, l’histoire nous a montré le religieux est utilisé par une ambition politique destructrice du vivre-ensemble, du bien-être des hommes et des femmes. C’est un allié parfais pour Pierre Nkurunziza, qui ne peut entendre qu’un autoritaire sanguinaire comme lui. De quoi se vante-t-il Yoweri Museveni? Quelle gestion de l’Ouganda parle-t-il? Il a du sang dans les mains; ses gouvernements successifs n’ont jamais été capables d’arrêter le leader de la rébellion, qui tue des milliers de personnes. Ce vieux rebelle est devenu l’oeil de l’Occident dans l’Afrique de l’Est.
    Malheureusement le continent africain connaît des dirigeants, pour qui le pouvoir est une “bananeraie”. Comme sauveur, il n’est pas le seul. La République de Djibouti traverse une crise sociopolitique très grave à cause d’un autoritaire criminel, qui réprime l’opposition et tue sa population pour son future 4ème mandat à la tête du pays, un pays de cadavres et de morts. Là aussi, l’UA ne voit rien. Une délégation de l’opposition, qui demandait une médiation en 2013, a été refoulée d’Addis-Abeba.

    19 janvier 2016

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