PRISON A VIE REQUISE POUR HISSENE HABRE : L’ex-dictateur rattrapé par son passé
Le procès de l’ancien chef d’Etat tchadien Hissène Habré a repris le 8 février dernier à Dakar. Après la prise de parole par les avocats de la partie civile, ce fut au tour du parquet général de prendre la parole hier, 10 février, pour dérouler son réquisitoire. Le procureur a débuté son intervention par un long rappel historique de l’arrivée de Hissène Habré au pouvoir, tout en mettant l’accent sur la création de la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), du nom de ce centre de répression où ont eu lieu des violations massives des droits de l’Homme au Tchad. Au total, le parquet général requiert la prison à perpétuité pour l’ex-dictateur tchadien qui se retrouve ainsi rattrapé par son passé. Au vu de la laideur des pratiques décrites par le parquet et la partie civile, on comprend aisément le mutisme de Hissène Habré. Comment aurait-il pu se défendre, en effet, face à ses victimes qu’il ne peut même plus regarder en face ? L’exposé des témoignages de ces femmes met à nu le dictateur, contraint de se réfugier dans un silence que l’on imagine bien bruyant de l’intérieur car au fond de lui-même, sa conscience ne peut manquer d’être agitée. A moins d’avoir une pierre à la place du cœur. Mais le tyran est-il encore capable d’empathie ; lui qui tente visiblement par sa stratégie de défense, de se faire passer pour une victime ? Pour les âmes sensibles, en effet, le scénario du procès pourrait donner l’impression de juges qui s’acharnent contre un vieillard sénile qui n’a aucun moyen de défense. Plus manipulateur encore, le satrape exploite à fond le précepte selon lequel en matière de justice, «le bénéfice du doute profite à l’accusé ». Tout est donc mis en œuvre pour donner du remords aux juges mais il en faudrait bien plus pour désarçonner ces magistrats qui doivent s’évertuer à faire de ce procès, un exemple pour l’histoire.
Habré sent l’angoisse s’emparer de son corps et de son âme
La tenue de ce procès en ce XXIe siècle est d’une grande importance en raison non seulement du fait qu’il constitue l’épilogue de plus de deux décennies de quête de justice pour les victimes, mais aussi et surtout pour sa portée pédagogique. D’abord, parce qu’il est celui de l’Afrique en guerre où les charniers le disputent aux violences faites aux femmes et aux enfants comme on en voit encore dans la région des Grands lacs. Ensuite, parce qu’il met en garde les dictateurs de tout acabit qui écument encore certaines parties du continent et qui devraient se souvenir à jamais qu’«aussi longue que soit la nuit, le soleil finira par se lever» et qu’ils ne seront nulle part à l’abri. Cela n’empêche cependant pas que l’homme fasse pitié en l’absence de protecteurs comme Abdoulaye Wade qui, au pouvoir, se serait battu pour que ce procès ne voit jamais le jour. A présent, Habré sent l’angoisse s’emparer de son corps et de son âme, parce que contraint de vivre désormais le reste de ses jours en prison, hanté par les fantômes de ses victimes. C’est ce que l’on appelle entrer dans l’histoire par la petite porte.
SAHO