HomeA la une24e  EDITION DU FESPACO  :  Pari réussi, mais attention !

24e  EDITION DU FESPACO  :  Pari réussi, mais attention !


La 24e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) a fermé ses rideaux le 7 mars 2015, avec le sacre de « Fièvres » du réalisateur marocain Hicham Ayouch. Pour la quatrième fois depuis sa création en 1969, l’Etalon d’or de Yennenga prend la route du royaume Chérifien, après  «Les mille et une mains » de Souheil Ben Barka en 1973, « Ali Zaoua » de Nabil Ayouch en 2001, « Pégase » de Mohamed Mouftakir en 2011.

Pour un pari réussi, c’en est un pour le Burkina Faso, au double plan organisationnel et sécuritaire. En effet, après les événements de fin octobre 2014, qui ont vu la chute du régime de Blaise Compaoré, après 27 ans de pouvoir, il n’était pas évident que cette 24e édition du FESPACO puisse se tenir à la date indiquée, compte tenu de la période de transition que vit le Burkina, dans un contexte de crise économique accrue, de psychose sécuritaire et de crainte du fléau Ebola. Mais en cinq mois, les autorités burkinabè ont réussi le pari de la tenue de cet événement, et c’est tout à leur honneur. Leur mérite est d’autant plus grand qu’après la menace Ebola, qui a vu le report de plusieurs manifestations comme le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO), le Salon international du tourisme et de l’hôtellerie de Ouagadougou (SITHO) et le Tour du Faso, cette 24e édition du FESPACO s’est tenue dans un environnement sous-régional de peur généralisée, face aux actions des djihadistes. Et pour ne rien arranger, la menace qui pesait sur le film au sept oscars, « Timbuktu », du réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako  en raison de sa thématique, est venu mettre un peu plus la pression sur les autorités burkinabè. C’est pourquoi au sortir de ce festival, le Burkina peut être fier d’avoir réussi le pari de l’organisation et de la sécurité de cet événement continental, sans qu’aucun couac majeur ne soit venu en perturber le déroulement. Mais attention à ne pas baisser la garde, surtout au plan sécuritaire, parce que si la menace sur le film « Timbuktu » s’avérait, c’est maintenant qu’il faudrait le plus redoubler de vigilance . Car, comme le dit l’adage, « la vengeance est un plat qui se mange froid », et les djihadistes ont maintes fois fait la preuve qu’ils savent se montrer patients pour n’agir qu’au moment où on s’y attend le moins.

 

La problématique des salles constitue le maillon faible de la chaîne du cinéma aujourd’hui

 

L’une des particularités de cette 24e édition, la première de l’ère post-Compaoré, aura été, sans conteste, l’instauration du prix Thomas Sankara. L’absence sans doute de Blaise Compaoré aura permis d’enrichir le FESPACO de ce prix, en hommage à l’un des fervents défenseurs de la culture en général, et dont l’engagement et la contribution au rayonnement de ce festival panafricain, aura, entre autres, permis à son pays d’en garder l’organisation,  au moment où certaines velléités d’expropriation se faisaient sentir. L’on peut donc saluer cette innovation qui contribue, quelque part,  à rehausser l’image du festival et du Burkina Faso.

Sur le plan de la compétition, le Burkina s’en tire aussi à bons comptes, avec de nombreux prix, même s’il n’a pas décroché le graal. Ses ambassadeurs primés sont Missa Hébié avec son film « Cellule 512 » qui remporte le prix de la meilleure affiche, Apolline Traoré avec son film « Eh les hommes, Eh les femmes » qui remporte le prix spécial du Jury dans la catégorie série soutenue par Canal +, et « L’œil du cyclone » de Sékou Traoré, qui a fini sur le podium, et a raflé, au passage, le prix Oumarou Ganda et le prix spécial de l’intégration de la CEDEAO. L’on n’oubliera pas les prix de la meilleure interprétation féminine et masculine qui lui ont également échu, de même que le prix des écoles africaines de cinéma soutenu par Canal +, qui est revenu à la prometteuse Aïssata Ouarma de l’ISIS-SE, avec son film « Je danse, donc je suis ». 

Maintenant, il reste aux autorités burkinabè à travailler à donner à la capitale du cinéma africain toutes ses lettres de noblesse, en la dotant de salles dignes de ce nom, en qualité et en quantité. Au-delà, il faudrait étendre cette mesure à toutes les régions du pays. Car, il ne fait aucun doute que la problématique des salles constitue le maillon faible de la chaîne du cinéma aujourd’hui. L’on en a encore eu l’illustration lors de la projection du film « Timbuktu », où beaucoup de cinéphiles sont repartis frustrés, pour n’avoir pas eu accès à la salle, à cause de son exigüité. Or, que serait le cinéma sans salles ?  A quoi servirait-il de faire des films, si l’on ne peut pas les diffuser auprès du grand public, pour les rentabiliser, sachant que les récompenses des festivals, à elles seules, ne suffisent pas à le faire ?

En définitive, l’on peut dire que c’est avec un  soulagement justifié et une fierté légitime que le Burkina Faso a vu s’éteindre les lampions  de la 24e édition du FESPACO qui a connu une forte participation des cinéastes africains. Et si le Burkina a réussi à tirer son épingle du jeu, c’est grâce à l’engagement de tous les acteurs dont il faut saluer le travail. Il faut aussi espérer que la situation sécuritaire sous-régionale ira en s’améliorant, pour ne pas constituer une menace aux éditions à venir. En attendant, vigilance, vigilance.

 

Outélé KEITA


Comments

Leave A Comment