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5E MANDAT DE BOUTEF


Abus de faiblesse sur un malade exquis

Envers et contre tous, le président Abdelaziz Bouteflika sera dans les starting-blocks pour la présidentielle d’avril prochain. En effet, le principal concerné lui-même l’avait annoncé sur twitter. Dans la foulée, le FLN (Front de libération nationale), le parti au pouvoir, s’était inscrit dans la même dynamique. Et c’est désormais chose faite. La candidature de Boutef a été déposée hier, 3 mars 2019, et ce en dépit de la rue qui gronde. On voyait venir les choses avec surtout la nomination d’un nouveau directeur de campagne pour le compte de Boutef. Ainsi donc, du haut de ses 80 ans et en dépit du mal qui le tenaille depuis 2013, le malade le plus exquis d’Algérie voire du Maghreb, sollicite pour la 5e fois consécutive le suffrage de ses compatriotes à l’effet de présider aux destinées de l’Algérie.

L’Algérie s’est installée dans une sorte de fossilisation politique et idéologique

En fait, il faut avoir l’honnêteté et le courage d’appeler le chat par son nom. Le 5e mandat de Boutef est politiquement saugrenu et moralement indécent. En effet, depuis 1962, date à laquelle le pays a acquis son indépendance après s’être débarrassé du joug français, l’Algérie est pilotée par les acteurs de la lutte de libération. Et Abdelaziz en est un des rares héros encore en vie. Pendant que les autres pays maghrébins ont procédé à un renouvellement de leur classe politique, l’Algérie s’est installée dans une sorte de fossilisation politique et idéologique, étouffant ainsi toute possibilité d’alternance démocratique. Ceci pouvant expliquer cela, le développement du pays en a pris un sérieux coup. La principale victime de cette situation est, de toute évidence, la jeunesse. Cette frange de la population, visiblement ne se nourrit pas des hauts faits de guerre des Moudjahid qui se sont insurgés en 1954 contre la colonisation française. La jeunesse algérienne d’aujourd’hui a besoin d’espace de liberté et d’emplois décents. Ce que le pouvoir FLN n’arrive pas à lui offrir. C’est pourquoi elle n’a pas eu peur de prendre d’assaut la rue pour exprimer son exaspération et ce, malgré l’état d’urgence qui prévaut dans le pays. C’est dans ce contexte qu’Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 1999 et présent dans l’arène politique depuis 1950, entend rebeloter pour la 5e fois. C’est, de toute évidence, le mandat de trop. En effet, un régime politique immuable et incapable de répondre aux besoins essentiels et pressants des populations, devrait avoir l’intelligence et l’humilité de se retirer de l’arène, ou, à tout le moins de se mettre en réserve, pour permettre à d’autres personnes de prendre le relais. C’est ce que refuse avec une obstination maladive le FLN. La conséquence est qu’il mène aujourd’hui une guerre d’arrière-garde, c’est-à-dire, une guerre contre son propre peuple notamment sa frange jeune, censée représenter l’avenir du pays. Hélas, le constat est sans appel : les tenants du pouvoir sont disposés à aller jusqu’au bout de l’indécence. L’autre élément moralement indécent est lié au fait que le FLN donne l’impression qu’en dehors de Bouteflika, il n’y a plus personne pour diriger l’Algérie. Cette attitude frise l’égoïsme porté à un degré suprême. Et cela est une insulte au vaillant peuple d’Algérie. Mais à la décharge du malade exquis, c’est que tout porte à croire que son état de faiblesse ne lui donne pas la latitude de faire jouer son libre arbitre. Et son entourage en profite bien pour davantage beurrer ses épinards. Plus que de l’opportunisme, un tel comportement porte la marque infamante du cynisme.

Boutef doit se convaincre, son entourage avec, que les temps ont changé

De ce point de vue, l’on peut même dire que son séjour actuel à Genève pour des raisons de santé, est un prétexte pour le soustraire des effets sonores de la grogne de la rue. En tout cas, la coïncidence des événements est troublante.  Pour qu’il puisse faire acte de candidature depuis son lit d’hôpital, les orfèvres de la manipulation ont su trouver des artifices juridiques pour agir à sa place. Manifestement, l’abus de faiblesse sur un malade est ici avéré. Sous cet angle, l’on peut craindre que les choses dégénèrent en Algérie. Ce d’autant que le sentiment général qui se dégage aujourd’hui à propos du 5e mandat de Boutef est le ras-le-bol des jeunes vis-à-vis de la gouvernance du FLN. Et la seule condition qui pouvait faire retomber leur colère, c’était le renoncement ici et maintenant de l’entourage de Boutef au pouvoir. L’entêtement du FLN à maintenir Boutef sur son trône n’est bon ni pour lui ni pour l’Algérie. La voix de la sagesse et de la raison commandait qu’il entendît la colère de son peuple en se retirant. En lieu et place de cela, c’est une avalanche de promesses politiques et sociales qui a été servie au peuple gonflé de colère. Assurément, l’on est tenté de croire que la nomenklatura algérienne fait très peu cas de la dignité et des intérêts du peuple. Seule compte pour elle la mangeoire bien garnie et autour de laquelle, elle est bien postée. Que cette nomenklatura se souvienne bien que pour n’avoir pas eu la posture du renoncement volontaire au pouvoir au moment où il fallait, l’Egyptien Hosni Moubarak, le Libyen Mouammar Kadhafi et le Tunisien Ben Ali ont été pratiquement jetés dans la poubelle de l’histoire. Boutef, qui à un moment donné de sa vie, a porté de grandes valeurs pour l’Algérie, doit se convaincre, son entourage avec, que les temps ont changé. Cela dit, l’on ne peut pas compter sur la frileuse et lunatique UA (Union africaine) pour suggérer aux dirigeants actuels, la conduite à tenir pour éviter à l’Algérie une déflagration. Mais il est vrai que ce pays porte constamment en bandoulière sa susceptibilité et sa dignité, toutes choses qui dissuadent tout pays de s’intéresser à ses affaires intérieures.

 

« Le Pays »


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