HomeA la uneRESULTATS DE LA PRESIDENTIELLE NIGERIENNE : Le Niger évite le chaos du K.-O.

RESULTATS DE LA PRESIDENTIELLE NIGERIENNE : Le Niger évite le chaos du K.-O.


 

Pas de coup K.-O., pas de chaos pour le Niger. L’électorat nigérien n’a pas suivi Mahamadou Issoufou dans son désir de réaliser le coup K.-O. à la présidentielle. Mais il s’en est sorti avec un score plus que honorable. En effet, le président sortant a engrangé 48,41% des suffrages exprimés contre 17,79% pour le célèbre prisonnier de Filingué, Hama Amadou arrivé en 2e position. Le 20 mars prochain,  l’un de ces deux hommes sera élu président de la République du Niger. Le 1er constat que l’on peut faire à propos de ce scrutin est que le grand perdant est Seyni Oumarou. Le piètre score que celui-ci a réalisé illustre, s’il en est besoin, que son parti, le MNSD/Nassara, fondé par l’austère Seyni Kountché et qui a régenté le Niger pendant plus de deux décennies, est en train de fondre comme du beurre au soleil au point de ne plus apparaître aujourd’hui comme une force politique capable de réaliser l’alternance. En tout cas, c’est ce message que semble lui avoir envoyé le peuple nigérien. Cela dit, les résultats du 1er tour de la présidentielle posent à la fois un problème de cohérence de l’opposition et un problème moral.

Une victoire de Mahamadou Issoufou dans ces conditions serait un triomphe sans gloire

En effet, l’on peut se permettre de dire que l’opposition était allée trop vite en besogne en criant sur tous les toits qu’elle n’accepterait jamais les résultats des élections, parce que pour elle, le pouvoir de Mahamadou Issoufou, de connivence avec la CENI (Commission électorale nationale indépendante), les avait déjà fabriqués de manière à ce qu’il n’y ait pas de second tour. Les chiffres publiés par  la même CENI qu’elle avait traînée dans la boue, ont démenti les préjugés de l’opposition. Celle-ci aurait été cohérente avec elle-même jusqu’au bout, qu’elle aurait maintenu sa position initiale en refusant ces résultats. Ce qui n’a pas été le cas puisque déjà, elle s’est mise en ordre de bataille dans la perspective du 2e tour. C’est pourquoi l’on peut avoir envie de lui dire d’éviter à l’avenir les procès d’intention à l’encontre des institutions nigériennes, surtout quand elle n’a pas les preuves palpables et irréfutables de ce qu’elle avance. Ce faisant, elle apporterait sa pierre à l’édification de la démocratie au Niger. Le deuxième problème que ces résultats posent est d’ordre moral. En effet, l’on peut se poser la question de savoir dans quel état d’esprit pourrait se trouver Mahamadou Issoufou qui aura battu campagne en solitaire, pendant que son adversaire était en train de croupir dans les geôles de Filingué. Certes, il n’a rien à voir dans cet état de fait mais il faut reconnaître que moralement, Mahamoudou Youssouf doit être gêné aux entournures de n’avoir pas battu dès le premier tour son prisonnier d’adversaire. Cette gêne devrait être encore plus grande si au soir du 20 mars prochain, il était élu président face à quelqu’un qui, privé de sa liberté, n’a pas eu la possibilité de défendre son projet de société devant les Nigériens. Une victoire de sa part dans ces conditions serait un triomphe sans gloire. Et les partisans d’Hama Amadou auraient beau jeu de dire que si leur mentor avait été libre de ses mouvements, les choses se seraient passées autrement. De ce point de vue, l’on peut souhaiter, pour l’élégance de la compétition finale du 20 mars prochain, que la Justice nigérienne, par l’entremise de dispositions spéciales, accorde une liberté provisoire à Hama Amadou, le temps de lui permettre d’affronter Issoufou à la loyale.

L’opposition était dans une posture où elle était prête à brûler le pays

Dans l’attente de cette éventualité qui ne ferait que bonifier la démocratie nigérienne et aider à la réconciliation nationale, l’on peut dire que les trois gagnants de ce premier tour sont Mahamadou Issoufou, Hama Amadou et le Niger. Mahamadou Issoufou peut s’estimer heureux, même s’il n’a pas réalisé son coup K.-O. Son score de 48% le place en ballotage très favorable dans la perspective du second tour. Arithmétiquement parlant, ses chances de battre son adversaire sont énormes. Et ce, d’autant plus qu’il peut compter sur certains opposants qui pourraient être disposés à faire l’âne, rien que pour avoir du foin à se mettre dans la panse. Car ne l’oublions pas, nous sommes en Afrique où bien des hommes et des femmes perçoivent avant tout la politique comme un business. A ce score honorable à la présidentielle, le président sortant peut ajouter également le très bon score que son parti a réalisé aux législatives et qui fait de lui, le premier parti du Niger en termes de nombre de députés. L’un dans l’autre, Issoufou n’a pas à rougir. Le deuxième gagnant de ce scrutin est le prisonnier de Filingué. Comment, en effet, peut-on manquer de ne pas avoir de l’admiration pour les résultats qu’il a eus ? Son mérite est d’autant plus grand qu’il a réussi l’exploit, bien qu’étant en prison, de battre les autres poids lourds de l’opposition qui, eux, ont battu campagne en hommes libres. Le troisième gagnant de ce scrutin est prioritairement le Niger. En effet, si Mahamadou Issoufou avait mis tout le monde K.-0. dès le premier tour, il aurait fallu craindre le chaos pour le Niger. En tout cas, l’opposition était dans une posture où elle était prête à brûler le pays dans ce cas de figure. Le second tour a donc l’avantage d’éloigner ce spectre en sauvant l’essentiel. In fine, c’est la démocratie qui gagne. Car celle-ci ne saurait se construire à coup de gaz lacrymogènes, de défiance de l’Etat et de barricades dressées à longueur de journée dans la rue. Et le Niger n’était pas loin d’assister à ce spectacle désolant, si le président sortant avait raflé la mise dès le 1er tour. Maintenant, la grande question qui taraude les esprits des Nigériens et de bien des observateurs est la suivante : que se passerait-il si d’aventure le prisonnier de Filingué venait à être élu président par le peuple nigérien à l’issue du second tour, alors qu’il demeure toujours en prison ? Certainement que le Conseil constitutionnel nigérien y a déjà réfléchi  et a sa réponse. Il reste à souhaiter que celle-ci soit à la hauteur d’une démocratie digne de ce nom.

« Le Pays »


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