LA LETTRE DE L’EDITEUR : Faire rentrer le djinn de la bestialité djihadiste dans sa bouteille
A l’instar de ses sœurs cadettes, 2016 vient de s’éclipser derrière le grand rideau du Temps. Radieuse, majestueuse et étincelante, 2017 acte son entrée en scène par un mouvement inverse. 2016 quitte ainsi la scène sans avoir pour autant été en mesure d’emporter avec elle, toutes nos peines, douleurs et autres tracas. Mais le passage à la postérité de 2016 a la magie de produire en nous des espoirs nouveaux, dont chacun espère qu’ils seront comblés en 2017. Plaise au Ciel que, pour chacun de nous, 2017 soit meilleur à tout point de vue. Mais en attendant que nos vœux soient exaucés, revenons sur quelques faits marquants de l’année qui vient de sombrer dans les abîmes du néant. Au plan domestique d’abord. On peut se féliciter de la mise en branle, quoique poussive, de la machine des dossiers du tribunal militaire, entamée depuis le 20 décembre 2016. Il importe que pour le traitement de ces dossiers et de bien d’autres annoncés dans le courant de 2017, la balance de Thémis demeure jusqu’au bout, équilibrée. Autrement dit, que tous ces jugements débouchent sur des procès équitables, ce qui renforcera la crédibilité de notre Justice et participera davantage à la construction d’un véritable Etat de droit. Une fois les abcès crevés, on passera ensuite à l’étape des pansements des plaies en vue de la catharsis nationale, comme c’est, du reste, le vœu de la communauté nationale. Après tout, nous sommes fils et filles d’une même nation et le Burkinabè a la bienheureuse réputation de savoir jeter sa rancune à la rivière.
Grogne sociale avec son lot de grèves par-ci, de sit-in par-là sur fond de revendications corporatistes ; il faut dire que le front social a particulièrement bouillonné cette année. L’économie burkinabè, quant à elle, continue de se débattre dans les liens de la récession. Certes, on peut concéder à l’équipe de Roch Marc Christian Kaboré, que ce serait trop lui demander que d’attendre d’elle qu’elle produise des miracles en seulement 12 mois d’exercice du pouvoir. Mais, l’argument ne devrait pas avoir bon dos. Il faudra « travailler, beaucoup travailler, toujours travailler, encore travailler », pour reprendre une expression que n’avait de cesse de ressasser l’ancien président du Sénégal, Me Abdoulaye Wade. Ce doit être le vade-mecum de l’actuel locataire de Kosyam, s’il veut du moins se donner les moyens de renouveler le contrat de confiance qu’il a contracté avec le peuple burkinabè au soir du 29 novembre 2015. Mais on peut, d’ores et déjà, se féliciter d’une importante initiative nommée PNDES (Plan national de développement économique et social) qui aura mobilisé en début décembre 2016, des partenaires autour d’une table ronde des bailleurs de fonds à Paris, qui se sera soldée par des promesses au-delà des attentes. Il est annoncé une pluie d’argent sur les terres arides du Burkina, qui devrait permettre de reverdir la glèbe de son programme de développement économique et social sur la période 2016-2020. Croisons les doigts pour que les fruits tiennent la promesse des fleurs. Et qu’ensuite, suive l’action dans le sens d’un mieux-être des Burkinabè et de l’amélioration de leur vécu quotidien.
A cette lueur d’espoir, il faut ajouter le cadeau de Noël du pays de l’Oncle Sam, avec l’éligibilité du Burkina pour un nouveau compact MCA (Millenium Challenge Account). En tous les cas, le Burkina mérite soutien et accompagnement de la communauté internationale. Car, si bien des «cancres » de la démocratie sur le continent, continuent d’être soutenus à bout de bras par le Nord, le Burkina qui aura fait un prodigieux pas dans la direction de la démocratie en triomphant d’une dictature vieille de plus de deux décennies, et qui aura ensuite réalisé la prouesse de se doter de l’une des alternances démocratiques les plus réussies et saluées de l’Afrique, a logiquement droit à plus d’égards, du moins de la part des partenaires qui prônent leur attachement à la démocratie.
Cela dit, sur un tout autre plan, 2016 rend l’âme sans avoir tué le mal djihadiste qui ronge le Burkina et contrarie ses efforts de développement. Entamée dans l’horreur avec la tragédie de mi-janvier, 2016 qui aura particulièrement été sanglante, a fini dans un macabre décor de sang et de lamentations par l’attaque du poste militaire de Nassoumbou, perpétrée comme d’habitude par des haruspices de l’apocalypse venus du Mali voisin. Ça suffit ! L’ogre ne doit pas continuer à se repaître du sang de nos concitoyens.
En tout cas, les plus hautes autorités burkinabè semblent avoir pris la mesure du péril, si l’on en juge par la batterie de mesures annoncées, dont la création d’un ministère plein de la Sécurité. S’il est de bonne guerre que la fin justifie les moyens, le Burkinabè lambda, lui, ne demande, in fine, qu’une chose : que son pays recouvre sa réputation de havre de paix et de stabilité et tourne définitivement le dos au spectre des attaques terroristes. A tout prix, il faudra se doter de moyens pour faire rentrer le djinn de la bestialité djihadiste dans sa bouteille.
A présent, sortons du cadre national et intéressons-nous à ce qui aura marqué l’Afrique en particulier et le reste du monde en général, en 2016. A ce propos, comment ne pas évoquer la situation en Gambie et s’étrangler du comportement du fantasque et ubuesque chef d’Etat, Yahya Jammeh, qui s’est cru en droit de confisquer le pouvoir après sa défaite électorale ? Le peuple gambien s’affranchira-t-il enfin des serres de ce ténébreux personnage ? En tout état de cause, dans le bras de fer qu’il a engagé contre la communauté internationale, une victoire pour ce dirigeant fantasmagorique serait une catastrophe sans précédent pour la démocratie en Afrique. Même si force est de constater, hélas, que Jammeh n’est pas un cas isolé, en termes de brigandage démocratique. Quid, en effet, du sénile Mugabe du Zimbabwe qui a clairement affiché son intention de rempiler pour un … septième mandat à la tête de l’Etat ? Que dire de l’indéboulonnable Sassou N’Guesso du Congo Brazza, des insubmersibles Paul Biya du Cameroun, Obiang N’Guema de la Guinée équatoriale, etc. ? Qu’attendre encore du boucher de Bujumbura, Pierre N’kurunziza, engagé dans un pis-aller mortifère pour lequel son peuple continue à souffrir le martyre ? Impuissante face à l’autocrate, la communauté internationale semble avoir fini par s’en laver les mains ! Désormais, le totalitariste sanguinaire Néron africain peut disposer à sa guise du Burundi. Récemment d’ailleurs, il évoquait la possibilité d’une révision de la Constitution pour s’ouvrir le boulevard d’un … 4e mandat. Comme si le peuple burundais n’avait pas suffisamment pleuré ! Qui arrêtera N’Kurunziza ? Quant au jeune satrape Joseph Kabila de la RDC, qui voit désormais se dresser sur son chemin de ruse et de rouerie, l’obstacle de l’accord de la Saint-Sylvestre, trouvé sous l’égide de l’Eglise catholique, il faudra toujours s’en méfier. On sait que ce personnage taiseux a la particularité de ne jamais rien dévoiler de ce qu’il a dans le ventre. Pour lui comme pour ses pairs dictateurs, peu leur importe qu’ils soient aimés ou détestés de leur peuple. On est bien loin de l’Occident où François Hollande, pour ne pas le citer, face à l’étau d’impopularité qui l’a enserré, a pris sur lui de ne pas prolonger la « souffrance » de ses concitoyens et de son parti, en annonçant son départ de l’Elysée dès la fin de son premier mandat. De cela, il ne faut pas rêver dans bien des pays d’Afrique.
Fort heureusement, dans cet océan de « misère » démocratique, se dressent fièrement quelques îlots de démocratie à travers des exemples comme le Bénin ou encore le Ghana où les scrutins se succèdent dans une pure tradition de transparence, de paix et de dévolution pacifique et élégante du pouvoir.
L’année 2016 s’achève également dans le grand fracas de la secousse tellurique de magnitude «Trump», provoquée par l’élection quasi inattendue du magnat de l’immobilier américain. Aussi imprévisible, arrogant qu’exécré, l’homme d’affaires qui sera dans quelques jours le dirigeant le plus puissant du monde, suscite inquiétudes et craintes pour la planète. Que peut attendre l’Afrique de Donald Trump ? Donnera-t-il un coup de pied dans la fourmilière de la dictature africaine ? Rien n’est moins sûr. Même s’il faut saluer sa brillante attitude face au satrape congolais, Sassou N’Guesso, qui buvait déjà son petit lait, à l’idée d’être le premier président africain à être reçu par le successeur de Obama, avant même son entrée en fonction. Pour une humiliation, c’en a été véritablement une ! Puisse cette malheureuse expérience faire réfléchir toutes les espèces de la faune africaine des tyrans.
A tous nos lecteurs d’ici et d’ailleurs, nous réaffirmons notre volonté de continuer à satisfaire leurs attentes. L’exaltante aventure entamée depuis un certain matin du 3 octobre 1991, continue avec une détermination toujours renouvelée. Que 2017 soit pour l’humanité adamique d’ici et d’ailleurs, une année frappée de l’estampille du sublime, du généreux et du merveilleux.
Cheick Beldh’or SIGUE, Directeur général, Directeur de publication des Editions « Le Pays »
« Le Pays »